Le très controversé accord commercial CETA avec le Canada approuvé par la France
Alors que la plus grande partie du CETA, l'accord commercial avec le Canada, avait déjà été adoptée, la France s'est prononcée pour une approbation totale de ce traité controversé ce 3 juillet.
Le gouvernement français a approuvé le 3 juillet l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada (CETA) que l'Assemblée nationale devra ratifier le 17 juillet prochain, a annoncé le secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères Jean-Baptiste Lemoyne au sortir du conseil des ministres.
«Le conseil des ministres a délibéré et approuvé le projet de loi», a-t-il affirmé, soulignant l'importance de cet accord commercial, dont 90% sont déjà entrés en vigueur de manière provisoire depuis septembre 2017, pour les exportations françaises vers le Canada.
«On est là dans un processus qui a été déjà initié en 2009 [...] qui s'est poursuivi en 2016 avec la signature de cet accord entre l'UE et le Canada. Et le président de la République avait tenu à ce que ce traité puisse faire l'objet d'une nouvelle méthode en terme d’évaluation, en terme d'impacts», a déclaré Jean-Baptiste Lemoyne. Il a expliqué que le texte était la résultante d'un processus d'examens mené par une commission indépendante, pour mettre en place un «plan d'action avec une véritable ambition climatique, environnementale avec nos amis canadiens». Un tel partenariat a été signé par François de Rugy, le ministre de la Transition écologique et son homologue canadienne.
EN DIRECT | Compte-rendu du #ConseildesMinistres du 3 juillet 2019 par @SibethNdiaye, porte-parole du gouvernement, avec @JBLemoyne, Secrétaire d'État @FranceDiplo.https://t.co/sKvlNHVYjE
— Élysée (@Elysee) 3 juillet 2019
Arguments rassurants et explications peu convaincantes
Le secrétaire d'Etat a insisté sur «la mise en place d'une étude d'impact réalisée par un centre de recherche indépendant [...] afin d’accompagner le projet de loi», au point de vue économique, qui promet selon lui un «surcroît de croissance sans que cela n'entraîne de fortes augmentations de gaz à effets de serre». A la question d'un journaliste s'interrogeant sur ces prédictions défiant toute logique, Jean-Baptiste Lemoine a expliqué que les échanges maritimes inter-continents qui allaient se substituer aux échanges routiers produisaient approximativement les mêmes émissions.
Jean-Baptiste Lemoyne a tenu à tranquilliser la filière agricole bovine, affirmant que le Canada n'était pas outillé pour répondre au marché européen, seules 36 fermes canadiennes satisfont en effet aux critères français, tout au moins pour le moment.
Il a également brandi l'argument d'un «veto climatique», «une mesure noir sur blanc dans l'accord», qui garantirait que «les Etats restent souverains pour édicter leur législation environnementale et sociale». Il éviterait que «les multinationales se retournent contre un Etat, pour obtenir des condamnations». Les ONG redoutent en effet les décisions des tribunaux d'arbitrage entre les Etats et les investisseurs privés canadiens, qui en cas de conflit, pourront demander des compensations financières. Et le «veto climatique» pourrait ne pas s'avérer être un bouclier suffisamment couvrant.
Le secrétaire d'Etat a présenté un «bilan très positif» du CETA depuis son entrée en vigueur provisoire. «Nos exportations vers le Canada ont progressé de 6,6% entre 2017 et 2018», s'est-il réjoui.
Selon ses chiffres, les importations canadiennes en France ont, en revanche, plongé de 6%, pendant la même période, un repli attribué par le Canada au recul des achats de colza et du minerai de fer pour des raisons conjoncturelles.
Un accord controversé depuis 2017
Les arguments rassurants du secrétaire d'Etat ne suffiront pas à apaiser les inquiétudes des nombreux opposants au traité. Les agriculteurs ont manifesté le 2 juillet au soir. Tandis que l'ancien ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot a critiqué le feu vert donné à l'accord dans Le Monde : «Le Canada est l'un des pires élèves du G20. Signer le CETA, c'était le conforter, alors que ne pas le signer c'était l'encourager à faire autrement». Les associations sont d'ores et déjà à pied d'oeuvre pour demander aux parlementaires de ne pas ratifier le projet de loi le 17 juillet.
????@EmmanuelMacron veut faire voter le #CETA en plein mois de juillet ! ????
— Attac France (@attac_fr) 2 juillet 2019
72 organisations écrivent aux député·e·s pour leur demander de ne pas ratifier le CETA au nom du climat, de l'emploi, de la santé, de l'agriculture et de la démocratie !https://t.co/pqLNIhi2MQ
Affichant l'objectif de délivrer le monde des frontières économiques, les accords de libre-échange dont fait partie le CETA font l'objet de controverses, tant sur les conséquences sociales, économiques et environnementales de leur mise en place, qu'en ce qui concerne leur processus de négociation, souvent jugé opaque.
Alors que l'accord avait été approuvé en février 2017 par le Parlement européen, 106 députés français avaient immédiatement saisi le Conseil constitutionnel à propos du CETA, le jugeant incompatible avec la Constitution française.
Cinq mois plus tard, l'institution avait pour sa part estimé que l’accord commercial de libre-échange entre l’UE et le Canada n’impliquait pas une révision de la Constitution. Et le 13 septembre, deux secrétaires d'Etat français, Jean-Baptiste Lemoyne (Affaires étrangères) et Brune Poirson (Transition écologique et solidaire), avaient annoncé lors d’une conférence de presse qu’il n’y aurait ni report ni gel du traité : 90% de son contenu est entré provisoirement en vigueur dès le 21 septembre, en attendant une approbation définitive par les parlements nationaux des membres de l'UE.
A l'époque, la directrice de Foodwatch avait donné son avis sur le traité à RT France : «Cet accord de commerce est dit de nouvelle génération. On ne s'attaque pas qu'aux barrières tarifaires : on cherche à enlever toutes les barrières au commerce, dont nos normes sociales et environnementales» [...] Sur l'alimentation, [Foodwatch] veut que l'UE puisse retirer les perturbateurs neuro-endocriniens de notre alimentation, lutter contre les nouvelles formes d'OGM, profiter de notre étiquetage... Ce n'est pas acceptable de prendre [les risques posés par le traité], d'autant plus lorsqu'on considère qu'il n'y a pas de bénéfice vraiment démontré pour la France».
- Source : RT (Russie)