OTAN : la France n'a aucune raison d'entrer dans le jeu américain
Les 4 et 5 septembre, un sommet de l’OTAN s’est réuni à Newport au pays de Galles. Cette assemblée des États-Unis et de leurs vassaux mérite trois réflexions. D’abord, elle peut être éclairée par un double retour historique. La France commémore la Grande Guerre commencée il y a tout juste un siècle. Le déclin subi par l’Europe, depuis, est hallucinant. En 1914, l’Europe des monarchies et des républiques, c’était l’Europe des empires qui dominaient le monde. Londres était le centre du plus puissant, par son étendue, de Gibraltar à Singapour, du Caire au Cap, de l’Australie au Canada, le plus peuplé avec l’ensemble du sous-continent indien et les régions les plus denses de l’Afrique. La France, même si elle avait collectionné des déserts, était implantée en Afrique du Nord et en Indochine [...]
En 1917, les États-Unis interviennent contre les « Empires centraux » et apportent un soutien décisif à la victoire de la France. Ils jouent un rôle totalement néfaste dans l’établissement de la paix en favorisant l’émiettement de l’Europe au nom du principe des nationalités, qui est la cause principale de la Seconde Guerre. Ils reviendront un quart de siècle plus tard, mais cette fois comme les libérateurs et les protecteurs de l’Europe de l’Ouest. Celle-ci, de maîtresse du monde, passait au rang de protectorat américain.
Il y avait, dans l’Antiquité, au sud du continent européen, une péninsule riche et civilisée, ouverte sur la mer – la Grèce –, divisée en de multiples cités disposant de colonies autour de la Méditerranée. Epuisées par leurs guerres et à la merci des conquérants, elles ont fini sous l’aile protectrice de l’aigle romaine [...]
Il y a, à l’extrémité ouest du continent eurasien, une péninsule prospère et développée, ouverte sur l’océan, qui a dominé le monde. Epuisée par ses guerres, elle aspire à l’unité, mais n’en finit pas de se blottir sous l’aile de l’aigle américaine.
C’est ce que le général de Gaulle, qui voulait être l’allié et non le vassal des États-Unis, refusait. Cette situation humiliante reposait sur un motif évident : la menace soviétique. Elle a disparu mais, curieusement, les États-Unis et certains de leurs pions européens s’acharnent depuis plusieurs années à surévaluer un prétendu danger russe qui justifierait le maintien de l’OTAN, et donc le protectorat américain. Que les Russes soient nostalgiques de leurs « provinces » perdues est compréhensible, d’autant plus qu’elles sont peuplées de nombreux russophones. Comme la France conserve une influence sur un certain nombre de pays d’Afrique, il n’est pas absurde que la Russie souhaite exercer celle-ci sur les anciens pays de l’URSS.
Si l’Europe jouissait d’une véritable indépendance, elle aurait dû rechercher avec la Russie un équilibre. Elle aurait dû tenir les USA à l’écart de ce qui ne les concerne pas. L’Europe n’a aucun intérêt à un conflit armé ou non avec son voisin russe. Ses intérêts économiques demandent, au contraire, des échanges avec la Russie. Celle-ci lui offre des ressources énergétiques indispensables et peut acheter ses produits. Les États-Unis sont à la fois les concurrents et les rivaux de la Russie quand celle-ci est le complément de l’Europe. Que les États-Unis aient une stratégie est une chose. Que l’Europe s’y associe contre ses intérêts en est une autre.
La répétition des menaces et des sanctions à l’encontre de la Russie, la suspension de la livraison des Mistral par la France sous la pression américaine, par exemple, sont contraires à nos intérêts et traduisent une dépendance inacceptable. La France n’a aucune raison de rentrer dans le jeu américain et de sombrer dans les obsessions polonaises ou baltes. Sa participation à une réunion de l’OTAN principalement destinée à organiser la stratégie antirusse est une faute.
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Le danger du terrorisme islamiste devant lequel les Américains qui l’ont fait naître sont bien longs à réagir est infiniment plus grave.
- Source : Christian Vanneste