USA / Russie : de la Seconde Guerre mondiale au Monde russe

Les délires de fiston Gluksmann quant à la Statue de la Liberté nous importent peu. En revanche la réponse de la porte-parole de la Maison Blanche est autrement intéressante, dans le contexte actuel d'un combat à mort pour la préservation de la domination atlantiste face à la Russie : les Français ont été sauvés par les Américains (seuls), lors de la Seconde Guerre mondiale. Un monde, un vainqueur, une histoire. Si la Russie cède aujourd'hui, c'est cette histoire, qui restera.

La volonté affichée des Etats-Unis de monopoliser la victoire de la Seconde Guerre mondiale a pris toute son ampleur après la chute de l'URSS. Avant cela, le poids géopolitique de l'Union Soviétique ne leur permettait pas de réécrire l'histoire : dans un monde bipolaire, le discours historique est plus nuancé, car les deux acteurs sont en mesure de faire respecter leurs intérêts. 

Avec l'affaiblissement puis la chute de l'un des piliers, le monde a basculé dans la globalisation. Un monde, une puissance, un discours historique global, auquel les discours historiques nationaux doivent impérativement s'adapter.

Et cela se voit dans les sondages, la position des Etats-Unis et de l'URSS s'est renversée avec le temps et la propagande :

À la question : « Quelle est, selon vous, la nation qui a le plus contribué à la défaite de l’Allemagne en 1945 ? », 54% des sondés de 2015 répondent : « Les Etats-Unis ». Or, en mai 1945, ils étaient 57% à préférer l’URSS, les Américains n’étant cités que par 20% des Français.

Ce qui est flagrant dans ce graphique :

Aujourd'hui, la Russie se retrouve confrontée au même risque historique de disparition face à un ennemi, qui doit l'achever. Elle peut réagir comme en 1942, se battre et établir un nouveau monde après une victoire écrasante, qui seule la sauvera (et nous aussi au passage). Ou elle peut politiquement capituler, comme en 1991, suivre les règles qui lui sont imposées et se dissoudre dans un monde, où elle n'a pas sa place (et nous non plus).

Trump a déjà une fois imposer la victoire américaine lors de la Seconde Guerre mondiale, avant d'adoucir sa position pour discuter avec Poutine. La porte-parole de la Maison Blanche vient de réitérer en affirmant que si les Français ne parlent pas allemand, c'est uniquement grâce aux Américains. Comme si les Etats-Unis s'étaient battus seuls, comme s'ils ne s'étaient pas activés après la victoire russe de Stalingrad et quand l'Armée rouge ensuite libérait activement l'Europe, occupée par les nazis et largement collaboratrice.

L'attaque conduite contre la Seconde Guerre mondiale, c'est pas anodin, elle est symbolique : la victoire est un élément constituant le socle de la Patrie russe, le socle du lien historique récent entre les pays de l'espace post-soviétique avant leur éclatement. Ce n'est pas un simple mensonge, c'est un ultimatum : la Russie doit disparaître comme l'URSS, politiquement dans un premier temps sinon géographiquement.

Aujourd'hui doit se tenir une conversation téléphonique entre Trump et Poutine. Que la Russie se souvienne de l'enjeu réel de cette guerre atlantiste conduite contre elle, notamment par les Etats-Unis, sur le front ukrainien : la disparition définitive ou la possible existence du Monde russe. Il ne s'agit pas de conclure un super "deal", il s'agit de savoir dans quel monde la Russie entend vivre et selon quelles règles. Et avec qui. Tout ne se négocie pas.

Si la Russie flanche aujourd'hui, bientôt ce seront les Etats-Unis, qui auront sauvé l'URSS lors de la Seconde Guerre mondiale. Elle ne sera de toute manière plus en mesure de faire respecter son histoire.

L'armée russe avance, lentement mais sûrement. Le pouvoir politique va-t-elle la rattraper ou l'arrêter ? Si elle l'arrête, la Russie aura définitivement perdu et trahi le Monde russe. Elle se sera trahie. Les civilisations ne sont pas éternelles, il faut avoir le courage de les porter.