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Mercredi, 27 Nov. 2024

Sur la voie d’un monde post-G20

Auteur : Pepe Escobar | Editeur : Walt | Jeudi, 06 Déc. 2018 - 23h29

La montée en puissance de la Chine et des blocs commerciaux multilatéraux pourrait finir par entraîner la fin du G20 et la domination mondiale des États-Unis, comme l’explique Pepe Escobar.

La guerre commerciale lancée par l’administration Trump contre la Chine n’a peut-être pas été résolue par un dîner de deux heures et demie entre le président chinois Xi Jinping et Donald Trump au G20 à Buenos Aires, samedi dernier. Mais elle a peut-être ouvert la voie à un réalignement radical.

Bien au-delà de tout ce qui a été raconté autour de la « photo de famille » – dans laquelle les hochements de tête et les clins d’œil voulaient montrer un capital géopolitique sans faille – le G20 s’est déroulé comme si c’était la dernière bouffée d’air pour « sauver » le (dés)ordre du monde turbo-capitaliste actuel.

Les sherpas du G20 ont perdu le sommeil pendant deux nuits consécutives en essayant d’en arriver à une déclaration finale capable d’apaiser Trump. Comme pratiquement tous les pays du G20 soutiennent le multilatéralisme en matière de commerce, personne n’a voulu contrarier encore plus le vrai Big Boss à Buenos Aires : Xi Jinping.

En tout état de cause, le point culminant a été l’accord bilatéral entre les États-Unis et la Chine, qui aurait pu faire dérailler l’économie mondiale si la situation avait dégénéré.

Le virage de la Maison-Blanche portait sur des négociations immédiates – d’une durée de 90 jours – sur les transferts forcés de technologie américaine vers la Chine, la protection de la propriété intellectuelle, une série de barrières non-douanières et une prétendue « intrusion » chinoise sur Internet. S’il n’y a pas d’accord, Washington augmentera les droits de douane sur les importations chinoises à 25 %.

Xi et Trump au G20. (Officiel de la Maison Blanche Photo par Andrea Hanks)

Maintenant, comparez cela avec la déclaration clé de Pékin, avec le très expérimenté ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi, qui a qualifié la conversation du dîner d'« amicale et franche ». Il n’y avait pas non plus de précisions sur l’importance de l’achat prétendument « immédiat » par la Chine de produits agricoles, énergétiques et industriels américains.

M.Wang, provocateur, franc et expert du Japon, a été promu conseiller d’État l’an dernier, ce qui signifie que le ministère des Affaires étrangères a maintenant beaucoup plus d’influence sur d’autres institutions chinoises clés. L’été dernier, Wang a forgé un point de vue inestimable sur la guerre commerciale de Trump : « Les États-Unis disent souvent qu’on en profite, mais cela laisse perplexe. C’est comme quelqu’un qui achète un produit à cent dollars dans un supermarché, a le produit en main et se plaint ensuite qu’il lui manque cent dollars. Est-ce que cette logique tient debout ? »

L’application Sun Tzu

Le camp de négociation chinois est dirigé par un intellectuel réfléchi, Liu He, 66 ans, vice-premier ministre formé à Harvard, qui dirige le tout puissant Bureau général de la Commission centrale des affaires financières et économiques. Xi dirige la commission, mais c’est Liu, son principal conseiller en politique économique, qui dirige les opérations quotidiennes. Il est également le principal interlocuteur du secrétaire au Trésor américain Steven Mnuchin.

En fin de compte, Pékin a appliqué des tactiques Sun Tzu modifiées pour gagner du temps. Elle a, en parallèle, réduit à presque un chuchotement l’agenda « Made in China 2025 », un plan de relance de l’industrie nationale chinoise que le Council on Foreign Relations qualifie de « véritable menace existentielle au leadership technologique des États-Unis ».

Le leadership chinois imminent en robotique et en intelligence artificielle se poursuit, bien sûr, mais maintenant en mode dissimulation.

Ce n’est pas que Pékin n’a jamais pensé à ce qu’elle appelle les « réformes ». Le rapport Chine 2030, adopté il y a cinq ans entre le premier ministre Li Keqiang et la Banque mondiale, définissait déjà les étapes d’une privatisation progressive des grandes entreprises publiques et du système bancaire.

Mais cela se produira au moment opportun pour les Chinois, et non pour les Américains. Peu d’analystes, s’il en est, ont noté que dans le nouvel ALENA négocié par l’administration Trump avec le Canada et le Mexique, et signé à Buenos Aires, l’article 32.10 interdit aux membres de négocier avec « des non économies de marché ». C’est un code pour la Chine. Quoi qu’il arrive ensuite, Pékin continuera d’être diabolisé pour ses pratiques « prédatrices » – la technique de prédilection dans le Beltway et ancrée dans la stratégie sécuritaire nationale des États-Unis.

Présentation Down South

Sur le front de l’hémisphère Sud, tout comme le G20 a été organisé par l’Amérique du Sud, les deux puissances régionales, le Brésil et l’Argentine, l’une membre BRICS et l’autre un membre potentiel BRICS Plus, au lieu de briller, a présenté une triste image. L’Argentine, avec son économie en lambeaux grâce à une marionnette néolibérale, et le Brésil, totalement humilié à la veille d’être dirigé par un néo-fasciste caricatural, se sont prosternés dans une totale soumission à « la nation indispensable ».

Il y a cependant des nuances fascinantes. Mauricio Macri, président néolibéral de l’Argentine, est un fervent partisan de la coopération et du commerce libéral et hyper-multilatéral dans tous les forums internationaux, mais son ami Trump a joué un rôle déterminant pour amener le FMI à convaincre de nouveau l’Argentine.

Macri entretient d’excellentes relations avec les multilatéralistes notoires, la Chine et l’UE. Lorsque la Maison-Blanche a déclaré que Buenos Aires était d’accord sur le fait que la politique commerciale de la Chine était « prédatrice», les diplomates argentins l’ont immédiatement démentie.

Rien d’étonnant, la quatrième centrale nucléaire de l’Argentine sera financée par la Chine à hauteur de 8 milliards de dollars. La Chine deviendra le plus grand prêteur non institutionnel d’Argentine après un échange de devises qui doublera la ligne de crédit du pays, qui atteindra 18,7 milliards de dollars.

La République évangélique bananière militarisée, anciennement connue sous le nom de Brésil, n’a pas manqué, une fois de plus, de tromper. Le président français Emmanuel Macron – déjà en proie à l’insurrection des Gilets Jaunes en France – a rappelé qu’un accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur, en négociation depuis bientôt vingt ans, ne peut être conclu que si le gouvernement brésilien, sous Jair Bolsonaro, ne laisse pas tomber l’accord sur le changement climatique de Paris.

Avant le G20, M. Bolsonaro a renoncé à accueillir le sommet de l’ONU sur le changement climatique en 2019, car le Brésil pourrait quitter l’Accord de Paris au profit du puissant lobby agro-économique qui ravage la forêt amazonienne. Pour Macron, leader autoproclamé non seulement de l’UE mais aussi de l’environnement mondial, c’est une ligne rouge majeure. Et cela se traduira par un veto français sur un accord avec le Mercosur. Pas étonnant que Macri soit furieux.

Bienvenue dans le R20

Les Trump rentrent chez eux après le G20. (Photo de la maison blanche)

De manière cruciale, Xi Jinping a de nouveau souligné à Buenos Aires que Beijing soutenait les « réformes nécessaires » de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Mais celles-ci devraient protéger les « intérêts » des pays en développement – et la Chine se définit toujours comme un pays en développement.

Cela nous amène à une feuille de route qui devrait plaire aux pays du Sud.

Yaroslav Lissovolik, ancien responsable de la Deutsche Bank et du FMI, a proposé au club de discussion de Valdai, qu’il dirige, un format horizontal pour coordonner le commerce et l’intégration des infrastructures: un « R20 » (Régional 20) qui « réunirait les poids lourds régionaux les plus importants de l’économie mondiale représentés par 10 blocs régionaux ».

Cette « voie de connectivité » au format R20, comme le décrit Lissovolik, pourrait devenir la plate-forme essentielle reliant de nombreux projets d’infrastructures en cours, du très ambitieux – et bien financé – New Silk Roads, ou Belt and Road Initiative (BRI) dirigé par la Chine, jusqu’au très vague corridor de croissance Asie – Afrique (AAGC), dirigé par le Japon et l’Inde.

Il ne s’agit pas de pays ; il s’agit de blocs commerciaux régionaux. Ils pourraient bien devenir les pierres angulaires d’un monde post-G20 après qu’un bouleversement décisif du système mondial nous sera tombé dessus : lorsque le pétroroyuan éclipsera le dollar.

Traduction Avic – Réseau International


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