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Jeudi, 19 Sept. 2024

Derrière le débat Harris-Trump

Auteur : Manlio Dinucci | Editeur : Walt | Lundi, 16 Sept. 2024 - 13h45

Lors du débat entre les deux candidats à l’élection présidentielle américaine, Kamala Harris a déclaré : « L’agenda de Poutine ne concerne pas seulement l’Ukraine. Les alliés européens nous sont reconnaissants de comprendre l’importance de la plus grande alliance militaire que le monde ait jamais connue, à savoir l’OTAN. Ce que nous avons fait, c’est de préserver la capacité de Zelensky et des Ukrainiens à lutter pour leur indépendance. Sinon, Poutine serait installé à Kiev et aurait les yeux rivés sur le reste de l’Europe ».

Harris renverse ainsi la réalité, cachant le fait que c’est l’OTAN, sous le commandement des États-Unis, qui a attaqué la Russie, s’étendant avec des bases militaires et des armes nucléaires toujours plus près de son territoire, organisant en 2014 avec des forces néo-nazies le coup d’État en Ukraine et l’attaque ultérieure contre les Russes d’Ukraine. Une guerre à outrance, donc, contre la Russie. Dans ce contexte, écrit le New York Times, « le président Biden semble être sur le point de permettre à l’Ukraine de lancer des armes occidentales à longue portée en territoire russe, à condition qu’elle n’utilise pas d’armes fournies par les États-Unis ». En d’autres termes, M. Biden autorisera les alliés européens à fournir à l’Ukraine des armes à longue portée pour frapper en profondeur le territoire russe. La Grande-Bretagne est déjà prête à le faire.

« L’armée ukrainienne n’est pas en mesure de lancer des attaques à longue portée avec des armes occidentales. – a souligné le président Poutine – Cela n’est possible qu’en utilisant les données de renseignement des satellites de l’OTAN. Il ne s’agit pas de permettre au régime ukrainien d’attaquer la Russie avec ces armes, mais de décider si les pays de l’OTAN sont directement impliqués dans le conflit ou non. Si cette décision est prise, cela signifiera que les pays de l’OTAN, les États-Unis et les pays européens, seront en guerre contre la Russie. Et si c’est le cas, alors, en gardant à l’esprit le changement de l’essence même de ce conflit, nous prendrons les décisions appropriées sur la base des menaces qui seront créées contre nous ».

Étant donné que les missiles à longue portée peuvent être armés d’ogives nucléaires et non nucléaires, la Russie serait exposée à un risque plus élevé d’attaque nucléaire.

Lors du débat avec Harris, Donald Trump a déclaré que « la situation s’aggrave, elle pourrait conduire à la troisième guerre mondiale ». Poutine possède des armes nucléaires. Personne n’y pense. Et il finira par les utiliser. C’est quelque chose dont nous n’aimons pas parler. Personne n’aime en parler ».

Il a ensuite souligné : « Je pense qu’il est dans l’intérêt des États-Unis de mettre fin à cette guerre et de négocier un accord. »

Trump simplifie toutefois la manière dont, s’il devenait président des États-Unis, il pourrait mettre en œuvre un tel accord : « Si j’étais président, la guerre n’aurait jamais commencé. Je connais très bien Poutine et Poutine me respecte, alors qu’il ne respecte pas Biden. »

L’idée simpliste selon laquelle la guerre pourrait se terminer par un accord personnel entre les deux présidents ne tient pas compte du fait qu’elle est déclenchée par les grandes puissances des États-Unis et de l’Occident, qui sont en train de perdre la domination qu’elles ont exercée jusqu’à présent dans le monde et qui tentent de la préserver par la guerre.

Le scénario de la guerre en Europe est lié à celui du Moyen-Orient, où une guerre est en train d’éclater et pour laquelle Trump, comme Harris, blâme non pas Israël, soutenu par les États-Unis, mais l’Iran, un allié de la Russie et de la Chine, le pays le plus redouté par les États-Unis et par Trump lui-même, en raison de ses grandes capacités économiques.

Traduction : Mondialisation.ca

***

Craig Murray à propos du débat Harris-Trump

Je viens d’écouter l’enregistrement du débat Trump/Harris. Sans tenir compte des mérites de leurs positions politiques, je suis d’accord avec le consensus général selon lequel la vice-présidente Kamala Harris a « gagné » en termes de performance, mais seulement parce que l’ancien président Donald Trump a été mauvais.

Les deux ont bien sûr été terribles sur la Palestine. Bien que je sache que ce sujet intéresse peut-être une majorité de mes lecteurs et qu’il s’agisse d’une question clé pour une part importante des électeurs américains, ce n’est pas le sujet de cet article. Je réfléchis plus largement aux perspectives de savoir qui va devenir président des États-Unis.

La capacité de Trump à développer un argument cohérent semble l’avoir abandonné et il s’est facilement laissé distraire par Harris dans des querelles sans nécessité, notamment sur la participation aux manifestations.

Harris n’a rien dit de vraiment impressionnant et s’est exposée aux attaques sur son propre bilan. Trump ne semblait pas suffisamment maîtriser la logique du débat pour contrer efficacement.

Je soupçonne que le débat n’aura pas eu beaucoup d’effet sur le soutien du public, car les messages d’attaque de Trump sur l’immigration motiveront ses partisans quoi qu’il en soit, et il a continué à les répéter.

Mais je voulais me concentrer sur le parti pris éhonté des modérateurs en faveur de Harris. La formulation des questions adressées à chaque candidat était bien plus hostile à Trump. Permettez-moi de prendre les quatre premières questions posées – deux à chaque candidat :

David Muir à Trump :

“Monsieur le Président, je voudrais revenir sur un point que vous avez tous deux évoqué. La vice-présidente a évoqué vos taxes douanières, vous avez répondu, et nous allons approfondir ce sujet. Car votre projet, comme elle le dit, est essentiellement une taxe nationale sur les ventes.

Votre proposition prévoit l’imposition de droits de douane, comme vous l’avez souligné ici, sur tous les produits importés de l’étranger. Vous avez récemment déclaré que vous pourriez doubler votre plan en imposant des droits de douane de 20 % sur les marchandises entrant dans notre pays.

Comme vous le savez, de nombreux économistes affirment qu’avec des taxes douanières de ce niveau, les coûts sont ensuite répercutés sur le consommateur. La vice-présidente Harris a déclaré que cela entraînerait une hausse des prix de l’essence, de la nourriture, des vêtements et des médicaments, arguant que cela coûterait à une famille moyenne près de 4 000 dollars par an. Pensez-vous que les Américains peuvent se permettre des prix plus élevés à cause des taxes douanières ? »

Notez ce qui se passe ici. Muir cite Harris à deux reprises et valide son affirmation selon laquelle une taxe douanière est une taxe sur la vente : « comme elle le dit, est essentiellement une taxe nationale sur les ventes ».

Il cite ensuite Harris à nouveau sur le fait que cela coûte aux familles américaines 4 000 dollars par an. Sa question à Trump ne vise pas à savoir s’il est d’accord avec l’affirmation de Harris, mais à lui poser une question beaucoup plus chargée : « Pensez-vous que les Américains peuvent se permettre des prix plus élevés ? »

Je suis moi-même en faveur du libre-échange, mais une taxe douanière n’est pas simplement une taxe sur les ventes, et l’affirmation selon laquelle cela couterait 4 000 dollars par an est une absurdité totale.

Le ménage américain moyen dépense seulement environ 11% de sa consommation en biens importés. Cela équivaut à environ 8 000 $ de biens importés par ménage et par an.

Même si Trump devait imposer un tarif de 20 % sur tous les biens importés — ce qui n’est pas son plan — et même si tous ces biens bénéficiaient actuellement d’un tarif nul — ce qui n’est certainement pas le cas — et même s’il n’y avait pas de substitution aux importations et que le coût total était répercuté sur le consommateur — ce qui n’est pas non plus le cas, il n’est clairement pas possible qu’un tarif de 20 % sur 8 000 $ de dépenses puisse en coûter 4 000.

Donc, les diverses absurdités débitées par Trump ont été « vérifiées » par les modérateurs mais la propagande complètement dénuée de toute logique de Harris a été approuvée et renforcée.

Trump aurait pourtant dû pouvoir répliquer en évoquant l’objectif de promouvoir la production nationale et d’encourager l’industrie et l’agriculture nationales. Son incapacité à le faire – et même à contre-attaquer par une réfutation logique sur quoi que ce soit – a rendu ce spectacle profondément insatisfaisant.

Linsey Davis à Trump :

"Je voudrais aborder la question de l’avortement. Président Trump, vous vous êtes souvent vanté d’avoir réussi à faire échouer l’arrêt Roe v Wade l’année dernière. Vous avez déclaré que vous étiez fier d’être le président le plus pro-vie de l’histoire américaine. Puis, le mois dernier, vous avez déclaré que votre administration serait formidable pour les femmes et leurs droits reproductifs. Dans votre État d’origine, la Floride, vous avez surpris beaucoup de monde en interdisant l’avortement après six semaines, car vous aviez d’abord déclaré que c’était trop court et vous aviez déclaré (citation) « Je vais voter pour que nous ayons besoin de plus de six semaines. »

Mais le lendemain même, vous avez changé d’avis et déclaré que vous voteriez en faveur de l’interdiction de l’avortement après six semaines. La vice-présidente Harris a déclaré que les femmes ne devraient pas vous faire confiance sur la question de l’avortement parce que vous avez changé de position à de nombreuses reprises. Pourquoi devraient-elles donc vous faire confiance ?"

Notez l’agressivité dans la formulation de cette question et l’utilisation du verbe à connotation négative « vanté » dans la formulation. Également l’utilisation d’expressions amplifiantes comme « le lendemain même ».

Comparez maintenant ce ton avec les questions superficiellement « provocatrices » visant à défier Harris.

David Muir à Harris :

"Nous allons maintenant nous pencher sur l’immigration et la sécurité des frontières. Nous savons que c’est un problème pour les Républicains, les Démocrates et tous les électeurs de ce pays. Vice-présidente Harris, le président Biden vous a chargé de vous attaquer aux causes profondes de la migration en provenance d’Amérique centrale.

Nous savons que les passages illégaux aux frontières ont atteint un sommet sous l’administration Biden. En juin dernier, le président Biden a adopté de nouvelles restrictions en matière d’asile. Nous savons que les chiffres ont depuis lors considérablement diminué. Mais ma question ce soir est la suivante : pourquoi l’administration a-t-elle attendu six mois avant les élections pour agir ? Auriez-vous agi différemment du président Biden à ce sujet ?"

C’est fascinant parce que l’intention est clairement de donner l’impression de s’attaquer à Harris, alors que la formulation de la question est orientée en sa faveur.

La description du rôle de Harris correspond exactement à celle de son équipe de campagne : elle n’était pas en charge du contrôle des frontières ou de la politique d’immigration, mais plutôt de la lutte contre les « causes profondes » de l’immigration. C’est exactement ainsi que Harris veut le présenter, mais ce n’est pas tout à fait vrai.

De plus, le problème est présenté comme étant essentiellement résolu, ce qui est encore une fois une proposition extrêmement douteuse, et la question est fondamentalement : pourquoi cela vous a-t-il pris autant de temps ?

Après quelques échanges entre les candidats, Muir est intervenu pour renforcer un point déjà soulevé par Kamala Harris.

David Muir :

« Président Trump, sur ce point, je vais vous inviter à répondre »

Trump :

« Eh bien, j’aimerais répondre »

David Muir :

« Laissez-moi juste vous demander, pourquoi avez-vous essayé de torpiller ce projet de loi, et y êtes-vous parvenu, alors qu’il aurait fallu déployer des milliers d’agents supplémentaires à la frontière ? »

Examinons maintenant la formulation d’une autre question « difficile » posée à Harris :

Lindsey David à Harris :

"Madame la Vice-Présidente Harris, lors de votre dernière campagne présidentielle, vous avez déclaré vouloir interdire la fracturation hydraulique, mais plus maintenant. Vous vouliez des programmes de rachat obligatoires pour les armes d’assaut, mais votre bureau de campagne dit désormais que vous ne le souhaitez pas.

Vous avez soutenu la dépénalisation du passage des frontières, vous adoptez désormais une position plus dure. Je sais que vous dites que vos valeurs n’ont pas changé, alors pourquoi tant de vos positions politiques ont-elles changé ?"

Notez comment, pour les deux questions posées à Harris, la réponse est fournie dans la question.

La question de l’immigration a été présentée comme résolue et la question des volte-faces comme le reflet de valeurs cohérentes. Harris a saisi la bouée de sauvetage qui lui était offerte et a insisté sur ses valeurs de « fille de la classe moyenne » et sur tous les cas difficiles qu’elle prétendait avoir été inspirée à aider.

Sur la question palestinienne, les deux personnes ont naturellement rivalisé pour se présenter comme les plus fervents soutiens d’Israël. Kamala Harris a fait une génuflexion en faveur de la protection des civils palestiniens et du droit des Palestiniens à l’autodétermination, mais il s’agissait d’un geste tellement symbolique qu’il n’est pas nécessaire de s’y intéresser davantage.

Dans l’ensemble, c’est extrêmement décourageant. Harris est apparue comme une politicienne sans scrupules qui adopte les positions qui servent sa carrière, mais elle est plus compétente intellectuellement que prévu. Trump est apparu comme le boulet d’un canon que personne n’avait chargé.

Comme pour le Premier ministre britannique Keir Starmer, il ne fait aucun doute que Harris est la candidate idéale pour le Deep State, et l’orientation du débat en sa faveur n’est guère surprenant.

Il faut un effort d’analyse textuelle pour le cerner, et j’espère vous avoir donné un début d’analyse en ce sens.

Craig Murray - That Harris/Trump Debate

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone


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