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Il tague des slogans politiques sur sa propre maison : la justice saisie

Auteur : La voix du nord | Editeur : Rémi | Vendredi, 04 Avr. 2014 - 16h56

Depuis le début de l’année, le calme montreuillois est troublé par un habitant qui a pris l’espace public pour une tribune politique. Sur la façade de sa maison, il a tagué grossièrement divers slogans. L’homme argue qu’il fait ce qu’il veut sur son mur. Mais la justice pourrait être saisie.

« Hollande démission ». À l’angle de la rue du Général Potez et de la ruelle d’Orléans, à Montreuil, un habitant avait décidé de célébrer l’avènement de l’année 2014 à sa manière. Cette première inscription, sur le pignon de sa maison, ne contenait pas d’incitation à la haine ni d’insulte caractérisée.

Dans le contexte politique local et national, le message ne détonnait pas particulièrement. Mais la floraison verbale a progressivement pris de l’ampleur sur le mur de la ruelle d’Orléans, avec des éloges à Dieudonné ou Alain Soral, penseur d’extrême droite.

« Quand on a un mur, on écrit ce qu’on veut dessus »

À la base du pinceau ferrailleur, un homme de 65 ans. Georges, retraité, se définit curieusement comme « un publicitaire ». « Quand on a un mur, on écrit ce qu’on veut dessus. Moi j’ai des choses à dire, à communiquer. Et avec mon mur je réveille les gens qui sont dans le déni, ceux qui ont peur de réfléchir, mais je relaye aussi la pensée de ceux qui n’ont pas la parole », justifie le Montreuillois dans un élan de prosélytisme.

Ce qu’il appelle « mon mur Facebook à moi » n’est pas un coup d’essai. Il avait déjà défrayé la chronique pour des faits similaires il y a quelques années à Saint-Rémy-au-Bois. Perturbateur, il est toutefois estimé avec bienveillance par ses voisins. Georges est décrit comme un homme souriant, plutôt tranquille, au-delà de quelques frasques.

Au volant de sa voiture, il a aussi pour habitude de monter les décibels lorsqu’il écoute des chants de la Wehrmacht, l’armée allemande du troisième Reich, ou la chanson Shoananas de Dieudonné. L’ensemble de ses manifestations tend sensiblement vers un trouble à l’ordre public. À cela il rétorque : « Ce sont les gens qui sont troubles. Les gens n’ont rien à dire, alors dès que quelqu’un dit quelque chose en public, ça crée un trouble. »

« Droit d’expression » contre « ordre public »

Son style provocateur, ses messages implicites, ne sont pas du goût de tout le monde. Un drapeau arc-en-ciel, étendard (entre autres causes) de la fédération LGBT (Lesbiens, gays, bi et trans) a été peinturluré sur le pignon de la ruelle d’Orléans, en réponse aux bannières de la « Manif pour tous » accrochées aux fenêtres de la maison. Des contacts plus officiels ont été entrepris par les autorités.

« La municipalité n’a pas porté plainte, mais j’ai signalé à deux reprises à la gendarmerie que mes concitoyens m’avaient fait part de leur étonnement et de leur mécontentement », indique le maire de Montreuil, Bruno Béthouart, qui a rencontré son administré à plusieurs reprises depuis le début d’année. « Je lui ai demandé un peu de bon sens. Il faut certes respecter le droit d’expression, la propriété individuelle, mais aussi l’ordre public. Cette situation ne correspond pas à l’image que veut donner notre ville », tempère l’élu. Et c’est bien l’image de Montreuil, avec un patrimoine protégé, qui pourrait avoir raison des velléités d’opinion de Georges.

Le mur doit être nettoyé le 13 avril

L’association nationale des architectes des bâtiments de France (ANABF) a mis en demeure le couple du 31 de la rue du Général-Potez. L’ANABF, aussi peu diserte (malgré nos multiples sollicitations) que l’intéressé est prolixe, a informé le couple, par courrier, que la maison se trouvait « dans le périmètre de protection des monuments historiques de la ville de Montreuil ». À ce titre, le bâtiment est classé et la façade doit rester intacte.

Le peintre maudit doit donc revoir les couleurs de sa palette. L’ANABF le somme « d’effacer les graffitis », qui représentent une « infraction », en recouvrant son mur « d’un enduit crème » avant le 13 avril. Passé cette date, un procès-verbal sera dressé par l’association, qui dépend du ministère de la Culture. Georges fanfaronne : « Je ne sais pas encore si je vais repeindre, on verra, peut-être… » Une autre procédure a été lancée par la gendarmerie de Montreuil - Écuires (lire ci-dessous). Si le Montreuillois veut poursuivre sa fronde idéologique, il devra sûrement braver les amendes puis les convocations devant la justice.

L’interdiction de « Dieudo » comme point de frustration

Le spectacle de Dieudonné, prohibé en janvier, s’intitulait « Le Mur ». Ironiquement, à Montreuil, le pignon de la ruelle d’Orléans prend des allures de mur de la discorde à l’instar de « l’affaire Dieudonné « sur la scène nationale. L’auteur des inscriptions explique d’ailleurs que ce sujet de crispation a accéléré ses agissements, si ce n’est sa frustration : « Un tout petit nombre de personnes fixe les limites de la liberté d’expression, l’affaire Dieudonné a révélé l’abîme entre les élites et le reste de la population. »

Dans cette controverse, comme dans la cité des remparts, la liberté d’expression n’est pas modérée sur le fond, mais sur la forme.

Procédure de gendarmerie

En janvier, afin d’interdire les représentations du comédien dans plusieurs villes de l’hexagone, le conseil d’État avait mis en avant le risque de trouble à l’ordre public. Les autorités redoutaient la formation d’affrontements, aux abords des théâtres, entre partisans et détracteurs de l’humour de Dieudonné. Concernant la ruelle d’Orléans, si le trouble à l’ordre public semble manifeste, c’est la qualification tout en subtilité de « monument historique » qui s’apprête à imposer le silence au perturbateur.

Celui-ci a toutefois été entendu à la gendarmerie de Montreuil, qui souligne « l’ambiguïté des propos ». Une procédure a été engagée puis transmise au parquet de Boulogne. L’infraction n’avait pas encore été relevée ni qualifiée par le parquet hier. Un magistrat pourrait décider d’engager des poursuites ou de classer l’affaire sans suite. Si l’examen du dossier se fait après le 13 avril (lire ci-dessus), la donne aura éventuellement changé et les inscriptions auront peut-être disparu.


- Source : La voix du nord

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