De la Banque Mondiale à la CEDH : l’impasse des temples du monde globalisé
Ces derniers jours, les rapports s’accumulent et mettent à mal les lieux sacrés de la globalisation, des esprits et des sociétés. Qu’il s’agisse du rapport Puppinck / Loiseau de l’ECLJ, qui démontre les liens inquiétants entre les ONG en général et celle de Soros en particulier avec la CEDH, ou de l’étude interne à la Banque mondiale « Elite Capture of Foreign Aid« , qui dénonce le détournement à grande échelle de l’aide financière apportée aux pays pauvres, les dérives du monde global commencent à aller trop loin. Suffisamment loin pour que la presse se décide à ne plus détourner les yeux. Pourtant, la question fondamentale est de savoir si ces institutions sont réformables. Autrement dit, s’agit-il réellement d’un dysfonctionnement ou bien réalisent-elles ce pour quoi elles existent dans ce monde global, à savoir soutenir et justifier le système idéologique dont elles font partie ?
La Banque Mondiale a tenté un certain temps de maintenir secret le sulfureux rapport interne « Elite Capture of Foreign Aid« , qui tend à discréditer le fonctionnement de l’un des temples de la globalisation. Car la Banque Mondiale, bien plus que d’apporter une aide financière à des pays qui en ont besoin, est le garant d’un certain ordre mondial. Ses prêts ne sont pas gratuits et souvent conditionnés à la mise en oeuvre de réformes politiques et institutionnelles idéologiquement marquées, concernant très souvent les domaines-clés des réformes globalistes que sont la politique d’austérité (antisociale), la lutte contre la corruption et la réforme judiciaire. Cette démarche discutable est censée, en revanche, être légitimée par « l’efficacité » du soutien financier apporté, qui est censé réellement aider le pays à se « moderniser ». Or, le rapport met sérieusement en péril ce fragile équilibre faustien.
Il s’agit notamment du détournement des fonds envoyés vers les pays en voie de développement, qui s’élève à 7,5% en moyenne, directement reversés dans les banques de pays comme le Luxembourg, la Suisse et Singapour. Cette part monte à 15% pour les pays les plus aidés (quand l’aide représente au moins 3% du PIB brut) – Ouganda, Mozambique, Erythrée … Autrement dit, cette aide va « aider » également les pays les plus riches.
Concrètement, les trois chercheurs démontrent que « des aides au développement versées à des pays pauvres coïncident systématiquement avec une forte augmentation des dépôts bancaires depuis les pays concernés vers des paradis fiscaux ». Et, pire, plus un pays est dépendant de l’aide au développement de la Banque Mondiale, plus les versements effectués vers des centres financiers offshore sont importants.
En conséquence, ce système d’aide permet d’entretenir la corruption dans les pays les plus dépendants de l’aide internationale, ce qui va à l’encontre des dogmes affichés de bonne conscience internale, au nombre desquels l’on trouve la lutte contre la corruption.
Un autre emblème du système global de construction des hommes et des sociétés est la CEDH. La Cour européenne des droits de l’homme fait partie de ce système mis en place après la Seconde Guerre mondiale, surfant sur la vague optimiste (voire naïve) du règne des droits de l’homme (donc contre l’Etat), l’individu-Roi devant garantir un monde meilleur, voire le meilleur des mondes – ici, l’absolu est de mise. Avant la chute de l’URSS et l’entrée massive au Conseil de l’Europe des pays de l’espace post-soviétique qui en a suivi, la CEDH a rendu des décisions importantes et d’une qualité juridique remarquable. En revanche, avec son élargissement à l’Est, elle s’est révélée une « mission », celle de la « démocratisation », telle que les sociétés néolibérales l’entendent. Ses décisions sont alors devenues de plus en plus idéologiques, tournées contre l’Etat (avec une politique pro-migrant conduisant quasiment à la négation de l’immigration illégale), contre la famille traditionnelle (GPA et utilisation à tout-va de l’article 8), contre la cohésion sociale et pour sa fragmentarisation (avec le culte des minorités), contre la religion chrétienne (légitimation de l’offense aux lieux de culte ou le port visible d’une croix sur son lieu de travail). Si ces dérives sont sensibles pour n’importe quel observateur cherchant non pas à justifier le monde actuel, mais à comprendre le sens de la jurisprudence de la CEDH, il est souvent difficile de trouver une explication.
Même si « une seule » explication n’est pas possible, l’un des facteurs-clés, le facteur humain, a été relévé par Grégor Puppinck, dans le rapport présenté par le Centre européen pour le droit et la justice intitulé « Les ONG et les juges de la CEDH 2009-2019« . Ainsi, l’on apprend que:
Il a été possible d’identifier sept ONG qui, étant actives à la Cour, comptent parmi leurs anciens collaborateurs au moins une personne ayant siégé comme juge permanent de la CEDH depuis 2009. Il s’agit (par ordre alphabétique) de A.I.R.E. Centre (Centre sur les droits individuels en Europe), Amnesty International, la Commission Internationale des Juristes (CIJ), le réseau des comités et fondations Helsinki, Human Rights Watch (HRW), Interights (Centre international pour la protection judiciaire des droits de l’homme), et l’Open Society Foundation (OSF) et ses diverses branches, en particulier l’Open Society Justice Initiative (OSJI). (…) Ce tableau ne mentionne pas les personnes ayant participé, même de façon régulière, à des réunions et conférences organisées par ces ONG, ni les adhésions personnelles à celles-ci. Enfin, certains juges ont collaboré à d’autres ONG, mais ils ne sont pas mentionnés ici car celles-ci ne sont pas actives à la Cour de Strasbourg.
Et cela ne concerne pas que les juges :
Ce phénomène n’est pas limité aux membres de la Cour. Ainsi, Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe de 2012 à 2018, a également été directeur des programmes de l’Open Society de Lettonie jusqu’à 2012. En 2009, il expliquait que l’Open Society souhaite créer un homme nouveau – l’homo sorosensus [en référence à Soros] – l’homme de la société ouverte, par opposition à l’homo sovieticus. Dans le cadre de ses fonctions, il a condamné plusieurs initiatives du gouvernement hongrois, notamment le projet de loi dit « anti-Soros »
L’action de Soros a été ciblée vers les pays de l’Est, plus fragiles et plus manipulables après la chute de l’URSS:
Les juges qui, antérieurement à leur nomination, ont été salariés ou responsables officiels d’ONG viennent pour la plupart d’Albanie, de Bosnie-Herzégovine, de Bulgarie, de Croatie, de Hongrie, de Lettonie et de Roumanie. À titre d’exemple, en Albanie, pays pauvre et marqué par la corruption, deux des trois candidats à la fonction de juge en 2018 étaient des dirigeants de l’Open Society Foundation et l’un d’entre eux a été élu. Or, l’Open Society Foundation a investi dans ce pays plus de 131 millions de dollars depuis 1992. De même, les deux derniers juges élus au titre de la Lettonie sont collaborateurs de l’École supérieure de droit de Riga, fondée par la Fondation Soros de Lettonie, laquelle a investi plus de 90 millions de dollars dans ce pays entre 1992 et 2014. Les deux derniers juges bulgares sont aussi issus d’ONG soutenues par l’OSF. (…) À titre d’exemple, l’OSF dépense actuellement plus de 90 millions d’euros par an en Europe, principalement en Europe de l’Est et dans les Balkans.
Ces ONG participent à tous les stades de détermination de la liste nationale de proposition des trois candidatures de juges. Le choix sera logiquement renforcé par la présence au sein de l’organisation, de personnes déjà issues du réseau Soros. Le but est simple : implanté une certaine vision du monde:
L’Open Society Foundation (OSF) s’est imposée comme la plus riche et influente organisation en la matière. Par sa politique de fondation et de financement d’autres organisations, elle s’est placée au sommet d’un important réseau d’ONG. Or, les objectifs et l’action de l’OSF suscitent autant d’enthousiasme que d’inquiétudes et d’interrogations. Outre ses actions de nature géopolitique, l’OSF milite et finance des initiatives en faveur, par exemple, de la liberté d’expression, de l’éducation des Roms, ainsi que de la libéralisation de la drogue, de la prostitution, de l’avortement, des comportements LGBT, ou encore des droits des réfugiés et des minorités. Au sein du réseau de l’OSF, l’Open Society Justice Initiative s’est spécialisée dans le contentieux stratégique. Cette organisation, comme quelques autres, est capable d’agir simultanément auprès de toutes les instances internationales où s’élabore le droit, et de mettre ainsi en oeuvre des stratégies globales d’affirmation de nouvelles normes internationales.
Les interactions lors du traitement des affaires sont inévitables et les résultats visibles:
Depuis 2009, on recense au moins 185 affaires ayant donné lieu à la publication d’une décision de la CEDH dans laquelle l’une au moins des sept ONG dont sont issues des juges a visiblement agi. Dans 72 d’entre elles, l’une au moins de ces ONG a visiblement agi comme requérante, ou comme représentant légal du requérant. Sur cette même période, ces ONG ont en outre été autorisées à intervenir comme tierce partie dans plus de 120 affaires ayant donné lieu à la publication d’un jugement.
Et l’on en arrive à des situations ubuesques, où une ONG devient partie et juge, comme ce fut le cas dans l’affaire Pussy Riot, qui a condamné la Russie :
On peut aussi citer ici le cas étrange des Pussy Riot (affaire Mariya Alekhina et autres c. Russie de 2018) qui ont été défendues devant la CEDH par un dirigeant de l’Open Society Justice Initiative, M. Yonko Grozev, peu avant qu’il soit élu juge à cette même Cour.
Ces instruments du monde global sont en pleine dérive en raison de leur radicalisation même. Mais sont-ils réformables ? Prenons l’exemple de la CEDH. Est-il possible de proposer des mesures juridiques renforçant l’indépendance des juges européens, non plus uniquement des Etats comme cela est prévu, mais aussi de la société civile et de ses gourous ? Techniquement, oui, cela est possible. Notamment en prévoyant des incompatibilités de fonctions, l’interdiction de participer à des séminaires, etc. Mais dans ce cas, l’institution fonctionnera-t-elle encore ? L’on peut en douter, car elle ne présentera plus aucun intérêt, justement parce qu’elle ne remplirait plus son rôle dans ce monde. Si elle pouvait fonctionner en dehors de la globalisation idéologique, autrement dit en dehors de ce monde, cela signifierait que cette globalisation idéologique n’est plus. Toutes les institutions ne sont pas réformables et les nombreuses conférences (Interlaken, Izmir, Brighton, etc.) pour atteindre un consensus entre les pays membres et le Conseil de l’Europe, afin de savoir où placer le compromis n’ont toujours pas permis de résoudre ce conflit fondamental, puisque la Cour n’entend pas remettre en cause son virage idéologique.
Ces exemples illustrent parfaitement l’impasse du modèle globaliste, qui a besoin que les pays pauvres soient pauvres pour que les pays riches soient riches, et donc d’un individu façonné au droit de l’hommisme, ayant perdu ses repères et ses racines, applaudissant et s’indignant sur commande, dans des sociétés artificielles désétatisées, qui puisse accepter cet ordre des choses sans trop se poser de questions (ou ne se posant que les bonnes questions).
Est-ce le monde dont nous avons besoin, nous ?
- Source : Russie politics