La police marocaine a évacué par la force une manifestation dénonçant la grâce accordée par le roi Mohammed VI à un pédophile espagnol. La décision qui fait scandale pourrait s’expliquer par le fait que l’homme gracié est un espion au service de l’Espagne.

Des dizaines de personnes, parmi lesquelles des journalistes et des photographes, ont été blessées par la police qui s’est déployée massivement peu avant le début de la manifestation. « C’est une répression tout à fait disproportionnée. Il n’y a qu’une seule explication, c’est que l’Etat n’a aucune explication », a estimé Fouad Abdelmoumni, un économiste présent lors de la manifestation.

Mardi, le roi Mohammed VI a « ordonné la libération de 48 prisonniers espagnols (…) en réponse à une demande formulée (…) par le roi Juan Carlos », qui a effectué à la mi-juillet une visite officielle au Maroc.

Jugé coupable du viol de 11 enfants

Selon les médias, l’homme dont les manifestants contestent la libération s’appelle Daniel Galván, il est âgé de 60 ans et a été reconnu coupable en 2011 du viol de 11 enfants âgés de 4 à 15 ans. Il avait été incarcéré à la prison de Kenitra, au nord de Rabat.

Contacté jeudi par l’AFP, le ministre de la Justice Mustapha Ramid a confirmé la grâce royale, mais a estimé qu’il n’était « pas habilité à la commenter ». « Cet individu fera l’objet d’une extradition, et il sera interdit d’entrée au Maroc », a précisé le ministre.

Le Maroc a été confronté à plusieurs affaires de pédophilie au cours des derniers mois. En juin, un Britannique soupçonné de pédophilie a été interpellé à Tétouan (nord). En mai, un Français de 60 ans a été condamné à 12 ans de prison ferme par un tribunal de Casablanca pour des actes pédophiles.

L’homme gracié est-il un espion espagnol ?

Selon une enquête du journal marocain Lakome et du journal espagnol El Pais, la grâce octroyée à Daniel Galvàn par le roi du Maroc pourrait s’expliquer par le fait que Galvàn est un espion et qu’il a été libéré à la demande pressante des services de renseignement espagnol.

Tentant d’expliquer le geste du roi, le ministre de la justice marocain, Mustapha Ramid, a assuré dans un communiqué que Galván avait été libéré pour des « raisons d’intérêt national ».

Selon son avocat, Galvàn lui a dit être un officier de l’armée irakienne qui avait collaboré avec les services étrangers pour renverser Saddam Hussein. El País n’a trouvé aucune trace de lui au département des sciences océaniques de l’université de Murcie, où il prétendait avoir été professeur.

La thèse est donc que Galván est en réalité un Irakien exfiltré en Espagne vers 2003, au moment de l’invasion de l’Irak à laquelle a participé l’Espagne de José-Maria Aznar. Il aurait reçu une nouvelle identité en échange des services de renseignements fournis et se serait par la suite installé au Maroc.

« L’attitude du pédophile telle qu’elle ressort du dossier d’instruction est justement celle d’un homme qui commettait ses crimes sans craintes des conséquences, comme s’il bénéficiait d’une protection particulière », note Lakome.