Le maïs MON810, dont l'interdiction de culture a été invalidée le 1er août par le Conseil d'état, compte parmi les plus anciens organismes génétiquement modifié (OGM) commercialisés. Si les plantes résistantes aux insectes - comme le MON810- ou aux herbicides restent les OGM les plus cultivés dans le monde, d'autres types de plantes génétiquement modifiées ont fait leur arrivée sur le marché. Une diversification incontournable pour les grands semenciers à un an de l'expiration des premiers brevets sur les semences génétiquement modifiées, qui soulève également des problèmes législatifs.
Commercialisé dès la fin des années 1990 par Monsanto, le maïs MON810 est capable de sécréter la toxine Bt , habituellement produite par la bactérie Bacillus thuringiensis , et fatale aux larves de certains parasites. C'est, avec la résistance aux herbicides, la propriété la plus fréquemment retrouvée chez les plantes transgéniques de grande culture (maïs, colza, coton, soja). En 2012, d'après le Service international pour l'acquisition d'applications agricoles biotechnologique (ISAAA), ces deux types d'OGM étaient cultivés dans 29 pays, et couvraient une surface totale de 160 millions d'hectares.
Pour produire un OGM, la technique utilisée vise à insérer dans les chromosomes de la plante un gène provenant d'un autre organisme, une bactérie dans le cas du maïs MON810. «Avant, l'homme utilisait les croisements pour améliorer les cultures, rappelle Pierre Hilson, chercheur à l'Institut National de Recherche Agronomique (INRA). Le transgénèse lui a permis d'aller plus loin, en utilisant des espèces non-compatibles.»
Producteurs principaux de désherbant, les semenciers issus de l'agrochimie ont en premier lieu développé chez les plantes OGM la résistance aux herbicides. Les cultures génétiquement modifiées peuvent ainsi être traitées sans risque, alors que tous les autres végétaux périssent. Ce qui n'est pas sans poser certains problèmes, lors des rotations de cultures notamment. «Un colza rendu résistant aux herbicides peut repousser dans le blé nouvellement planté», détaille Olivier Belval, président de l'Union des apiculteurs de France (Unaf).
Les OGM capables de sécréter des substances insecticides, et devant donc permettre de limiter l'usage de pesticides, ont aussi leur lot d'effets indésirables. La substance qu'ils sécrètent n'aurait pas des effets que sur les larves des parasites. «Les coccinelles par exemple peuvent y être sensibles, explique Olivier Belval. Si elles meurent, les pucerons envahissent les cultures et il faut alors traiter contre les pucerons. C'est totalement contre-productif!»
De plus en plus d'espèces résistantes
Autre problème, auquel doivent faire face directement les semenciers: face à ce déploiement de génie génétique, la nature s'adapte et évolue. Certains insectes ont ainsi développé des résistances aux toxines sécrétées par les OGM, et 21 espèces végétales seraient devenues résistantes au glyphosate (l'agent actif du Roundup de Monsanto). De quoi obliger les industriels à développer des semences porteuses de nouveaux gènes.
Mais des axes de développement plus diversifiés intéressent aujourd'hui les semenciers. Selon Pierre Hilson, la tendance actuelle est clairement en faveur des OGM capables d'avoir un meilleur rendement, ou de résister aux conditions environnementales difficiles, principalement la sécheresse. «La lutte contre les maladies spécifiques à certaines espèces est aussi en plein essor.» Les cultivateurs d'agrumes confrontés à une infection bactérienne sans précédent qui ravage leurs plantations, voient dans les OGM une issue non négligeable. Des arbres résistants à la bactérie en cause apparaissent pour certains comme le recours qui permettrait de sauver l'industrie du jus d'orange en Floride.
D'après une directive européenne, les plantes qui subissent une mutagénèse ne sont pas considérées comme des OGM, et échappent donc à la législation
Il n'y a pas que la palette de gènes modifiables ou modifiés qui ait évolué. Les biotechnologies utilisées par les semenciers se sont elles aussi diversifiées. Le transfert d'un gène étranger à la plante n'est plus la seule option pour améliorer ses propriétés. La mutagénèse utilise des gènes déjà présents dans le végétal mais permet d'en modifier l'expression, par traitement chimique ou irradiation. Le gène-cible est activé ou inactivé selon l'effet recherché. Cette technique est montrée du doigt par un groupement d'associations qui a récemment alerté le gouvernement français. D'après la directive européenne de 2001 sur la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés, les plantes qui subissent une mutagénèse ne sont en effet pas considérées comme des OGM, et échappent donc à la législation qui y a trait.
Une situation similaire pourrait se produire concernant les plantes modifiées génétiquement par l'usage de méganucléases. «Ces enzymes sont capables de changer directement une partie du code génétique d'un organisme et permettent de modifier l'expression ou la fonction d'un gène», explique Pierre Hilson. Cette technique en plein essor depuis quelques années fait l'objet d'études auprès de l'Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA). Le caractère OGM ou non des plantes ainsi transformées n'a pour le moment toujours pas été arrêté par l'EFSA.