Rétropédalage dans le Nutella
Mercredi : il ne faut pas manger de Nutella à cause de l’huile de palme qu’il contient et qui participe à la déforestation. OK.
Jeudi : mille excuses, d’accord pour mettre en valeur le progrès.
Les idéaux de Ségolène Royal ne tiennent qu’à un fil. Soucieuse d’écologie entre 17 h et 17 h 30, première dame un jeudi sur quatre, de gauche les mois en « R »… L’ensorcelée du Poitou donne l’exemple en occupant divers emplois précaires. En CDD de la pensée, la voilà qui assimile l’huile de palme au progrès. Nul besoin d’avoir fréquenté l’ENA pour savoir que l’utilisation de cet ingrédient est uniquement motivée par des considérations économiques. À moins de croire que le Nutella sert également de carburant pour la fusée Ariane, le lien entre huile de palme et modernité est pour le moins fumeux.
L’improvisation commande. Ségolène Royal parle en son nom propre, en mère de famille, en banale consommatrice… Le temps d’une interview elle devient l’amie du petit déjeuner, puis passant par son jardin lui vient soudain l’idée de parler du Roundup. Électron libre, « ex-compagne de », Ségolène Royal fait partie de ces trop nombreux politiques qui occupent le terrain. Rien à dire, aucun message particulier, juste l’envie d’être là. Dans la lumière, au bon poste, au bon endroit, devant les bons petits fours… Comme des figurants qui n’ont rien d’autre à proposer que leur silhouette. Leur présence. Que faut-il dire pour rester en place ? Contre le Nutella ? Pour ?
Polémique au ras du plancher. De l’huile de palme et ses éventuelles nuisances causées aux forêts et à la santé ou son intérêt pour l’économie des pays producteurs, il n’est plus question. À déclaration improvisée, dépourvue de fond et de forme, les Italiens répondent par un « Viva Nutella ! » pavlovien dans lequel le sujet huile de palme est totalement éclipsé. « C’est nous qu’on le produit, donc c’est bien. » En évoquant cette question au débotté, entre deux portes de studio de télé, Ségolène Royal a gâché le débat. Raté l’occasion de lancer une vraie réflexion sur le produit. L’affaire est ridiculisée, moquée et, au bout du compte, pour l’opinion publique, rangée au rayon des sujets peu sérieux.
Sur le perron de l’Élysée, son ex l’attendait les bras croisés, pantalon de traviole et l’air furibard. Qu’était-elle encore aller raconter ? Tête basse, l’évaporée du Poitou prenait conscience de l’ampleur de sa bourde. Les établissements Ferrero menaçaient de larguer des tombereaux de Nutella sur la capitale, les Parisiens dans la pâte à tartiner jusqu’aux genoux, l’opposition qui allait se gausser. « Cette fois-ci, on est bien dans la merde », allaient titrer les journaux… Se rendait-elle compte ? Elle se rendait compte. Penaude, elle monta vite dans sa chambre pour rédiger un mot d’excuse et copier cent fois « Le Nutella, j’adore ça ». Dans la semaine qui suivit, le chef de l’État, diplomate en diable, convoqua le PDG de Ferrero et lui remit les palmes. Inutile de préciser que les relations entre la France et l’Italie en prirent encore un sérieux coup.
- Source : Jany Leroy