Attentat à Charlie Hebdo : Le débat sur l'attentat sous « fausse bannière » s'intensifie
Des experts déclarent à l’agence Anadolu que les craintes que les "attentats terroristes" aient été organisés pour diaboliser les musulmans "doivent être prises au sérieux et faire l’objet d’une enquête".
COPENHAGUE – Plusieurs experts ont déclaré que les craintes largement exprimées sur les réseaux sociaux et Internet associant le massacre à Charlie Hebdo à une opération "sous fausse bannière", ou imputable à des agents occidentaux devaient être prises au sérieux maintenant que l’on sait que les deux frères Kouachi accusés de la tuerie à Paris étaient depuis des années sur les listes des personnes surveillées par les services secrets britanniques et étatsuniens.
Le débat sur les motivations possibles des attentats et les soupçons d’une possible "manipulation" s’est intensifié mardi, un jour après qu’un article publié sur une page Web imitant le site de la BBC s’est propagé de manière virale sur les réseaux sociaux. Ce texte remettait en cause l’authenticité d’une vidéo YouTube montrant un officier de police abattu par un homme armé durant l’attentat contre Charlie Hebdo.
Les soupçons ont encore augmenté lorsque les médias européens ont rapporté que Chérif et Saïd Kouachi, [les deux hommes] qui ont perpétré le massacre au siège du magazine satirique avant d’être tués plus tard lors d’un échange de tirs avec la police dans un village proche, avaient été identifiés en 2010 comme une "menace terroriste potentielle", placés sur une liste de personnes sous surveillance et interdits de vol par les autorités britanniques.
Le quotidien britannique The Guardian a rapporté que les deux frères avaient été répertoriés dans une base de données étatsunienne sous l’étiquette de "suspects de terrorisme" et interdits d’entrée aux USA après avoir été identifiés comme membres d’une cellule terroriste créée en 2003 et chargée d’envoyer des volontaires en Irak.
Ces articles ont encore ajouté aux inquiétudes suscitées à la fois par la nature et l’orientation de la "guerre à la terreur" menée par les USA, et par les motifs cachés derrière cette campagne politique et militaire lancée aux États-Unis sous l’administration de George W. Bush après les événements du 11 septembre 2001 à New York.
Les Européens contre les guerres
De nombreux utilisateurs d’Internet et des réseaux sociaux ont fait part de leurs soupçons quant à ce que beaucoup ont interprété comme les signes typiques de liens entre les services secrets étatsuniens et britanniques et les auteurs de ces "attentats terroristes".
Paul Craig Roberts, rédacteur adjoint au Wall Street Journal et Secrétaire adjoint au Trésor étatsunien sous l’administration Reagan, a déclaré mardi à l’agence Anadolu que les événements de Paris ressemblaient à une opération "sous fausse bannière", conduite avec la participation des services de renseignement occidentaux dans le but de ramener la France « dans la sphère d’influence de Washington » et pour « réaligner l’Europe sur Israël ».
M. Roberts a expliqué : « Je ne dis pas que c’était une opération "sous fausse bannière". Je dis que ça y ressemble. Une autre raison serait de vouloir se débarrasser de l’opposition croissante en Europe contre la poursuite des guerres au Moyen-Orient. »
Il a poursuivi : « Si l’on considère le nombre de journalistes de guerre tués par l’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL), lequel est financé et organisé par Washington, le tumulte créé par la mort des dessinateurs a toutes les apparences d’une manipulation. »
« Que ce soit une opération ‘sous fausse bannière’ ou pas, ces meurtres ont clairement été utilisés dans des buts plus larges, à savoir, susciter la haine envers les musulmans, et soutenir la "guerre contre le terrorisme » lancée par le président étatsunien George W. Bush immédiatement après le 11 septembre. »
La guerre contre l’Iran
Les commentaires de Roberts font écho aux inquiétudes – longuement débattues sur les médias sociaux – causées par les propos tenus en 2007 par le général quatre étoiles Wesley Clark, retraité de l’armée étatsunienne, qui était commandant de l’OTAN pendant la guerre de Yougoslavie, en 1999.
Clark a évoqué en 2007, lors d’une interview vidéo avec Amy Goodman – journaliste étatsunienne de Democracy Now -, une note classifiée dont lui avait parlé un général de l’état-major interarmées U.S. au moment des premiers bombardements de l’Afghanistan – et qui disait : « Nous allons envahir sept pays dans les cinq années à venir, en commençant par l’Irak, la Syrie, le Liban, la Libye, la Somalie, le Soudan et pour terminer, l’Iran ».
Daniele Ganser, directeur du SIPER (Swiss Institute for Peace and Energy Research, ou Institut Suisse pour la paix et la recherche sur l’énergie), a déclaré à l’agence Anadolu : « Les chercheurs doivent tenter de savoir si le récent attentat terroriste à Paris était une opération "sous fausse bannière" perpétrée dans le but de discréditer globalement les musulmans et justifier les bombardements de pays musulmans qui ont lieu depuis de nombreuses années maintenant, et qui se poursuivent. »
Il a expliqué que « pendant la Guerre froide, des attentats terroristes ‘sous fausse bannière’ ont été commis par des criminels liés aux services secrets européens, à la CIA et aussi à l’OTAN. Un réseau armé secret, connu sous le nom de ‘Gladio’, préparait la guerre en sous-main dans l’éventualité d’une invasion soviétique. »
La Grande-Bretagne manipule les extrémistes
Ganser a poursuivi : « À cette époque-là, l’ennemi officiel de Washington et de l’OTAN était la Russie communiste. Faute d’invasion effective, les criminels du réseau Gladio ont perpétré des attentats terroristes en Italie et dans d’autres pays, en semant de faux indices dans le but de discréditer les communistes. »
Ganser a fait remarquer que certains pays de l’OTAN ont bombardé plusieurs pays musulmans, ces dernières années, dont l’Afghanistan, la Libye, l’Irak et la Syrie.
Kevin Barrett, éditeur de Veterans Today (site web d’information étatsunien des vétérans de guerre), a déclaré lundi dernier : « Le gouvernement britannique collabore depuis longtemps avec des extrémistes salafistes et wahhabites, qu’il protège et manipule pour atteindre ses propres objectifs politiques. »
L’histoire de la parodie de la BBC
Ces commentaires ont surgi au lendemain de la propagation virale sur les réseaux sociaux d’un article paru sur un site Web ressemblant à s’y méprendre à celui de la BBC, et qui posait des questions sur l’authenticité de la vidéo montrant l’un des deux hommes armés tuer un officier de police après l’attaque de Charlie Hebdo à Paris la semaine dernière.
Ce faux commentaire [de la BBC] expliquait que « le clip vidéo diffusé par les agences de presse partout dans le monde au sujet des récents événements à Paris était examiné attentivement, » en référence à un certain nombre d’anomalies identifiées sur la vidéo YouTube du massacre de Charlie Hebdo.
L’article mettait en avant la présence de ce qui est décrit comme des "marqueurs au sol" dans la vidéo des deux hommes armés tuant le policier – deux lignes noires à angle droit sur le bitume au milieu de l’emplacement de la voiture lorsque le clip commence, ainsi qu’une chaussure positionnée carrément devant la porte de la voiture d’où sort le passager.
Le texte suggère une coupure dans la vidéo entre le moment où le policier reçoit apparemment une balle dans la tête, et celui où le tueur remonte côté passager dans le véhicule, lequel semblait avoir reculé un peu par rapport à sa position initiale – avec une deuxième ligne noire tracée au sol à angle droit de la direction de la route, ligne qui apparaît plus clairement au niveau de la roue avant droite.
L’expansion militaire US
L’homme armé saisit ensuite la chaussure et la remet dans la voiture où il monte lui-même.
L’article citait les propos d’un certain David Mayhew, décrit comme un "expert médico-légal et de la balistique" : « Si la vidéo montre les événements tels qu’ils se sont passés, alors selon moi, il est très probable que l’arme a feu que l’on y voit tire des balles à blanc et non celles conventionnelles. »
Le faux article concluait : « Alors que de nombreuses théories ont vu le jour sur ces aspects et sur d’autres, le consensus général parmi non seulement les sceptiques, mais aussi d’importantes agences de presse, est que l’événement tout entier est un False-Flag, un attentat "sous fausse-bannière" perpétré par la CIA et/ou le Mossad et faisant partie d’une psy-ops (opération psychologique) conduite dans le but de susciter la haine contre l’islam et de soutenir ce qui jusqu’à maintenant n’est qu’une faillite générale, à savoir la campagne militaire en Irak, en Syrie et au Moyen-Orient. »
Ce genre de discours reflète des questionnements authentiques sur Internet et sur les réseaux sociaux qui n’ont eu de cesse de remettre en cause la "guerre contre le terrorisme" menée par les USA et la constante expansion militaire et guerrière conduite par les USA qui a marqué la période post-11-Septembre.