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Mercredi, 27 Nov. 2024

Wall Street est le chaînon manquant entre Donald Trump et la Chine

Auteur : Pepe Escobar | Editeur : Walt | Lundi, 03 Oct. 2016 - 15h00

Le yuan entre bientôt dans le panier des devises de réserve du FMI – rejoignant ainsi le dollar américain, l’euro, la livre sterling et le yen. Ce n’est pas moins qu’un séisme géoéconomique.

Ce n’est pas un simple nouveau pas dans la marche irrésistible de la Chine vers la suprématie économique ; l’inclusion de la devise chinoise dans le panier du DTS (droits de tirage spéciaux) va inciter les banques centrales et les fonds les plus puissants, surtout américains, à acheter toujours plus d’actifs chinois.

Lors du premier débat présidentiel, Donald Trump était sans merci dans sa critique de la manipulation monétaire chinoise. Voici ce qu’il a dit :

« Vous voyez ce que la Chine fait à notre pays, pour ce qui est de la fabrication de nos produits, ils dévaluent leur devise, et il n’ y a personne dans notre gouvernement pour lutter contre eux… Ils usent de notre pays comme d’une tirelire pour reconstruire la Chine, et plusieurs autres pays font la même chose. »

- La Chine ne fabrique pas nos produits ; le processus de fabrication est « Made in China » – et c’est ensuite exporté aux Etats-Unis. Ce sont les entreprises américaines qui reçoivent la majeure partie des profits : tout, à commencer par le design, les droits de licence et les redevances, jusqu’à la publicité, le financement et les marges de détail. Même si les mantras disent partiellement la vérité quant au fait que les Etats-Unis ont cédé à la Chine les empois manufacturiers, et que la Chine est « l’usine du monde », ils ne font pas état d’une vérité cachée : le fait que les bénéficiaires en sont les grandes entreprises.

- La Chine ne « dévalue pas sa devise » ; la Banque nationale de Chine rajuste de temps en temps le yuan par rapport à une bande très étroite. Les principaux professionnels de l’assouplissement quantitatif sont actuellement les Etats-Unis, le Japon et la banque centrale européenne (BCE). Et c’est le dollar américain, non le yuan, qui reste la devise de la manufacture globale des biens de consommation.

- Pékin n’utilise pas non plus « notre pays comme une tirelire pour reconstruire la Chine ». Il s’agit de la balance des paiements. Ce que les consommateurs américains dépensent sur les produits « fabriqués en Chine », dont la fabrication a été, dans la plupart des cas, délocalisée par les entreprises américaines, revient aux Etats-Unis sous forme d’afflux de capitaux qui maintiennent les taux d’intérêt à des bas niveaux et aide à soutenir l’hégémonie globale de l’Empire du Chaos.

Gagnant-gagnant, le genre de Wall Street

Le spectre de l’attention de Trump est notoirement minimaliste. Si ses conseillers sont arrivés à graver – faire un tweet ? – quelques bons mots dans son cerveau, il serait capable d’expliquer à l’opinion publique américaine, comment se joue le jeu entre la Chine et les Etats-Unis, chose que toutes les parties concernées des deux nations connaissent par cœur.

Et le maillon essentiel qui manque dans le jeu, c’est Wall Street.

Voici comment ça fonctionne : un puissant fond d’investissement s’approche d’une entreprise américaine et/ou d’une grande compagnie avec une « offre que vous ne pouvez pas refuser » : déplacez-vous en Chine. Cela implique obligatoirement que tous les actifs de la compagnie sont rehypothéqués dans le registre comptable à Wall Street.

Wall Street est « gagnant » dans les deux cas ; soit en finançant la délocalisation en Chine (ce qui correspond à l’extinction du travail aux Etats-Unis), soit en achetant les sociétés qui refusent de délocaliser.

Ensuite, ils optent pour l’arbitrage des salaires concernant les produits qui étaient fabriqués aux Etats-Unis autrefois, et qui sont maintenant fabriqués en Chine ; cela concerne un énorme écart salarial entre la Chine et les Etats-Unis, qui influence le cours de conversion entre le dollar et le yuan.

De son côté, la Chine recycle ses dollars américains en achetant les bonds du Trésor des Etats-Unis. Celui-ci maintient bien sûr les prix des obligations à haut niveau, aidant ainsi à maintenir les taux d’intérêts à de bas niveaux.

Dans les faits, tout est sur une tendance à la hausse : les prix des obligations, la valeur perçue du dollar américain dans le monde entier, le cours de change. Les dollars continuent d’entrer frénétiquement dans l’économie américaine, et ensuite – utilisés en théorie pour acheter frénétiquement les produits « Fabriqués en Chine ».

Bien sûr, le prix d’un produit fabriqué en Chine est plus bas aux Etats-Unis – et c’est une motivation suffisante pour les sociétés américaines de faire en sorte que Main Street USA reste

Le taux de change du dollar va rester haut aussi longtemps que la Chine et les autres recyclent l’excès de dollars pour acheter les bons du Trésor en masse. Le point essentiel est que ces dollars us n’entrent jamais dans l’économie réelle. Ils sont, comme on dit, « piégés » soit dans une couche supérieure très fine du capitalisme de casino de Wall Street, soit dans l’épars monde de la banque « trop grosse pour faire faillite ». Et la Fed veut que le jeu continue pour une durée indéterminée, pour éviter l’effondrement des taux.

De son côté, Pékin joue ce jeu avec un plaisir évident ; étant la principale puissance mondiale en matière d’exportations, son agenda consiste à solidifier et développer son savoir-faire de fabrication dans le cadre de sa course vers le statut d’une nation au « revenu modéré », d’ici au début de la décennie prochaine.

Le but ultime est de faire revivre les emplois manufacturiers aux Etats-Unis. Comme Trump l’a promis, il devra forcer toute l’oligarchie financière de Wall Street à baisser les yeux.

Il n’est pas étonnant que tous ces oligarques, responsables du déplacement de tous ces emplois manufacturiers en Asie et qui ont réalisé des bénéfices généreux lors des plans de sauvetage aidant les « trop gros pour faire faillite », le détestent de toutes leurs tripes plaquées or.

Brûler ces « trop gros pour faire faillite » dans les feux de l’enfer

Malgré toute son incapacité à formuler ses pensées, son langage n’excédant pas le niveau de connaissance linguistique d’un élève de troisième, Donald Trump avait accumulé des propositions étonnantes qui ont eu une grande résonance, beaucoup plus étendue que le spectre du « panier des déplorables ».

Il est contre la guerre froide version 2.0 et contre le pivot vers l’Asie. Cela se voit lorsqu’il demande : « Ne serait-il pas bon de collaborer avec la Russie et la Chine, pour changer ? »

Il n’a pas moins fait que rejeter une Troisième Guerre mondiale en indiquant qu’il s’opposerait à ce que les Etats-Unis fassent une frappe nucléaire préventive.

Il déteste tout à fait « le commerce libre mondial », de l’ALENA à la DPT et au PTCI, parce qu’« ils ont miné les vies des ouvriers us », les entreprises usaméricaines (à l’initiative de Wall Street) délocalisant puis important dans des Etats-Unis exempts de droits de douane.

Donald Trump admettait même la possibilité de nationalisation des banques de Wall Street, après la crise de 2008.

Nous sommes spectateurs du dernier spectacle, surréaliste, d’un milliardaire qui dénonce la mondialisation des entreprises responsables d’avoir privé les classes moyennes inférieures américaines de millions d’emplois décents et de prestations sociales, sans mentionner leur transformation en otages d’infrastructures publiques en décomposition. Et, avec tout cela, il n’y a personne dans l’establishment usaméricain condamnant le transfert des richesses les plus étonnantes de l’histoire aux 0,0001%.

Si, au cours des deux débats présidentiels suivants, Trump indique le chaînon manquant de l’intégralité du complot – Wall Street – il peut s’assurer la victoire.

Traduction El Correo

 


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