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South Stream ressuscité en Balkans Stream

Auteur : Andrew Korybko-Traduction Réseau International | Editeur : Walt | Mercredi, 18 Mars 2015 - 19h28

Au moment où la Russie commence à construire un gazoduc à travers la Macédoine qui pourrait constituer la base d’un itinéraire de South Stream révisé, le Président hongrois est en pourparlers avec Erdogan sur le financement de ce projet énorme.

Alors que beaucoup dans les Balkans se lamentaient de l’annulation du projet South Stream en décembre dernier, la Russie était à pied d’œuvre pour poser les fondations de son remplaçant, que l’on connait maintenant sous le nom de « Balkans Stream ». Le concept est de connecter le « Turckish Stream », le pipeline russe pour la région de Thrace à l’Est de la Turquie, à des partenaires serbes, hongrois et autrichiens pour lesquels était précédemment prévu le  South Stream, mais avec un détour par la Grèce et la Macédoine pour compenser l’exclusion de la Bulgarie. Alors que cette stratégie n’était jusqu’ici qu’au stade des négociations, une action concrète a été prise cette semaine pour la transformer en réalité, ce qui n’avait pas encore été possible étant donné que la Macédoine avait été frappée par une tentative de révolution colorée visant à saboter le projet entier.

Étape par étape

La principale raison pour laquelle le Balkans Stream est devenu un projet phare est que son prédécesseur, South Stream, a été annulé en décembre dernier. La Russie a pris cette décision après que la Bulgarie (influencée par l’Union européenne agissant pour le compte des États-Unis) rendait impossible la construction du gazoduc à travers son territoire en raison d’une flopée de jeux politiques et juridiques qu’elle jouait. À l’époque, l’auteur de ces lignes avait été la première personne à écrire qu’un itinéraire de remplacement pourrait être réalisé à travers la Grèce et la Macédoine, ressuscitant ainsi le projet, et répondre aux demandes énergétiques pressantes en Europe qui ont été à l’origine du projet initial. La Russie n’a pas tardé à réagir et, dans le même élan, elle a annulé South Stream et a annoncé «Turkish Stream » pour s’y substituer partiellement. Ce pipeline passera sous la mer Noire, tout comme South Stream, mais déboucherait non pas en Bulgarie, mais en Turquie. A partir de là, le gouvernement russe a déclaré, que les nations européennes pourraient acheter le gaz depuis un terminal à la frontière gréco-turque, ce qui laissait sous-entendre, de manière assez vague, que ces achats pourraient être du LNG ou peut-être même le début d’un nouveau gazoduc.

Au milieu de décembre, Poutine a officiellement proposé au cours de sa conférence de presse annuelle que le « détour » gréco-macédonien pourrait représenter une solution à l’annulation de South Stream, à condition qu’il y ait un intérêt à sa proposition. Cela a été repris par le ministre des affaires étrangères hongrois à la mi-janvier, quand celui-ci a dit que son pays appuierait le projet. Interprétant cela comme un feu vert pour aller de l’avant, Poutine a discuté du sujet avec Viktor Orban au cours de sa dernière visite à Budapest le mois dernier. Cette semaine a été la plus monumentale dans la progression effective du projet puisque Stroitransgaz, une des sociétés impliquées dans le South Stream original, a annoncé jeudi qu’elle construirait un gazoduc à travers la Macédoine et qu’elle serait prête à débuter les travaux ce week-end pour les achever d’ici l’été prochain. Le même jour, le Président hongrois, lors d’une visite de quatre jours en Turquie, s’est entretenu avec Erdogan sur un plan de financement pour le projet et, le lendemain, le ministre macédonien des affaires étrangères a effectué une visite officielle en Turquie, où il est prévu qu’il va également discuter du sujet. À travers cette série de démarches diplomatiques, Balkans Stream a fait le saut du papier à la pratique.

La révolution de couleur ratée

Cette avancée n’était pas censée se produire, du moins pas si les Etats-Unis avaient réussi leurs manœuvres en Macédoine le mois dernier. Comprenant que le goulot d’étranglement à travers lequel Balkans Stream doit passer était crucial, Washington voulait monter un coup d’État dans le pays afin d’installer un nouveau dirigeant qui rejetterait le projet et de mettre un terme aux plans de transit d’énergie fiables dans la région. Nikola Gruevski, le premier ministre de Macédoine, avait déjà rompu les rangs avec ses partenaires de l’UE en refusant de sanctionner la Russie, dans un élan de rébellion que les Etats-Unis estimaient qu’il fallait absolument briser. Quelques années auparavant, ils avaient engagé les services de l’ancien chef du renseignement Zoran Verushevsky pour illégalement mettre sur écoute plus de 20 000 personnes dans le petit pays, qui compte 2 millions d’habitants. Parmi ces personnes, il y avait des politiciens, des journalistes et des citoyens ordinaires. Quand il est apparu, à la fin de l’été dernier, que la Bulgarie allait faire obstruction à South Stream et qu’un nouvel itinéraire devrait probablement être redessiné (et la géographie veut, évidemment, que cet itinéraire passe par la Macédoine), ils ont activé leur cellule de renseignement afin d’anticiper ces plans, juste au cas où ils iraient de l’avant dans le futur.

Zoran Zaev, le chef de l’opposition, a reçu copie de ces bandes illégales afin de faire chanter le gouvernement, ce qu’il a tenté de faire de septembre à novembre. Après le refus de M. Gruevski de céder au chantage, Zaev a menacé de rendre publiques les écoutes téléphoniques et d’accuser le gouvernement de les avoir réalisées, en soutenant qu’elles contenaient également des informations politiques embarrassantes et en insinuant que cela conduirait à une révolution de couleur. À la fin du mois de janvier, les services de sécurité macédoniens ont finalement arrêté Verushevky et quelques autres conspirateurs pour avoir fomenté un coup d’État, et Zaev s’est vu confisquer son passeport pour l’empêcher de s’enfuir pendant que l’enquête était en cours. Le fils de Verushevsky a même tenté de détruire l’ordinateur de son père, mais la police l’en a empêché juste à temps, et les autorités ont pu accéder au disque dur récupéré et retrouver les conversations Skype où Verushevky et un autre membre du complot parlaient même de commencer une guerre civile dans le pays à la suite des « révélations » du chantage.

Bien que Zaev ait tenté de créer une véritable révolution de couleur le mois dernier en appelant la population à se rassembler dans les rues et protester contre le gouvernement, il n’a pas pu recueillir une adhésion cohérente et conséquente, montrant que la plupart des Macédoniens ont pris cette mise en scène pour ce qu’elle était — une tentative de coup d’état soft, style ukrainien. Allant encore plus loin, les deux partis albanais dans le pays (dont les adhérents et sympathisants représentent probablement, selon les estimations, un quart de la population) ont ouvertement pris leurs distances vis-à-vis de Zaev, réduisant ainsi les perspectives d’un retour à la violence interethnique comme celle qui avait secoué le pays en 2001, et pourrait ouvrir la voie à la guerre civile que les conspirateurs avaient évoquée. La Russie a manifestement dû sentir que la combinaison de l’action gouvernementale, la fidélité des albanais et le soutien populaire, a enfin stabilisé la situation, car elle n’aurait pas fait avancer le projet de la construction du pipeline à travers la Macédoine si elle pensait qu’il pourrait être mis en danger par une tentative de révolution colorée. En conséquence, on peut interpréter cela comme une reconnaissance par Moscou que les intrigues de Washington ont finalement échoué.

Les batailles à venir

Malgré l’échec évident de la déstabilisation par Zaev, des menaces graves subsistent encore qui pourraient mettre en péril la viabilité de Balkans Stream. Elles concernent principalement la sensibilité de la Hongrie et de la Serbie aux tentatives similaires de révolution colorée (ou une réapparition de l’instabilité en Macédoine), ainsi que la fragilité du gouvernement grec. Aussi, un plan doit être imaginé quant à la conformité du pipeline avec le troisième paquet énergétique de l’UE (qui impose la séparation des distributeurs et des fournisseurs d’énergie), étant donné que c’est le fait de ne pas l’avoir fait qui est la raison ‘ officielle ‘ du blocage de South Stream l’an dernier. Si ces difficultés peuvent être surmontées, ce qui est tout à fait réalisable, Balkans Stream a le potentiel d’enrichir la région et d’assurer un transit d’énergie stable de l’Europe pour les décennies à venir.


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