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Racisme aux Etats-Unis: les dérives sidérantes de la police de Ferguson

Auteur : L'express | Editeur : Stanislas | Vendredi, 15 Août 2014 - 01h40

Surarmés dans les rues de Ferguson, plus enclins à entraver la liberté de la presse qu'à enquêter sur la mort de Michael Brown, le jeune noir tué par un policier dans une banlieue du Missouri: voici l'image que renvoient les policiers locaux, en commettant des erreurs qui jettent de l'huile sur le feu.

Erreur n°1: considérer Ferguson comme une "zone de guerre"

Véhicules blindés, fusils d'assaut, protections dignes de forces spéciales, balles en caoutchouc, grenades assourdissantes et gaz lacrymogène... Cet équipement lourd est-il nécessaire pour endiguer les débordements, lors des manifestations (en grande majorité pacifiques) qui ont suivi la mort de Michael Brown, un jeune Noir tué par un policier blanc samedi dernier dans la banlieue de Saint-Louis, Missouri? Présenter un aspect si militaire ne risque-t-il pas, au contraire, d'alimenter la tension plutôt que de l'apaiser?

"Protéger et servir." Nombreux sont ceux, parmi les manifestants de Ferguson, qui rappellent à la police locale quelle est sa mission première. "A quel moment cette règle est-elle devenue 'nous contre eux'?", s'interroge le Business Insider, déplorant la militarisation croissante des policiers. Alors que certains reporters comparent Ferguson au Caire, le New York Times a même dépêché une journaliste plutôt habituée à couvrir le Proche et le Moyen-Orient sur cette "zone de guerre". Une expression employée par un policier, rapporte-t-elle.

La police, elle, assume. Le chef de la police locale, Jon Belmar, assure même à la presse que ses hommes ont fait preuve "d'un incroyable retenue" alors qu'ils étaient pris pour cibles par des jets de pierre et de bouteilles, ainsi que par des tirs, rappelle le Boston Globe. Une vingtaine de véhicules de patrouille ont été détruits dans la nuit de dimanche à lundi, théâtre d'émeutes et de pillages. 

Barack Obama a interrompu ses vacances dans le Massachussetts pour être briefé sur les risques d'escalade par son ministre de la Justice Eric Holder. Et le gouverneur du Missouri, Jay Nixon, doit se rendre sur place ce jeudi, après avoir déclaré que "nous respectons la mission des forces de l'ordre qui doivent protéger le public, mais nous devons aussi protéger les droits des citoyens de se rassembler pacifiquement et la liberté de la presse" 

Erreur n°2: entraver la liberté de la presse

Or "la militarisation de la police affecte sérieusement la liberté de la presse", déplore Ryan Grim, chef du bureau de Washington du Huffington Post.  

De nombreux journalistes qui tentent de couvrir les événements de Ferguson se heurtent à des entraves venant de la police locale. Mercredi, par exemple, des reporters se sont retrouvés pris dans un nuage de gaz lacrymogène, utilisé par la police pour disperser les manifestants: cette équipe d'Al Jazeera a dû fuir en courant alors qu'elle allait réaliser un duplex pour couvrir les événements de Ferguson. Ce sont les policiers qui, ensuite, ont démonté leur matériel vidéo. 

Dans les airs, l'imposition d'une "no-fly zone" dans le ciel de Ferguson, officiellement pour des raisons de sécurité, a également rendu plus complexe la collecte d'images aériennes de la ville, dès ce week-end. Et au sol, les conditions de travail sont devenues complexes pour les journalistes, tous médias confondus. En début de semaine, les forces de l'ordre ont tout simplement interdit à des journalistes d'entrer sur la zone, d'après ce conseiller municipal.

Gare à ceux qui voudraient prendre des photos, comme la reporter de USA Today... Même le journaliste local du Saint-Louis Post-Dispatch a reçu des menaces d'arrestation s'il restait couvrir l'événement. 

Wesley Lowery, reporter au service politique du Washington Post, et Ryan Reilly, du Huffington Post, eux, n'ont pas reçu qu'une menace. Ils ont été arrêtés, alors qu'ils étaient de simples "consommateurs" dans un McDonald's de la ville, d'après le récit de leur arrestation. Leur confrère du Guardian, témoin de la scène, a été menacé d'être lui-même arrêté, alors qu'il cherchait à vérifier l'identité des deux journalistes.

Un journaliste du Los Angeles Times a rapporté que le chef de la police locale, une fois mis au courant, a réagi sur un "ton choqué" et serait intervenu pour obtenir leur libération.  

Les deux journalistes américains ont finalement été libérés, sans inculpation ni explication. Ont-ils évacué le McDonald's trop lentement au goût des policiers? Les forces de l'ordre n'ont-elles pas apprécié qu'ils continuent de filmer?

Erreur n°3: alimenter les soupçons de racisme

D'autres personnes arrêtées lors de ce qui s'apparente à un coup de filet n'ont pas été relâchés aussi vite qu'eux: Antonio French, conseiller municipal très actif sur Twitter, membre de la communauté afro-américaine, a été retenu bien plus longtemps. Un fait qui alimente les soupçons de racisme, dans cette banlieue où les tensions raciales sont très fortes. 

Concernant la mort de Michael Brown, à l'origine de cette affaire, le FBI a "lancé une enquête fédérale sur d'éventuelles violations des droits civiques qui complètera l'enquête menée par celle de la police du comté de St-Louis", a indiqué Cheryl Mimura, porte-parole de l'antenne locale du FBI. Et le chef de la police de Ferguson, Thomas Jackson, tente de faire amende honorable en affirmant que l'amélioration des relations avec cette communauté est "sa priorité n°1 actuellement".  

Mais sur le terrain, les écarts de ses hommes attisent les tensions. CNN a même enregistré un policier en train de qualifier les manifestants de "putain d'animaux".

Des habitants se sont également plaints de l'utilisation de chiens par les policiers pour maîtriser les foules, dans les heures qui ont suivi la mort de Michael Brown. Un signe qui "évoque à leurs yeux le spectre des manifestations pour les droits civiques, il y a un demi-siècle", note le Boston Globe. Un parallèle que certains internautes illustrent même sur Twitter.

Erreur n°4: manier le "deux poids deux mesures" dans l'enquête

Enfin, la police est critiquée pour sa gestion de l'enquête sur la mort de Michael Brown. Alors que la majorité des manifestants scandent des slogans comme "Pas de justice, pas de paix" ou "Ne tirez pas", en levant les mains au ciel en signe de reddition, certains jeunes plus remontés rebondissent sur les maladresses des policiers pour justifier des débordements nocturnes. 

Ainsi, mercredi soir, parmi la centaine de manifestants, une poignée de jeunes hommes "ont hurlé et exigé que la police rende publique l'identité de l'homme qui a tué Michael Brown", raconte le Saint-Louis Post-Dispatch. Mais son nom, qui devait être rendu public, ne le sera finalement pas pour sa sécurité et celle de ses collègues, la police ayant reçu des menaces. Les autorités sont accusées de manquer de transparence.

A Ferguson, les anciens veulent que justice soit faite et les jeunes crient vengeance 

Elles manqueraient aussi d'empressement pour mener leur enquête. Ainsi le principal témoin des faits, l'ami qui se trouvait avec Michael Brown samedi au moment du drame, n'a-t-il toujours pas été entendu par la police. D'après les autorités questionnées par River Front Times, un média local, elles auraient tenté à plusieurs reprises de le rencontrer, chez lui ou via son avocat. En vain.  

Dorian Johnson, 22 ans, semble pourtant disponible pour donner sa version, comme il le fait depuis quelques jours dans les médias. A ses yeux, son ami a été "tué comme un animal", répète-t-il. Pour lui, "il y a deux foules à Ferguson. Les plus anciens qui veulent que justice soit faite. Et les plus jeunes qui crient vengeance. Dans les deux cas, il y a beaucoup de colère. Moi aussi, je suis en colère, je suis dégoûté." Ou comment la police locale est en train de perdre la bataille médiatique...


- Source : L'express

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