Hontes - Par Jacques Sapir
François Hollande a finalement décidé de ne pas se rendre à Moscou mais d’y envoyer Laurent Fabius, son Ministre des affaires étrangères. On pourrait croire que ce n’est qu’un demi-mal. Mais ce geste signe la déliquescence morale du personnage qui ne veut pas choisir et n’ose affronter les conséquences de son inaction. Soit nous sommes dans un conflit ouvert avec la Russie, mais alors il faut nous expliquer pourquoi, et ce que l’on reproche à ce pays et à ses dirigeants quand on s’acoquine avec des dictatures féroces et rétrogrades comme l’Arabie Saoudite ou la Qatar. Soit, les points qui nous séparent de la Russie ne sont pas de l’ordre du conflit. Ils ne peuvent alors servir de prétexte à faire cet affront au peuple Russe et à son Président, Vladimir Poutine. L’histoire jugera sévèrement cette attitude qui confond la politique internationale avec une motion de synthèse dans un congrès du parti dit socialiste depuis des lustres en voie de transformation en un parti radical-socialiste.
François Hollande a, aujourd’hui 8 mai, décidé de commémorer le 70ème anniversaire de la victoire en compagnie du Secrétaire d’Etat américain. Soit ; mais il en a profité pour aller déposer une gerbe avec John Kerry à la statue du Général de Gaulle. Ici encore, ce geste témoigne d’une méconnaissance des faits historiques les mieux établis. Personne n’ignore le conflit qui opposa la France Libre avec le Président Roosevelt, et les embuches multiples que mirent les Etats-Unis sur la route de la reconnaissance de la France Libre et de son chef. Faut-il donc rappeler à François Hollande, qui entretient semble-il avec l’Histoire ce rapport instrumental qu’il souhaiterait institutionnaliser par la réforme des programmes d’Histoire et de Géographie, que Roosevelt soutint d’abord l’Amiral Darlan, homme de Vichy contre de Gaulle, puis chercha à imposer le Général Giraud. Ce geste est une insulte à la France libre, à la Résistance, et en fin de compte à la France toute entière.
François Hollande se croit ridicule quand il endosse les habits que lui offre le Président du Kazakhstan. Mais il ne se rend pas compte qu’il est cent fois plus ridicule, et cent fois plus insultant pour la France, avec ses petits calculs d’apothicaire, mégotant sur la reconnaissance que nous devons à la Russie et en associant un représentant du gouvernement américain à un hommage au général de Gaulle en ce jour. Faut-il donc qu’il soit aveugle sur ce qu’est la politique internationale, et oublieux de ce que la souveraineté commande à un pays en ces circonstances.
Mais, les français n’oublient pas, et n’oublierons pas, ce qu’ils doivent aux peuples de l’Union Soviétique, et donc au peuple russe en ces jours. Ils n’oublieront pas que le débarquement du 6 juin 1944 ne fut possible que grâce aux grandes victoires remportées par les forces soviétiques qui ont affronté le poids principal de la guerre. Ils n’oublieront pas non plus l’homme qui, sous le couvert de sa fonction, a bradé la souveraineté et insulté par son comportement et ses atermoiements indignes la France.
- Source : Jacques Sapir