Pour continuer à tuer à Gaza, Israël et les États-Unis font fi des lois de la guerre
Les deux plus hautes juridictions du monde sont devenues les ennemis jurés d’Israël en tentant de faire respecter le droit international et de mettre fin aux atrocités commises par Israël à Gaza.
Les annonces distinctes faites la semaine dernière par la Cour internationale de justice (CIJ) et la Cour pénale internationale (CPI) auraient dû contraindre Israël à opérer un repli de la bande de Gaza.
Vendredi dernier, un groupe de juges de la CIJ – parfois nommée Cour mondiale – a exigé qu’Israël mette immédiatement fin à son offensive sur Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. Israël a réagi en intensifiant ses exactions.
Dimanche, il a bombardé une soi-disant “zone de sécurité” où vivent des familles de réfugiés forcées de fuir le reste de la bande de Gaza, dévastée par les attaques israéliennes depuis huit mois. La frappe aérienne a mis le feu à une zone bondée de tentes, tuant des dizaines de Palestiniens, dont beaucoup ont été brûlés vifs. Une vidéo montre un homme tenant en l’air un bébé décapité par l’explosion israélienne.
Des centaines d’autres personnes, dont un grand nombre de femmes et d’enfants, ont été grièvement blessées, victimes notamment d’horribles brûlures. Israël a détruit la quasi-totalité des infrastructures médicales susceptibles de soigner les blessés de Rafah, et interdit l’accès aux fournitures médicales élémentaires, telles que les analgésiques, à même de soulager leurs souffrances.
Le président américain Joe Biden avait mis en garde contre ce scénario il y a quelques mois, en suggérant qu’une attaque israélienne contre Rafah constituerait la “ligne rouge” à ne pas franchir. Mais la ligne rouge américaine s’est volatilisée dès qu’Israël l’a franchie. Les fonctionnaires de Joe Biden n’ont pas trouvé mieux que de se contenter d’une déclaration hypocrite qualifiant les images de Rafah de “déchirantes”.
Mais ces scènes n’allaient pas tarder à se répéter. Israël a de nouveau attaqué le même secteur mardi, tuant au moins 21 Palestiniens, pour la plupart des femmes et des enfants, lorsque ses chars sont entrés dans le centre de Rafah.
La Cour internationale de justice : un mécanisme efficace
La CIJ a exigé qu’Israël mette fin à son attaque contre Rafah après avoir décidé, en janvier, de le juger pour génocide, une procédure judiciaire qui pourrait durer des années. En attendant, la CIJ a rappelé qu’Israël doit s’abstenir de toute action risquant d’entraîner un génocide des Palestiniens. Dans son verdict de la semaine dernière, la Cour a fortement laissé entendre que l’attaque actuelle contre Rafah sert précisément un tel objectif.
Israël n’a sans doute osé défier la Cour, sachant qu’il peut compter sur le soutien de l’administration Biden. Les fonctionnaires de l’ONU, admettant qu’ils étaient à court d’expressions négatives pour décrire la catastrophe qui ne cesse de s’aggraver à Gaza, l’ont qualifiée d’“enfer sur terre”.
Quelques jours avant la décision de la CIJ, les rouages de sa cour sœur, la CPI, ont enfin commencé à tourner. Karim Khan, son procureur général, a annoncé la semaine dernière qu’il requerrait des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, et son ministre de la Défense, Yoav Gallant, ainsi que contre trois dirigeants du Hamas. Les deux dirigeants israéliens sont accusés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, notamment d’avoir tenté d’exterminer la population de Gaza par une famine planifiée.
Israël bloque l’acheminement de l’aide depuis de nombreux mois, entraînant ainsi une terrible famine, situation exacerbée par la récente prise du checkpoint entre l’Égypte et Rafah, où l’aide humanitaire devait être acheminée. La CPI est un mécanisme judiciaire potentiellement plus dangereux pour Israël que la CIJ.
La Cour mettra probablement des années à rendre un jugement sur la question de savoir si Israël a définitivement commis un génocide à Gaza – peut-être trop tard pour sauver une grande partie de sa population. La CPI, en revanche, peut délivrer des mandats d’arrêt en l’espace de quelques jours ou de quelques semaines. Bien que la CIJ ne dispose pas de véritables mécanismes d’application, puisque les États-Unis opposeront certainement leur veto à toute résolution du Conseil de sécurité des Nations unies visant à demander des comptes à Israël, une décision de la CPI obligerait plus de 120 États ayant ratifié son document fondateur, le Statut de Rome, à arrêter Netanyahou et Gallant si l’un ou l’autre se trouvait sur leur sol.
L’Europe et une grande partie du monde – mais pas les États-Unis – seraient ainsi interdites d’accès à ces deux individus. Les responsables israéliens ne devraient pas s’attendre à ce que les enquêtes de la CPI se limitent à Netanyahu et à Gallant. Au fil du temps, elle peut lancer un mandat d’arrêt contre de nombreux autres Israéliens. Comme l’a fait remarquer un responsable israélien : “La CPI est un mécanisme solide”.
Une cour “antisémite”
C’est pourquoi Israël s’est montré particulièrement agressif, qualifiant la Cour d’“antisémite” et menaçant de s’en prendre à ses fonctionnaires. Washington a paru disposé à ajouter sa touche à l’affaire. Interrogé lors d’une audition devant une commission sénatoriale pour savoir s’il soutiendrait une proposition républicaine visant à imposer des sanctions à la CPI, Antony Blinken, le secrétaire d’État de M. Biden, a répondu que “Nous nous engageons à travailler avec vous sur une base bipartite afin de trouver la riposte appropriée”.
Des fonctionnaires de l’administration, s’adressant au Financial Times, ont laissé entendre que les mesures envisagées “viseraient le procureur Karim Khan et d’autres fonctionnaires impliqués dans l’enquête”. Selon ce média, les représailles américaines s’inspireraient très probablement des sanctions imposées en 2020 par Donald Trump, le prédécesseur de Joe Biden, après que la CPI a menacé d’enquêter à la fois sur Israël et sur les États-Unis pour crimes de guerre, dans les territoires palestiniens occupés et en Afghanistan.
L’administration Trump a ensuite accusé la CPI de “corruption financière et de malversations au plus haut niveau”, des allégations qu’elle n’a jamais pu étayer. Fatou Bensouda, la procureure en chef de l’époque, s’est vu refuser l’entrée aux États-Unis, et les responsables de Trump ont menacé de confisquer ses biens et ceux des juges de la CPI et de les faire passer en jugement. L’administration a également promis de recourir à la force pour libérer tout Américain ou Israélien arrêté. Mike Pompeo, alors secrétaire d’État américain, a soutenu que Washington était “déterminé à tout faire pour que les Américains et nos amis et alliés en Israël et ailleurs soient traînés devant cette CPI corrompue”.
La guerre secrète contre la CPI
De fait, une enquête menée conjointement par le site web israélien +972 et le journal britannique The Guardian a révélé cette semaine qu’Israël – apparemment avec le soutien des États-Unis – mène une guerre secrète contre la CPI depuis une bonne dizaine d’années. Son offensive a commencé après l’adhésion de la Palestine à la CPI en tant que partie contractante en 2015, et s’est intensifiée après que Mme Bensouda, la prédécesseure de M. Khan, a ouvert une enquête préliminaire sur les crimes de guerre israéliens – les attaques répétées d’Israël contre Gaza et la construction de colonies juives illégales en Cisjordanie et à Jérusalem-Est pour procéder à un nettoyage ethnique des Palestiniens hors de leurs terres.
Mme Bensouda a été menacée, elle et sa famille, et son mari a fait l’objet d’un chantage. Le chef de l’agence d’espionnage israélienne Mossad, Yossi Cohen, s’est personnellement impliqué dans la campagne d’intimidation. Un fonctionnaire informé du comportement de Cohen l’a assimilé à du “harcèlement”. Le chef du Mossad a piégé Mme Bensouda au moins à une occasion pour tenter de la rallier à la cause d’Israël. Cohen, connu pour être proche de Netanyahou, lui aurait dit : “Vous devriez nous aider et nous laisser nous occuper de vous. Vous ne voulez pas vous engager dans des actions qui pourraient compromettre votre sécurité ou celle de votre famille”.
Israël a également mené une opération d’espionnage très sophistiquée sur la Cour, en piratant sa base de données pour lire des courriels et des documents. Il a tenté de recruter des membres du personnel de la CPI pour espionner la Cour en interne. La CPI soupçonne Israël d’y être parvenu. Comme Israël supervise l’accès aux territoires occupés, il a pu interdire aux fonctionnaires de la CPI d’enquêter sur le terrain sur ses crimes de guerre. Étant donné qu’il contrôle les systèmes de télécommunications dans les territoires, il a pu surveiller toutes les conversations entre la CPI et les Palestiniens signalant des atrocités. En conséquence, Israël a cherché à faire taire les groupes palestiniens de juristes et de défenseurs des droits de l’homme en les qualifiant d’“organisations terroristes”.
La surveillance de la CPI s’est poursuivie pendant le mandat de M. Khan, permettant à Israël de savoir que les mandats d’arrêt allaient être délivrés. Selon des sources qui s’en sont ouvertes au Guardian et au site web +972, la Cour a subi “d’énormes pressions de la part des États-Unis” pour ne pas procéder à l’émission des mandats d’arrêt.
1.- Khan a souligné que l’ingérence dans les activités de la Cour constituait un délit pénal. Plus publiquement, un groupe de sénateurs républicains américains influents a envoyé une lettre de menace à Khan : “Ciblez Israël, et nous vous ciblerons.”
2.- Khan lui-même a fait remarquer qu’il a été victime d’une campagne d’intimidation et a averti que, si l’ingérence devait se poursuivre, “mon bureau n’hésiterait pas à agir”.
La question est de savoir dans quelle mesure tout ceci relève de l’esbroufe et dans quelle mesure cela affecte Khan et les juges de la CPI, les incitant éventuellement à ne pas poursuivre leur enquête, à l’accélérer ou à l’étendre à d’autres individus soupçonnés de crimes de guerre israéliens.
L’étau juridique
Malgré les intimidations, l’étau juridique se resserre très rapidement autour d’Israël. Les plus hautes autorités judiciaires du monde ne peuvent plus ignorer les huit mois de massacres perpétrés par Israël à Gaza et la destruction quasi complète de ses infrastructures, qu’il s’agisse d’écoles, d’hôpitaux, de centres d’aide ou de boulangeries.
Des dizaines de milliers d’enfants palestiniens ont été massacrés, mutilés et laissés orphelins au cours de ce carnage, et des centaines de milliers d’autres meurent progressivement de faim en raison du blocus imposé par Israël sur l’aide humanitaire. Le rôle de la Cour mondiale et de la Cour pénale internationale est précisément de mettre un terme à ces atrocités et au génocide avant qu’il ne soit trop tard. Les États les plus puissants du monde – en particulier la superpuissance mondiale en chef, les États-Unis, qui revendiquent si souvent le statut de “gendarme du monde” – ont pour obligation de contribuer à l’application de ces décisions.
Si Israël continue d’ignorer l’injonction de la CIJ de mettre fin à son attaque contre Rafah, ce qui semble hautement probable, le Conseil de sécurité des Nations unies devrait adopter une résolution visant à faire appliquer la décision. Cela pourrait aller, a minima, de l’embargo sur les armes et des sanctions économiques contre Israël à l’imposition de zones d’exclusion aérienne au-dessus de Gaza, voire à l’envoi d’une force de maintien de la paix de l’ONU. Washington a montré qu’il est capable d’agir lorsqu’il le souhaite. Même si les États-Unis font partie de la minorité d’États non signataires du Statut de Rome, ils ont vivement soutenu le mandat d’arrêt émis par la CPI à l’encontre du dirigeant russe Vladimir Poutine en 2023.
Les États-Unis et leurs alliés ont imposé des sanctions économiques à Moscou et ont fourni à l’Ukraine un stock illimité d’armes pour lutter contre l’invasion russe. Des preuves indiquent également que les États-Unis ont mené des opérations militaires secrètes contre la Russie, notamment en faisant exploser les gazoducs Nord Stream qui approvisionnent l’Europe en gaz russe.
https://x.com/Jonathan_K_Cook/status/1724457097645973630
L’administration Biden a orchestré la saisie des biens de l’État russe, ainsi que ceux de richissimes Russes, et a encouragé un boycott culturel et sportif.
Elle ne propose rien de tel dans le cas d’Israël.
L’Europe divisée
Les États-Unis ne sont pas les seuls à rester les bras croisés alors qu’Israël poursuit ses objectifs génocidaires à Gaza. Washington participe activement au génocide en fournissant des bombes à Israël, en interrompant le financement des agences d’aide de l’ONU, principales bouées de sauvetage de la population de Gaza, en partageant des renseignements avec Israël et en refusant d’utiliser son influence considérable sur Israël pour mettre un terme au massacre. L’hypothèse la plus largement admise est que les États-Unis opposeront leur veto à toute résolution du Conseil de sécurité à l’encontre d’Israël.
Selon deux anciens fonctionnaires de la CPI qui se sont confiés au Guardian et au site web +972, de hauts fonctionnaires israéliens ont expressément déclaré qu’Israël et les États-Unis œuvraient de concert pour entraver les travaux de la Cour. Le mépris de Washington pour les plus hautes autorités judiciaires du monde est si flagrant qu’il commence même à altérer les relations avec l’Europe.
Le responsable de la politique étrangère de l’UE, Josep Borrell, a apporté son soutien à la CPI et a appelé au respect de toute décision rendue à l’encontre de M. Netanyahou et de M. Gallant. Dans le même temps, lundi, le président français Emmanuel Macron a exprimé son indignation face aux attaques israéliennes sur Rafah et a demandé qu’elles cessent sur-le-champ.
Trois États européens – l’Espagne, l’Irlande et la Norvège – ont annoncé la semaine dernière qu’ils se joignaient à plus de 140 autres pays, dont huit de l’Union européenne à 27, pour reconnaître la Palestine comme un État à part entière. La coordination entre l’Espagne, l’Irlande et la Norvège a sans doute pour but d’atténuer les inévitables répercussions que provoquerait un défi aux attentes de Washington.
Parmi les mensonges véhiculés par les États-Unis et Israël figure l’affirmation selon laquelle la CPI n’est pas compétente pour juger les actions militaires d’Israël à Gaza parce qu’aucun des deux pays n’a reconnu la Palestine en tant qu’État. Or, la Palestine est devenue un État partie à la CPI en 2015. Et, comme l’ont souligné l’Espagne, l’Irlande et la Norvège, elle est désormais reconnue y compris par des États occidentaux habituellement inféodés à “l’ordre fondé sur des règles” imposé par les États-Unis.
Une autre supercherie promue par Israël et les États-Unis – plus révélatrice – est l’affirmation selon laquelle la CPI n’est pas compétente parce qu’Israël, comme les États-Unis, n’a pas ratifié le Statut de Rome.
Ni l’un ni l’autre ne pensent que le droit international – la base juridique construite au lendemain de la Seconde Guerre mondiale pour prévenir de futurs holocaustes – s’applique à leur pays. Raison de plus pour ne pas tenir compte de leurs affirmations selon lesquelles il n’y aurait pas de génocide à Gaza.
Quoi qu’il en soit, l’argument est totalement fallacieux : la Palestine est partie contractante à la CPI, et le statut de Rome est là pour protéger ses signataires contre toute agression. Seuls les tyrans brutaux comme les États-Unis et Israël se moquent de la CPI.
La loi du plus fort
La CIJ et la CPI sont pleinement conscientes des dangers liés à la confrontation avec Israël. C’est pourquoi, en raison des accusations proférées par les États-Unis et Israël, les deux cours avancent avec lenteur et prudence dans le traitement des atrocités commises par les Israéliens. Toucher au sujet des crimes de guerre commis par Israël à Gaza, permet de démêler toute la trame des atrocités commises et encouragées dans le monde entier par les États-Unis et leurs alliés les plus proches.
La vérité inavouée veut que la campagne de bombardements “Shock and Awe” [Choc et effroi] et les années d’occupation brutale de l’Irak par les troupes américaines et britanniques, ainsi que l’occupation encore plus ancienne et tout aussi sanglante de l’Afghanistan, aient vidé de leur substance les contraintes juridiques qui auraient empêché Poutine d’envahir l’Ukraine et Israël de mettre en pratique l’effacement du peuple palestinien dont il rêve depuis si longtemps. C’est Washington qui a dépecé les règles du droit international et érigé un “ordre fondé sur des règles” intéressé, où l’unique règle qui vaille est celle de la loi du plus fort.
Face à cet axiome brutal, Moscou a eu de bonnes raisons de tirer parti des actes vandales de Washington contre le droit international pour faire avancer ses propres objectifs stratégiques régionaux et de soupçonner que l’expansion militaire incessante de l’OTAN dirigée par les États-Unis vers ses frontières ne servait pas au mieux les intérêts de la Russie. Aujourd’hui, alors que Netanyahou et Gallant risquent d’être mis sur le banc des accusés à La Haye, Washington se décide enfin à agir. Pas pour mettre fin au génocide. Mais pour offrir à Israël la protection nécessaire à la poursuite du génocide.
Des crimes de guerre passés sous silence
C’est pour cette raison que M. Khan a tout fait, la semaine dernière, pour se mettre à l’abri des critiques en annonçant sa volonté de faire arrêter M. Netanyahu et M. Gallant. Tout d’abord, il a veillé à ce que les accusations pèsent sur le Hamas plus lourdement que sur Israël. Il demande l’arrestation de trois dirigeants du Hamas contre deux Israéliens.
Dans son acte d’accusation, il a impliqué les ailes politiques et militaires du Hamas dans des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité pour leur attaque d’un jour contre Israël le 7 octobre et leur prise d’otages. En revanche, M. Khan a complètement ignoré le rôle de l’armée israélienne au cours des huit derniers mois, bien qu’elle ait exécuté à la lettre les instructions de M. Netanyahou et de M. Gallant.
En outre, Khan a inculpé le chef du bureau politique du Hamas, Ismail Haniyeh, basé au Qatar, et non à Gaza. Tout indique cependant qu’il n’avait pas connaissance de l’attentat du 7 octobre et qu’il n’était en aucun cas impliqué dans les opérations. Présentant le Hamas sous un jour encore plus défavorable, M. Khan a dressé plus d’actes d’accusation contre ses dirigeants que contre ceux d’Israël.
Il s’agit notamment d’une accusation fondée sur un récit de l’establishment occidental : les otages israéliens détenus à Gaza auraient fait l’objet d’inconduites sexuelles et de tortures systématiques. Cette allégation n’est étayée par aucune preuve convaincante à ce stade, à moins que M. Khan n’ait accès à des faits dont personne d’autre ne semble avoir connaissance.
En revanche, de nombreuses preuves tangibles attestent que des Palestiniens sont enlevés dans les rues de Gaza et de la Cisjordanie occupée et soumis à des actes à caractère sexuel et à la torture dans les prisons israéliennes.
https://x.com/Jonathan_K_Cook/status/1794000369808494625
Toutefois, ces faits ne figurent pas sur la liste des charges retenues contre Netanyahou ou Gallant. Khan a également ignoré de nombreux autres crimes de guerre israéliens avérés, tels que la destruction d’hôpitaux et d’installations des Nations unies, l’assassinat ciblé d’un grand nombre de coopérants et de journalistes, et la destruction de 70 % du parc immobilier de Gaza par les bombes israéliennes fournies par les États-Unis.
S’attaquer à Goliath
En présentant ses arguments contre Israël, M. Khan savait clairement qu’il s’attaquait à un Goliath, en raison du soutien indéfectible des États-Unis à Israël. Il a même recruté un groupe d’experts en droit dans l’espoir de bénéficier d’une certaine protection contre d’éventuelles représailles. Ce groupe, qui a approuvé à l’unanimité les actes d’accusation contre Israël et le Hamas, comprenait des experts juridiques tels qu’Amal Clooney, la superstar juridique de la communauté des droits de l’homme. Mais il comprenait également Theodor Meron, ancien responsable juridique du ministère des Affaires étrangères du gouvernement israélien.
Dans une interview exclusive accordée à Christiane Amanpour, de CNN, pour exposer son argumentation, M. Khan a semblé vouloir anticiper les attaques à venir. Il a indiqué qu’un haut responsable politique américain, dont le nom n’a pas été révélé, a déjà tenté de le dissuader d’inculper des dirigeants israéliens. Le procureur a laissé entendre que d’autres menaces ont été formulées en coulisses. La CPI, lui a-t-on dit, a été “conçue pour l’Afrique et les voyous comme Poutine” – une critique de la Cour qui fait écho aux plaintes formulées depuis longtemps à son encontre par les pays du Sud.
À Washington, on attend de la CPI qu’elle ne soit rien d’autre qu’un outil institutionnel supplémentaire de l’impérialisme américain. Elle n’est pas là pour faire respecter le droit international de manière impartiale. Elle est là pour faire respecter un “ordre fondé sur des règles” selon lequel les États-Unis et leurs alliés sont intouchables, même lorsqu’ils s’adonnent aux pires atrocités ou à un génocide.
Le cadrage biaisé prévisible de l’interview par Mme Amanpour – selon lequel Khan devait expliquer et justifier longuement chacune des accusations portées contre Netanyahu et Gallant, alors que les accusations portées contre les dirigeants du Hamas vont de soi – témoignent de ce à quoi la Cour est confrontée. Le procureur de la CPI a clairement indiqué qu’il ne comprend que trop bien ce qui est en jeu si la CPI et la CIJ ferment les yeux sur le génocide de Gaza, comme le souhaitent Israël et les États-Unis. Il a déclaré à Mme Amanpour : “Si nous n’appliquons pas la loi de manière équitable, notre espèce finira par s’autodétruire”.
L’inconfortable vérité veut que cette autodestruction, à l’ère nucléaire, soit plus avancée qu’aucun d’entre nous ne veut l’admettre. Les États-Unis et leur État client privilégié ne semblent pas disposés à se soumettre au droit international. Comme Samson, ils préfèrent laisser s’écrouler le palais plutôt que respecter les lois de la guerre consacrées par l’histoire. Les premières victimes sont les habitants de Gaza. Mais dans un monde dépourvu de législation, où seule la force fait loi, nous serons finalement tous perdants.
Photo d'illustration: Biden avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu à Tel Aviv le 18 octobre 2023. (Maison Blanche, domaine public)
- Source : Middle East Eye (Royaume-Uni)