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Les impossibles canonisations

Auteur : Eschaton | Editeur : Stanislas | Mercredi, 02 Oct. 2013 - 21h50

Les futures canonisations annoncées par le pape François de Jean Paul II et Jean XXIII témoignent, par leur précipitation, de la mauvaise conscience et des doutes qui agitent les instances dirigeantes de l’Église.

Comme un enfant qui siffle pour se donner du courage alors qu’il a à traverser des rues plongées dans l’obscurité, les instances dirigeantes procèdent à ces canonisations expresses pour se convaincre, malgré les évidences, que la nuit que Vatican II et le magistère post-conciliaire ont fait tomber sur les fidèles est le jour. Iront-elles, dans leur frénétique besoin de se rassurer – qui ne pourra jamais être comblé – jusqu’à canoniser de son vivant Benoît XVI ou à intégrer dans le « package » des futurs papes la canonisation instantanée ?

J’ai déjà évoqué à plusieurs reprises sur Eschaton les errances de Jean Paul II (ici, ici ou ici). Mais un des actes les plus graves que Jean Paul II a commis, dont je n’ai encore jamais parlé, et qui s’inscrit dans une rupture totale avec ses prédécesseurs et la doctrine catholique constante de l’Église, fut sans conteste la reconnaissance de l’État d’Israël. En 1904, saint Pie X avait claqué la porte à Theodor Herzl en ces termes :

« Nous ne pourrons pas empêcher les Juifs d’aller à Jérusalem, mais nous ne pourrons jamais les y encourager. Le sol de Jérusalem n’a pas toujours été sacré, mais il a été sanctifié par la vie de Jésus. Les juifs n’ont pas reconnu Notre Seigneur et nous ne pourrons donc pas reconnaître le peuple juif. Non possumus [1]. »

Ce que Benoît XV avait par la suite confirmé : « Les Juifs n’ont aucun droit de souveraineté sur la terre sainte. »

La reconnaissance de l’État d’Israël par Jean Paul II a affecté directement la théologie catholique. Les juifs eux-mêmes l’ont parfaitement compris, comme l’a fort justement expliqué Sergio Minerbi, un diplomate important d’Israël, professeur à l’université de Tel Aviv, qui expliqua, dans son livre sur le Vatican et le sionisme, que le refus de reconnaître le sionisme et Israël était mu par la doctrine constante de l’Église, selon laquelle l’Église est le seul et vrai Israël. Cette même doctrine qui voit dans les juifs qui n’ont pas accepté Jésus Christ un peuple rejeté par Dieu, dont le retour sur leur terre ancestrale ne peut être que le fait de la divine Providence et non de manœuvres attentatoires à la loi de Dieu : vol, meurtre, mensonges etc.

Cette doctrine du rejet de la partie du peuple juif hostile au Christ fait des persécutions qui s’abattent sur elle la manifestation du rejet divin. Sa logique a été étonnamment assumée, mais sous une forme pervertie, par les juifs séfarades, puisque le grand Rabbin d’Israël Ovadia Yossef, dans une interview donnée à la Stampa le 7 août 2000, expliqua que les victimes ashkénazes de l’Holocauste « sont les âmes des pécheurs réincarnés ashkénazes et punis par les Allemands [2] ».

Or, pour l’Église, si Dieu rejette la partie du peuple juif qui a refusé son Messie, et si les persécutions de celle-ci sont la manifestation de ce rejet, elles ne le sont pas dans le sens où Dieu veut leur persécution de cause antécédente, mais essentiellement de cause conséquente : il les autorise pour le bien qu’il en tire au regard de l’économie du salut universel dont lui seul est juge et maître. Si bien qu’il est impropre de dire que les juifs persécutés sont châtiés directement par Dieu en raison de leurs fautes personnelles, comme le déclare le rabbin Yossef. Les juifs persécutés reçoivent le salaire de la faute commise par leurs pères (« Et tout le peuple répondit : Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants ! », Mt 26.25), au même titre que la mort est pour tous les hommes le salaire qu’ils reçoivent pour le péché originel de notre Père à tous, Adam.

Mais pas plus qu’il est légitime de mettre à mort un homme pour le seul motif que la mort est le salaire que nous recevons en raison du péché originel commis par Adam, pas plus il est légitime de pratiquer des violences sur les juifs sous prétexte que les persécutions sont le salaire qu’ils reçoivent régulièrement pour la faute commise par leurs pères. C’est une théologie rude, difficile à comprendre, mais qui conserve à Dieu son rôle d’acteur principal de l’histoire des hommes, qui concrètement a toujours fait de l’Église la grande protectrice des juifs et qui interdit tout antisémitisme. Théologie qu’attaque malheureusement la « théologie du silence », promue par Benoît XVI à Auschwitz en 2006, qui détruit le lien entre le plan eschatologique et le plan historique dans le drame que vit une partie du peuple juif depuis qu’il a rejeté son Messie et, par extension, dans le drame que vit le monde moderne depuis que les instances dirigeantes de l’Église, par la personne de Jean XXIII, se sont couchées devant les apôtres de l’enseignement du mépris, Jules Isaac en tête.

Il y a donc une continuité parfaite entre la reconnaissance de l’État d’Israël et l’abandon, par les instances dirigeantes de l’Église, de la doctrine catholique, entre les errances des instances dirigeantes sur le plan politique et leurs errances sur le plan théologique. Et l’on voudrait nous faire croire que les canonisations de ceux qui sont à la source de cette tragédie seraient valides ? À d’autres…


- Source : Eschaton

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