Plus de gaz russe via l’Ukraine: les experts prévoient une explosion des prix
Journal de l’Empire des Habsbourg : le transit de gaz russe par l’Ukraine en direction de l’Europe a été interrompu comme annoncé aux premières heures du 1er janvier. Alors que le président ukrainien Volodymyr Zelensky parle d’une « défaite pour Poutine », le Premier ministre slovaque Robert Fico règle durement ses comptes avec l’UE: des intérêts géopolitiques insensés se feraient sur le dos de petits Etats, mais nuiraient surtout à l’économie et aux consommateurs privés. La République de Moldavie a déjà déclaré l’état d’urgence. La déchirure à travers l’Europe s’approfondit.
Sur les réseaux sociaux, Zelensky interprète l’arrêt du transit comme une défaite pour Moscou : lorsque Vladimir Poutine est devenu président de la Russie il y a exactement 25 ans, le transit de gaz vers l’Europe via l’Ukraine représentait plus de 130 milliards de mètres cubes par an. Aujourd’hui, il est nul.
Un hiver difficile
Et Zelensky enfonce le clou : il faut surmonter « l’hystérie de certains politiciens européens » qui veulent encore faire des affaires avec Moscou « dans le style mafieux », a déclaré le chef d’Etat ukrainien. Ces propos faisaient probablement référence au chef du gouvernement slovaque Robert Fico, qui a critiqué la démarche de l’Ukraine.
Dans son discours du Nouvel An, Fico a été très dur avec l’UE :
« Nous devons reconnaître que les intérêts nationaux égoïstes de plus grands pays et les intérêts géopolitiques futiles commencent à dominer cette communauté. D’un autre côté, les intérêts des petits pays sont ignorés. Nous voyons que le transit du gaz par l’Ukraine a été stoppé, ce qui aura des conséquences dramatiques pour nous tous dans l’Union européenne – mais pas pour la Russie ».
Comme le Courrier l’a rapporté en novembre, le fournisseur d’énergie autrichien OMV a cessé de payer Gazprom afin de pouvoir se retirer prématurément du contrat de livraison qui court jusqu’en 2040. Cette rocade se fait au détriment de l’économie et des ménages privés. Ces derniers doivent désormais s’attendre à une hausse de 20% ou plus des prix de l’énergie. Un coup dur pour le pays, dont l’économie est en récession pour la deuxième année consécutive et dont l’industrie et l’artisanat dépendent avant tout du gaz naturel bon marché.
Fico a désormais annoncé que la Slovaquie ne fournirait plus d’électricité à l’Ukraine en contrepartie. Son pays est, avec la Moldavie qui a déjà déclaré l’état d’urgence national il y a quelques semaines, le plus touché par l’arrêt des livraisons. La situation de la Hongrie est un peu meilleure : contrairement à la Slovaquie, elle achète la majeure partie de ses importations de gaz russe via le gazoduc TurkStream et a pour cette raison renouvelé ses contrats de livraison avec la Russie en octobre dernier.
L’Ukraine espère le gaz américain
A Bruxelles, on entend dire que la fin de l’accord de transit n’entraînerait toutefois pas une nouvelle spirale des prix comme en 2022, car les quantités restantes sont faibles. La Russie a transporté environ 15 milliards de mètres cubes de gaz via l’Ukraine en 2023, soit seulement huit pour cent des livraisons de gaz russes de pointe à l’Europe via différents itinéraires en 2018-2019. Les lobbyistes de l’énergie rétorquent que toute pénurie de l’offre a un impact sur les marchés et donc sur les prix.
Tout cela ne semble guère impressionner l’Ukraine.
« Nous avons stoppé le transit du gaz russe, c’est un événement historique. La Russie perd des marchés, elle va subir des pertes financières. L’Europe a déjà pris la décision de rejeter le gaz russe. Et l’initiative européenne Repower EU prévoit exactement ce que l’Ukraine a fait aujourd’hui »
, a déclaré le ministre de l’énergie Herman Galouchtchenko.
Zelensky espère désormais que les livraisons de gaz américain vers l’Europe augmenteront, comme l’a annoncé le futur président Donald Trump. D’autre part, l’Ukraine a reçu 6,2 milliards de dollars de droits de transit de la Russie pendant la durée du contrat de cinq ans avec Gazprom.
Ce manque à gagner pour l’Ukraine, dont la faillite n’est plus retardée que par des restructurations de dettes de BlackRock et d’autres magnats de la finance, devra désormais également être compensé par des subventions de l’UE et de ses États membres. Les contribuables de pays comme l’Autriche ou la Slovaquie devront ainsi passer plusieurs fois à la caisse : ils devront supporter des prix de l’énergie plus élevés tout en finançant l’État ukrainien. Reste à savoir combien de temps ce jeu pourra se poursuivre sans provoquer de graves distorsions entre les États européens.
- Source : Le Courrier des Stratèges