www.zejournal.mobi
Samedi, 18 Mai 2024

Les états-unis et leurs alliés se préparent à envahir la Syrie

Auteur : Alexander Orlov | Editeur : Walt | Mardi, 18 Nov. 2014 - 20h50

Alors que Washington prétend avec opiniâtreté lutter contre le terrorisme international représenté par ISIS en Syrie et en Irak, la Maison Blanche est en réalité en train de préparer activement une opération afin de renverser Bachar-al-Assad à Damas. Le président Obama a ordonné l’envoi en Irak de 1500 hommes pour entraîner l’armée irakienne et les Peshmergas kurdes dans le cadre de la guerre contre ISIS. Les 50 premiers soldats sont déjà arrivés dans le Kurdistan irakien.

Une question se pose cependant : les soldats américains ont-ils été envoyés en Irak pour lutter contre ISIS ou pour préparer une base arrière dans le cadre d’une invasion de la Syrie ? Particulièrement si vous prenez en compte le fait qu’une semaine auparavant, le leader des Peshmergas du Kurdistan irakien, M Barzani, s’est rendu dans la ville de Kobané par la Turquie, ville assiégée par les forces d’ISIS sur le sol syrien. Barzani est connu pour être un allié des américains sur lequel ceux-ci ont misé afin de créer un Kurdistan irakien, et éventuellement un Kurdistan syrien. Ainsi, et devant l’insistance de Washington, Ankara a finalement autorisé les combattants kurdes à traverser son territoire. Dans le même temps, une route logistique permanente a été ouverte pour les combattants kurdes à travers la Turquie.

Un autre point important est le basculement du centre de gravité de la lutte contre ISIS dans le secteur syrien. Les combats en Irak sont en effet entrés dans une phase beaucoup moins intense. Avec la participation active des états-unis, Riyad et Ankara ont équipé massivement un segment de l’opposition syrienne armée constitué du groupe islamiste pro-saoudien « Front-Al-Nosra» et des restes de l’Armée Syrienne Libre. La possibilité pour ce groupe d’obtenir un soutien aérien de la part de la Turquie et de l’Arabie Saoudite, est actuellement sérieusement étudiée. Les armées des deux pays effectuent déjà des vols de reconnaissance réguliers sur le territoire syrien.

Selon des rapports récents, le scénario militaire contre Damas serait mis en oeuvre immédiatement après l’achèvement de l’armement et de l’entraînement de la nouvelle « opposition syrienne » et la stabilisation de la situation à Kobané. Tout cela renvoie aux précédentes tentatives des américains, saoudiens et turques, de renverser le régime de Bachar-al-Assad, sous le prétexte de lutter contre ISIS. Ce n’est pas un hasard si les occidentaux ont défendu à l’ONU un nouveau projet de résolution autorisant la lutte contre ISIS en Irak et en Syrie. Les médias étrangers ont déjà commencé un travail actif de préparation de l’opinion publique dans ce sens. Le principal frein à l’adoption de cette résolution est une nouvelle fois la position de Moscou et Pékin. Il y a là une tentative de répéter la « version libyenne » de la légitimation d’une intervention militaire étrangère et d’établir une « zone d’exclusion aérienne » au dessus du territoire syrien sans laquelle la poursuite des plans américains, turques, et saoudites, sera très compliquée en Syrie.

La position de Téhéran, qui a une influence certaine à Damas et est capable de fournir une assistance militaire à Assad, est extrêmement importante. Mais les iraniens manœuvrent de manière à maintenir leur relation privilégiée avec Damas en même temps qu’ils doivent faire des concessions sur leur programme nucléaire durant les négociations qui se tiennent à Oman. Le point positif c’est que l’Iran est en train de créer rapidement un analogue irakien moderne du corps de la Garde Révolutionnaire Iranienne, le noyau de la future résistance anti-américaine, l’armée du Mehdi. Cela montre que l’Iran n’a pas l’intention de laisser tomber les chiites d’Irak et de Syrie face aux états-unis et à l’Arabie Saoudite.

En ce qui concerne ISIS, son potentiel militaire s’élève à 45 000 combattants parmi lesquels 10 à 12 000 étrangers représentant l’ensemble des pays arabes. Parmi ceux-ci, il y a une majorité de djihadistes venant d’Arabie Saoudite. L’élimination d’une telle structure militaire par une opération terrestre nécessitera le déploiement en Irak de 100 à 120 000 soldats américains. Barack Obama souhaite obtenir l’autorisation du congrès pour conduire une opération terrestre, alors qu’il a perdu la majorité après les dernières élections. Maintenant qu’il est devenu un « canard boiteux », le président américain essaie de partager les risques d’une intervention avec ses rivaux aux états-unis, mais les républicains tomberont difficilement dans ce piège.

Le fait alarmant c’est que lorsqu’elle évoque cette opération terrestre, la Maison Blanche mentionne toujours la Syrie, alors même que le gros des forces d’ISIS se trouve toujours en Irak. Nous pouvons donc y voir une tentative d’Obama pour réaliser les projets US de renverser le régime de Bachar-al-Assad sous le prétexte de lutter contre les islamistes, spécialement parce que dans « l’option syrienne », les américains pourront compter sur le fait qu’une opération terrestre sera majoritairement composée de troupes turques et saoudites, qui se préparent activement pour un tel scénario.

De plus, une analyse de la situation politico-militaire en Syrie montre que les principaux combats entre le gouvernement et l’opposition armée ont eu lieu durant le mois d’octobre et début novembre sur quatre fronts : dans la banlieue de Damas, dans les régions de Quneitra et Deraa au sud du pays, dans la région d’Hama au nord, et dans la région d’Alepp. Les troupes gouvernementales ont beaucoup de difficultés à soutenir des batailles simultanées sur différents fronts. Cela est dû à des pertes humaines importantes durant les trois années de la guerre civile aussi bien qu’à des pertes en matériel importantes. Au début du conflit, l’armée syrienne comptait 320 000 soldats, elle n’en compte plus que 175 000. Les 140 000 personnels perdus comprennent les morts, les blessés, et les déserteurs. De plus, toutes les unités de l’armée n’ont pas été engagées. Une partie significative est utilisée pour garder les frontières avec la Turquie et Israël et pour tenir les zones arrières. Il y a également 120 000 soldats des forces nationales d’auto-défenses engagés aux côtés des troupes régulières, mais leurs capacités militaires sont limitées.

Les troupes régulières ont cependant obtenu des succès significatifs dans la banlieue de Damas mais ont échoué à repousser les islamistes dans la province d’Idlib. En outre, le 27 octobre, les militants de « l’état islamique » ont réussi à s’introduire dans la ville et à s’en assurer le contrôle des deux tiers. Elle est devenue la seconde plus grande ville de Syrie, après Raqqa, à tomber aux mains des djihadistes. La ville a une population de 200 000 habitants et est située entre Alepp et la côte méditerranéenne. De manière générale, ni les forces gouvernementales ni l’opposition armée n’ont les capacités pour faire basculer la situation militaire en leur faveur, ce qui ouvre la voie à des forces ouvertement extrémistes comme ISIS.

Le chef de guerre pro-saoudien Zahran Alloush est actuellement activement promu par ses sponsors comme un candidat islamiste « modéré » afin de prendre la tête de l’opposition armée, et ce en dépit du fait qu’il ne collabore pas uniquement avec le groupe terroriste « Front-Al-Nosra», mais qu’il se distingue aussi par son engagement dans le salafisme radical. Typiquement, dans les batailles contre les troupes gouvernementales, les moudjahidines de la faction dite « modérée » « Harakat al-Hazm », sponsorisée par Washington et qui a reçu au printemps de cette année des missiles anti-char des services secrets américains, ont combattu aux côtés des djihadistes de « Jaish al-Muhajireen » sous le commandement du chef tchétchène Omar al-Shishani, qui a prêté allégeance à Al-Qaïda.

Lorsque le « Front-Al-Nosra » a capturé un certain nombre de régions dans la province d’Idlib et s’est rapproché de la frontière turque, parmi les 5000 hommes de « l’opposition syrienne armée modérée » envoyés pour lui faire face, certains ont rejoint ses rangs et d’autres ont gagné la Turquie, ce qui a constitué un nouvel échec des états-unis au moyen-orient. Six mois auparavant, Washington avait décidé de créer un nouveau mouvement d’opposition armée « laïc » en Syrie, qui était sensé contrer le pouvoir éclatant des islamistes du « Front-Al-Nosra » et de « l’état islamique ». 500 millions de dollars US ont été alloués dans ce but, et la majeur partie de cet argent a été effectivement dépensé. Après la reddition de cette nouvelle faction militaire à Idlib il est devenu clair que toute l’opération était un échec.

Comme vous le savez, en août de cette année, les états-unis, la Turquie, l’Arabie Saoudite et la Jordanie, ont mis en place plusieurs camps d’entraînement en Turquie destinés à la formation de nouveaux groupes armés. Les grandes lignes de la stratégie poursuivie sont claires : donner un nouvel élan militaire à l’opposition syrienne avec des milices contrôlées par Riyad et Ankara.

Si la Turquie était à la manœuvre derrière l’ancienne « armée syrienne libre » maintenant disparue, les saoudiens disposent toujours du « Front-Al-Nosra » qu’ils ont créé. La prise de contrôle de la frontière dans la région d’Idlib s’inscrit dans ce schéma en permettant la création d’un corridor destiné à la reconstitution logistique de ces unités de l’opposition. Elles peuvent agir avec le soutien aérien de plusieurs hélicoptères pris à l’armée régulière syrienne. En réalité ces hélicoptères serviront de plus en plus de couverture aux avions de combat de l’Arabie Saoudite de la Turquie et des Emirats Arabes Unis qui coordonnent les opérations aériennes depuis une de leur base en Turquie.

Il n’y a donc rien d’inattendu dans la capture de cette région frontalière par les islamistes. Les saoudiens poursuivent leurs objectifs. La CIA, avec l’aide des services secrets jordaniens, prépare activement la renaissance du groupe islamique « Junud al-Sham », en le convertissant en force militaire indépendante, qui est maintenant composé de volontaires jordaniens dont la plupart sont d’anciens soldats de l’armée nationale jordanienne.

Washington, malgré sa rhétorique anti-islamique, travaille activement dans le même sens que les saoudiens. La phase préparatoire de l’agression contre Assad par les saoudiens et les turques, sous le couvert d’une « nouvelle » opposition syrienne, a bel et bien commencé.


- Source : Alexander Orlov

Commentaires

Envoyer votre commentaire avec :



Fermé

Recherche
Vous aimez notre site ?
(230 K)
Derniers Articles
Articles les plus lus
Loading...
Loading...
Loading...