Traçage obligatoire : le premier décret de Lecornu contre les libertés numériques

Par un décret discret, Sébastien Lecornu impose aux FAI et plateformes en ligne de conserver nos données de connexion pendant un an. Au nom de la sécurité nationale, l'État français franchit un nouveau pas dans la surveillance de masse.
Par un décret n°2025-980 du 15 octobre 2025, Sébastien Lecornu, Premier ministre, impose aux opérateurs de communications électroniques et aux réseaux sociaux de conserver les données de connexion de tous les Français pendant une durée d’un an. Justifié par une "menace grave et actuelle contre la sécurité nationale", ce texte étend considérablement les capacités de surveillance de l’État sans débat public ni contrôle juridictionnel préalable.
L'Œil de Big Brother sur les citoyens
Le décret vise deux catégories d'acteurs, garantissant une surveillance complète :
Les opérateurs de communications électroniques (FAI) : ils doivent conserver les données de trafic et de localisation . Ces acteurs sont tenus de conserver pendant un an les données de trafic (qui vous contacte, quand, depuis où) et les données de localisation, telles que définies par des textes antérieurs. Concrètement, cela signifie que l’intégralité de votre activité en ligne — sites visités, interactions sociales, géolocalisation — peut être stockée et mise à disposition des autorités.
Les personnes mentionnées aux aux personnes mentionnées aux 1 et 2 du I de l'article 6 de la loi du 21 juin 2024. Ces entités sont principalement les fournisseurs d'accès Internet et les hébergeurs, y compris les plateformes de contenu (réseaux sociaux, forums, blogs, etc.). Pour eux, c'est l'activité de contenu elle-même qui est archivée, y compris les données permettant d'identifier « toute personne ayant contribué à la création d'un contenu mis en ligne » (décret 2021-1362).
En clair, l'État s'octroie le droit de cartographier la totalité de votre navigation, de savoir où vous étiez quand vous vous êtes connecté (localisation), quand vous avez communiqué (trafic), et potentiellement ce que vous avez publié ou commenté (contenu). Tout cela pour une période d'un an, bien au-delà de ce qui est justifiable par les seules nécessités techniques.
Risque d’abus et d’usage secondaire
Même si le texte exclut le contenu des communications, la puissance des métadonnées est immense : croiser les horaires, les adresses IP, les localisations permet de retracer des profils, des habitudes, des réseaux — de dessiner une carte de votre vie privée.
Et qui garantit que l’État ou ses services ne détourneront pas ce matériel pour d’autres finalités (politiques, de surveillance de la dissidence, de contrôle social) ?
Ce type de justification a déjà été invoqué dans des décrets antérieurs (par exemple, un décret du 17 octobre 2022 prolongeait la conservation des données de connexion pendant un an « aux fins de sauvegarde de la sécurité nationale. »)
L’obligation étant imposée aux opérateurs et plateformes, ce sont eux qui stockent pour l’État. Ils sont mis en situation de relais — avec un risque de soumission ou de pression.
Par ailleurs, les utilisateurs n’ont guère de moyens de contestation, ni de transparence sur l’usage de ces données. Sous couvert de nous protéger, l’État se dote une nouvelle fois d’un outil de surveillance généralisée, sans garanties suffisantes. Ce décret, premier du genre signé par Lecornu, s’inscrit dans une lignée inquiétante.
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Quand Lecornu veut imposer une surveillance généralisé des smartphones, par Veerle Daens
L'alerte est venue de Pavel Durov, le fondateur de Telegram. La France pousse l'UE à imposer un scan automatique de toutes les conversations privées sur smartphone avant leur éventuel cryptage. Une mesure totalitaire qui en dit long sur la dérive liberticide du macronisme.
Les sonnettes d'alarme, tirées par des figures comme Pavel Durov de Telegram, ne sont pas de l'hyperbole ; elles sont le cri d'un canari dans la mine de charbon de nos libertés numériques. Les bureaucrates de Bruxelles, sous le prétexte moralement irréprochable de la protection de l'enfance, s'apprêtent à commettre le hold-up le plus audacieux du siècle : l'abolition de la conversation privée. Le projet de règlement, cyniquement surnommé "Chat Control", n'est rien de moins qu'une proposition visant à installer un mouchard d'État dans la poche de chaque citoyen européen.
Ne vous laissez pas berner par le jargon technique. La méthode, le "client-side scanning", est d'une simplicité tyrannique : votre propre appareil, votre propriété privée, sera contraint de scanner vos photos, vos vidéos et vos textes avant même que vous ne puissiez les protéger par le sceau du chiffrement. C'est l'équivalent numérique d'un agent gouvernemental lisant votre courrier par-dessus votre épaule avant que vous ne scelliez l'enveloppe. L'idée même de chiffrement de bout en bout, cette promesse mathématique que seuls vous et votre interlocuteur pouvez connaître le contenu de vos échanges, est ainsi vidée de sa substance, transformée en une farce sécuritaire.
La pente est glissante et nous sommes déjà au bord du précipice. Le prétexte est toujours noble ; le résultat est toujours la tyrannie. Une fois cette infrastructure de surveillance de masse construite pour traquer un mal, elle sera inévitablement tournée contre d'autres : la "désinformation", le "discours de haine", et finalement, la dissidence politique. C'est une porte dérobée universelle qui, une fois installée, ne servira jamais qu'un seul maître : l'État. Les journalistes, les lanceurs d'alerte, les minorités et tout individu souhaitant simplement penser librement sans être surveillé en seront les premières victimes. L'hypocrisie est totale lorsque ces mêmes architectes de la surveillance cherchent à exempter leurs propres communications de ce régime totalitaire.
Heureusement, une fragile coalition de raison, avec l'Allemagne en tête, retient pour l'instant cette marée de totalitarisme numérique. Mais l'appétit de l'État pour le contrôle est insatiable. Ce n'est pas un débat sur la technologie ; c'est une bataille pour la souveraineté de l'individu. La question n'est pas de savoir si nous pouvons éradiquer le mal en sacrifiant la liberté, mais de savoir si nous sommes prêts à vivre dans un monde où chaque pensée privée est potentiellement une preuve à charge. La ligne doit être tracée ici. Nous ne devons pas échanger notre liberté contre la promesse de sécurité d'un bureaucrate.
On notera que la France est en tête de pont sur ce dossier, et cet extrémisme ne s'est pas arrangé avec Lecornu (voir notre article par ailleurs sur ces sujets).
- Source : Le Courrier des Stratèges