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Vendredi, 22 Nov. 2024

Disparition de Marie-France Garaud, la dernière souverainiste

Auteur : E&R | Editeur : Walt | Vendredi, 24 Mai 2024 - 14h43

Marie-France Garaud la souvereine, aurait-on pu titrer. Son discours était clair, net, martial, français. Pour son bonheur, et aussi son malheur, elle aura conseillé Chirac, qui choisira une autre voie, celle de l’Union européenne. Ce sera le début des vrais ennuis de la France, avec son dauphin, Nicolas Sarkozy. Car entre Garaud et Sarkozy, il y a tout un monde, toute la différence entre la France d’avant et la France d’après...

Les féministes devraient lui tresser des lauriers !

Dans les années 90, après s’être éloignée d’un RPR devenu plus libéral, moins social, plus européiste en un mot, et donc moins français, elle montrera toute l’étendue de sa lucidité lors d’un débat mémorable avec deux figures du pouvoir profond.

À l’occasion de la disparition de cette grande Française, nous rediffusons un article de 2017 sur ce débat hautement symbolique, qui annonçait la catastrophe nationale que nous connaissons aujourd’hui.

La Rédaction d’E&R

« L’Europe est le bouc émissaire », avance Simone Veil dans ce débat de haute volée sur l’Europe, la monnaie unique et la souveraineté nationale. Il faut dire que les participants ont du poids, à la fois politique et historique : Marie-France Garaud, conseillère de deux présidents de la République (Pompidou et Chirac), Jean-Pierre Chevènement, le socialiste qui virera souverainiste de gauche, Simone Veil, auréolée de son titre de présidente du Parlement européen, et enfin Jacques Attali, ex-conseiller d’un François Mitterrand qui mourra cette année-là, le 8 janvier 1996, après une très longue maladie [1].

« J’entends dire depuis des années que les problèmes français seront réglés par l’Europe », répond Marie-France Garaud, avec son bon sens et sa lucidité habituels. Face à ces arguments tranchants, Simone Veil n’oppose qu’une ironie méprisante. Jacques Attali vole au secours de la grande dame (panthéonisée en 2017) en louvoyant (à 5’26). Selon lui, on ne peut incriminer le traité de Maastricht car il n’est pas encore appliqué (le vote date de 1992) :

« Lorsqu’il le sera, il est évident qu’il y aura une très forte croissance qui en découlera car nous aurons un grand espace économique avec une monnaie unique »

On sait ce qu’il adviendra de la croissance européenne, réduite à la peau de chagrin après l’avènement de l’euro (2002). Chevènement a raison de clouer la mère de l’Europe (et de l’avortement) au pilori en expliquant que la déflation allemande (une politique de rigueur) toucherait la France de plein fouet. Où l’on comprend que l’Union européenne et son grand marché auront servi d’acide pour diluer les souverainetés européennes, et principalement française, celle qui pouvait faire obstacle à la marche du mondialisme économico-politique germano-américain.

Une émission hautement symbolique, chargée de sens et de menaces. Déjà, Attali parlait du poids écrasant de la « dette », comme une corde au cou des Français, sans préciser qui tirait dessus... Chacun sait désormais le changement de paradigme qui a eu lieu en 1973, avec la loi Pompidou-Rothschild. Tout le mensonge de l’Europe comme « solution » aux problèmes français nous saute au visage. Et ceux qui la défendent apparaissent, avec le décalage de 20 ans, comme des menteurs invétérés ou des optimistes béats, autrement dit des imbéciles heureux. Or qui va croire que Simone Veil et Jacques Attali sont des imbéciles, heureux ou pas ?

Par exemple, l’argument de Veil (à 6’11) que la France est devenue « une puissance industrielle incontestable » grâce à la pression du traité de Rome (1957) se retourne contre elle : c’est bien le traité de Maastricht (1992) qui va achever la désindustrialisation de la France. L’intervention de Chevènement (à 6’44) est d’une acuité étonnante pour l’époque :

« Est-ce que le Général de Gaulle aurait accepté une Europe qui se fait comme aujourd’hui sur le modèle allemand, avec une Banque centrale européenne... Est-ce qu’il ne s’agit pas de faire une monnaie unique aussi forte que le Mark ? »

« Mais non, mais non, mais non », ne trouve qu’à répondre Simone Veil. L’intervention d’Attali est spectaculaire dans le genre inversion accusatoire, paradoxe tordu ou construction amphigourique (à 7’09) :

« La question est la suivante, soit nous aurons une Europe allemande parce que nous n’aurons pas de monnaie unique et la monnaie unique sera le Mark, et la France deviendra irréversiblement une colonie allemande, soit nous faisons une monnaie unique et nous aurons à ce moment-là une monaie qui ne sera pas le Mark... »

À la lumière des événements qui se dérouleront 20 ans après ce débat, se dessinent deux esprits éclairants face à deux esprits obscurcissants. Ainsi, Chevènement assène-t-il aux deux embrouilleurs (à 11’16) :

« La construction européenne qui a été imaginée enchaîne la France à un modèle qui n’est pas du tout celui d’une Europe européenne car l’Allemagne, pour toutes sortes de raisons, économiques, militaires, historiques, est tournée vers les États-Unis ; autrement dit on fait de l’Europe la succursale des États-Unis et on le fait de manière d’autant plus irréversible qu’on asservit la France à un modèle allemand qui est celui d’une Banque centrale indépendante qui ne laisse place à la politique que comme à une sorte d’indice technique... »

Et dans l’intervention de Chevènement, il y a tout le destin funeste de la gauche socialiste qui trahira son peuple (de gauche) pour une Europe économiquement conservatrice, c’est-à-dire libérale. Un grand moment d’intelligence et de contre-intelligence. Toutes les prévisions et promesses de Veil mais surtout d’Attali se sont depuis fracassées sur le mur du réel. Vu de 2017, un double discours embobineur, qui vendra à une France naïve des lendemains européens qui chantent. Les lendemains qui chantent, nous y sommes, avec un chômage massif, une invasion migratoire voulue par l’UE, et les mêmes continuent à nous infliger des directives au présent pour un futur « meilleur »...

Le mot remarquable à Jacques Attali, qui fera sursauter Marie-France Garaud : la défense est « une dépense de prestige ». Dans cette expression éclate le désir d’extinction de la souveraineté française, puisque c’est la seule qui nous reste 20 ans plus tard... Garaud renverra (à 19’02) la balle dans ce double mixte à Veil avec un terrible :

« Il y a un projet allemand parfaitement cohérent, parfaitement légitime pour l’Allemagne, et nous endossons ce projet en faisant une sorte de Terre promise de l’union monétaire, de la monnaie unique et autres qui nous fait avaler les plaies actuelles, car bien entendu ce sont des plaies ! »

L’Union européenne, sous l’impulsion de ses promoteurs intéressés, aura donc bien servi à dissoudre la France, sous prétexte de la sauver.

Le débat, animé par Michèle Cotta :

Notes:

[1] Jacques Attali n’y est évidemment pour rien.

***

Décès de Marie-France Garaud, fervente défenseure de la souveraineté française

Nous avons appris avec tristesse le décès de Marie-France Garaud, survenu mercredi à son domicile de Saint-Pompain, à l'âge de 90 ans. Conseillère influente de Georges Pompidou et de Jacques Chirac, elle a marqué de son empreinte la vie politique française de la Ve République.

Avec le décès de Marie-France Garaud, la France perd une grande femme d’État, une souverainiste convaincue et une gaulliste authentique.

Marie-France Garaud, une gaulliste authentique

Celle qui préférait se définir comme « une femme qui a connu le gaullisme » plutôt que de s’auto-proclamer gaulliste, a été l’une des premières à se battre pour préserver l’héritage politique du général de Gaulle. Rédactrice de l’appel de Cochin en 1978, elle a été une figure de prouesses du RPR (Rassemblement pour la République) et a contribué à sa création aux côtés de Jacques Chirac. Sa vision d’une Europe des nations, respectueuse des peuples, est plus que jamais d’actualité, et son héritage politique demeurera. 

Une femme d’État et une souverainiste convaincue

Marie-France Garaud a été l’une des femmes les plus puissantes de la République. Conseillère du président Pompidou et du Premier ministre Chirac, elle a toujours défendu avec ardeur la souveraineté française. « C’est le président de la République qui est garant de la souveraineté française. S’il pense qu’il ne faut plus la garantir, il vaut mieux qu’il démissionne », déclarait-elle. Elle n’a eu de cesse de dénoncer les atteintes à la souveraineté nationale, comme en témoigne sa prise de position sur le référendum de 2005 sur la Constitution européenne, qu’elle qualifiait de « forfaiture » lorsque le texte rejeté par les Français a été adopté par le Parlement en 2008.

Une femme de caractère et de culture

Marie-France Garaud était une femme impressionnante, tant par son parcours que par la richesse de ses analyses. Elle était profondément attachée à la France, à son indépendance et à sa grandeur. Elle a laissé derrière elle des phrases marquantes, comme celle qu’elle a écrite pour le discours de Chirac à l’occasion de la création du RPR : « L’appel que je lance n’est que l’écho de l’éternel appel des nations qui ne veulent pas mourir ». 

par Yoann - Le Média en 4-4-2


- Source : E&R

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