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Moins de liberté pour moins de sécurité : le triste bilan de Valls-Cazeneuve

Auteur : Nicolas Bourgoin | Editeur : Walt | Samedi, 31 Janv. 2015 - 23h54

Qui eut cru que la France de 2015 offrirait un tel tableau : plus d’une centaine de procédures pour « apologie de terrorisme », des dizaines de personnes – dont des enfants et des individus handicapés mentaux ou simplement en état d’ébriété – condamnés à de la prison ferme en comparution immédiate. Rappels à l’ordre, surveillance, délation, arrestations et garde à vue pour avoir eu le seul tort d’exprimer une opinion dissidente. Cette hystérie collective rappelle étrangement la chasse aux quenelliers de l’année passée où plusieurs centaines de personnes avaient perdu leur emploi.

Jamais aucun gouvernement n’aura contribué à ce point à faire reculer les libertés publiques : 2 lois antiterroristes en moins de 3 ans, dont l’une qui instaure un délit d’opinion inédit dans le droit pénal français, une jurisprudence qui lamine le droit à l’expression publique et artistique, une loi de programmation militaire qui légalise la surveillance d’Internet… les verrous protecteurs de la vie privée des citoyens sautent les uns après les autres. Les réseaux sociaux sont une cible privilégiée du zèle intrusif de l’État qui a hissé  la France au rang de championne du monde de la censure de tweets en 2014.  Quant à Facebook, il doit faire face à une demande d’informations de la part du gouvernement en hausse exponentielle (plus 45 % en un an), plaçant notre pays au quatrième rang mondial des plus grands demandeurs (après les Etats-Unis, l’Inde et l’Allemagne).

L’utilité de cette surenchère sécuritaire ? vraisemblablement nulle, aucune des personnes inquiétées n’ayant selon toute vraisemblance la moindre intention de commettre un quelconque attentat. Pas plus que la promulgation de la dernière loi antiterroriste – sans doute la plus liberticide jamais votée – n’a pu prévenir la fusillade de Charlie Hebdo, cette chasse aux sorcières ne fera diminuer le risque d’attentat.

Cette absurdité est représentative de la politique suivie par le ministère de l’Intérieur : entièrement mobilisé sur le front d’un risque qui fait moins de 10 victimes par an, il tourne le dos à la lutte contre l’insécurité réelle qui concerne des centaines de milliers de personnes. Dès lors, on ne s’étonnera pas que les chiffres de la délinquance soient chaque année plus mauvais. Nous l’avions constaté en 2013 et  2014 ne fait pas exception.

Quasiment tous les signaux sont au rouge : d’après les chiffres de l’ONDRP, les agressions contre les personnes ont cru respectivement de 4,5 % et 8,6 % (selon les zones rurales de la gendarmerie ou urbaines de la police) pour dépasser le demi-million par an (plus de 10 % pour les viols). Mention spéciale pour les coups et violences ayant entraîné la mort qui progressent de 40 % en moyenne. Pour ce qui est des atteintes aux biens, les escroqueries économiques et financières augmentent de 4,4 %  et 7,9 %, selon les zones rurales ou urbaines. En zone police, les cambriolages dans les résidences secondaires ont bondi de plus de 41 %, soit plus de 1 200 faits supplémentaires constatés en un an. Excepté la baisse des vols avec violence en zone police (-9,4 %), tous les types de violences augmentent dans les tableaux statistiques des deux forces de sécurité, notamment les violences non crapuleuses.

Les menaces et chantages ne cessent également de progresser (de 4,3  % ou 12,3 % suivant les zones). La palme des plus mauvais résultats revenant à Paris avec une augmentations des atteintes aux biens de plus de 10 % en un an.

Ce bilan peu glorieux montre, si besoin était, que le gouvernement pratique davantage une politique d’ordre que de sécurité. Moralisme républicain et catéchisme laïciste sur fond de lutte obsessionnelle contre le racisme et l’antisémitisme ont pris le pas sur le combat contre la délinquance qui devrait pourtant être la tâche principale du ministère de l’Intérieur. Entièrement mobilisé par sa (re)conquête d’une légitimité de gauche perdue dans sa conversion au libéralisme, le gouvernement a recours à la bonne vieille stratégie de la panique morale : agiter des menaces en partie fictives ou en tout cas médiatiquement grossies pour ensuite les conjurer par la force répressive. Les adeptes de la quenelle, les femmes voilées, les pseudo-djihadistes du net parfois en culottes courtes, les nationalistes, les dissidents et tous les déserteurs de la mobilisation générale contre le terrorisme font les frais de cette manipulation qui, à défaut de faire reculer la délinquance réelle, fait reculer la liberté et la sécurité. Exercice politiquement facile mais socialement coûteux : victime collatérale abandonnée à son sort, le peuple français ne peut que connaître une hausse continue de l’insécurité réelle.


- Source : Nicolas Bourgoin

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