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Big pharma en pleine forme: Les prix des médicaments toujours plus élevés

Auteur : Augustin Langlade | Editeur : Walt | Mardi, 21 Janv. 2020 - 13h13

En vingt ans, les entreprises de ce secteur ont réalisé près de 1 000 milliards d’euros de bénéfices, générant pour chaque dollar d’investissement un chiffre d’affaires moyen quatorze fois supérieur, principalement alimenté par les nouveaux produits et les innovations. Nombreux sont les laboratoires qui se disputent les deniers publics.

L’argent n’a pas d’odeur, l’argent n’a pas d’éthique. La santé, les maladies, le cancer, le sida, c’est un business comme un autre ; et les laboratoires ont si bien rodé la machine qu’en matière de santé, ils font la pluie et le beau temps dans le monde entier, en entretenant d’un côté une inflation permanente sur le prix des médicaments et en plaçant leurs pions à tous les postes clés des différents secteurs de la santé.

Le 13 janvier dernier, dans une lettre à la ministre de la Santé, plus de 1 100 médecins hospitaliers ont menacé de démissionner de leurs fonctions administratives si les pouvoirs publics ne débloquaient pas de nouveaux fonds pour les hôpitaux avant la fin du mois. Depuis plus de dix mois, les personnels hospitaliers de toutes les catégories sont en grève pour protester contre les coupes budgétaires, le manque de financement et leurs conditions de travail, qui empirent de jour en jour.

Face à eux, les dirigeants ne cessent de marteler qu’il n’y a plus d’argent dans les caisses. Pourtant, pendant ce temps-là, dans le monde clos des géants de la pharmacie, tout va pour le mieux : les médicaments sont de plus en plus chers. Et devinez qui les paie ?  

En vingt ans, les entreprises de ce secteur ont réalisé près de 1 000 milliards d’euros de bénéfices, générant pour chaque dollar d’investissement un chiffre d’affaires moyen quatorze fois supérieur, principalement alimenté par les nouveaux produits et les innovations. Nombreux sont les laboratoires qui se disputent les deniers publics.

En France, huit d’entre eux ont touché plus d’un milliard d’euros, rien que pour l’année 2018, avec à leur tête le laboratoire suisse Novartis, qui a réussi à atteindre les deux milliards.

Quand on regarde la liste des médicaments qui ont coûté le plus cher à l’État en 2018, on voit bien que les prix d’achat dépassent largement les coûts de conception et de fabrication, même si ces derniers sont inconnus. C’est une tendance continue, opiniâtre depuis vingt ans, comme le montre une analyse détaillée de la revue en ligne Basta !. Le journaliste Simon Gouin y expose par exemple que le « Kymriah », un traitement unique contre les leucémies vendu par Novartis, coûte la modique somme de 320 000 euros. Le « Keytruda », pour sa part, une perfusion contre le cancer, coûterait 72 000 euros par an pour un seul patient ! Et la liste est longue. 

En janvier 2019, l’Organisation mondiale de la santé avait déjà mis en garde les États contre les profits exorbitants des entreprises pharmaceutiques et la propension unanimement partagée par les pouvoirs publics à dépenser toujours plus d’argent pour des médicaments toujours plus chers.

À titre d’exemple, le marché du cancer, car il s’agit bien d’un marché, a représenté en 2017 un coût mondial de 133 milliards d’euros, contre 91 milliards cinq ans plus tôt. 3,2 milliards d’euros, c’est ce que dépense la France chaque année pour soigner le cancer. Entre 5.200 et 31.200 euros, c’est le prix d’une chimiothérapie unique contre le cancer du sein. Il y a de quoi rêver, mais c’est vrai pour tous les domaines de la pharmacie.

Cependant, si les dépenses en traitements ont augmenté de 8 % par an, les maladies ciblées quant elles n’ont subi qu’une croissance annuelle de 2,5 %. Ce n’est donc pas une augmentation des maladies qui vide le porte-feuille de l’État, bien au contraire.

De plus, les médicaments les plus chers ont certainement une efficacité bien inférieure à leur prix. Par exemple, l’Opdivo, le troisième médicament qui coûte le plus d’argent à notre pays, serait totalement inutile à 83 % des patients auxquels on l’administre. Parfois, des médicaments exigent plusieurs centaines d’euros par injection, alors que d’autres traitements existent depuis longtemps et ne dépassent pas les dix ou vingt euros, ce qui revient à payer une plaquette d’aspirine au prix d’un ordinateur. Multipliez cette arnaque par le nombre de patients…

On ne sait rien des critères qui permettent de fixer le prix des médicaments (comme c’est expliqué ici), de même qu’on ignore le prix d’achat réel de ceux-ci par l’État. Il n’existe aucun organisme, réellement indépendant, qui puisse contrôler l’efficacité des molécules en amont de leur commercialisation. À l’inverse, la stratégie consistant à mettre en vente le plus grand nombre possible de nouveaux médicaments semble avoir fait ses preuves, de même que l’argument massue voulant que l’innovation coûte cher et soit essentielle au développement. 

Par ailleurs, les plus hautes instances de l’État sont colonisées par le lobby pharmaceutique : l’exemple le plus flagrant nous est malheureusement donné par la ministre de la Santé. Comme l’a montré Mediapart en 2016, lorsqu’elle était à la tête de la haute-autorité de santé (bien avant d’être nommée ministre), et comme on peut le voir dans ses déclarations d’intérêt, Agnès Buzyn a perçu pendant au moins 15 ans de très nombreuses rémunérations de la part de la « nébuleuse » pharmaceutique pour laquelle elle a toujours fait, semble-t-il, un intense lobbying. Aujourd’hui à un poste crucial, la ministre doit décider qui des entreprises titanesques et richissimes ou des hôpitaux en péril obtiendra les milliards dont disposent l’Assurance maladie. On vous laisse deviner la suite.


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