Les multinationales vont pouvoir attaquer les États grâce au CETA
Le CETA, l’accord de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et le Canada a franchi une étape décisive, mardi 30 avril. Dans un jugement très attendu, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a donné son feu vert au chapitre le plus controversé de l’accord, qui instaure un système juridictionnel des investissements (Investment Court System, ICS). Ce mécanisme permet à une entreprise d’attaquer un Etat devant un tribunal arbitral d’exception si elle estime qu’une décision politique a violé les règles du traité et lésé ses intérêts économiques.
Pourquoi cette décision ?
Cette question était au cœur de la guerre de tranchée menée à l’automne 2017 par la Wallonie et son ministre-président, Paul Magnette, contre le CETA. Celui-ci craignait que ce mécanisme d’arbitrage octroie un pouvoir trop important aux multinationales sur les choix légitimes des Etats en matière de santé ou d’environnement. Il avait bloqué pendant plusieurs semaines la signature définitive de l’accord, en vertu du droit de veto dont disposent les régions belges sur les traités internationaux. La crise avait finalement été dénouée en l’échange de quelques concessions de la part de l’UE et du gouvernement fédéral belge, qui s’était notamment engagé à vérifier auprès de la CJUE la compatibilité du mécanisme d’arbitrage avec le droit européen.
Que dit la Cour ?
Dans sa décision rendue mardi, la CJUE balaie les craintes d’une justice d’exception qui porterait atteinte au droit européen. Selon elle, des garanties suffisantes ont été introduites pour éviter qu’une sentence arbitrale rendue par l’ICS ne remette en cause les choix démocratiques des Etats.
La Cour a également confiance dans « l’indépendance » des quinze futurs juges-arbitres, des juristes qui seront nommés pour des mandats de cinq à dix ans par le Canada et les Etats européens, avec des mécanismes censés prévenir les conflits d’intérêts.
Quelle est la suite ?
Cette décision attendue depuis dix-huit mois constitue une victoire pour les promoteurs du CETA, et en particulier pour la Commission européenne, cheville ouvrière des négociations. Certes, l’accord UE-Canada était déjà entré partiellement en vigueur en septembre 2017. Mais le mécanisme d’arbitrage ICS avait été mis en attente.
La décision favorable de la CJUE ouvre la voie à la ratification définitive de l’accord par les parlements nationaux des vingt-huit pays européens – en France, le vote devrait intervenir d’ici à la fin de l’année.
Les ONG et la société civile, très hostiles à l’ICS, n’ont toutefois pas déposé les armes. L’organisation écologiste Les Amis de la Terre a appelé « les Etats européens à rejeter la ratification du CETA », en estimant que l’arbitrage, bien que « légal », n’en est pas moins « injuste », car « il donne des droits privilégiés au big business pour contester nos normes sociales, environnementales et sanitaires ». Une pétition, soutenue par 150 organisations européennes, a récolté depuis janvier un peu plus de 500 000 signatures pour appeler à la fin de ces mécanismes d’arbitrage.
- Source : Le Monde