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Jeudi, 26 Déc. 2024

La «conscience» du représentant permanent d’Israël selon Lavrov, c’est aussi crédible que la «neutralité» de la Suisse

Auteur : Histoire et Société | Editeur : Walt | Lundi, 29 Janv. 2024 - 10h01

Traditionnellement la Russie de Poutine a des relations «équilibrées» avec Israël, mais nous n’en sommes plus désormais à des échanges à fleuret moucheté, quand le représentant permanent d’Israël à l’ONU a accusé la Russie d’entretenir des relations plus étroites avec l’Iran, Lavrov ne s’est pas privé de lui dire ce qu’il pensait de telles accusations. Dans la foulée, Lavrov a souligné l’absence de crédibilité de «négociations» de paix qui se feraient en prétendant ignorer la Russie, dans un pays qui applique des sanctions qui n’ont pas de fondement en droit international. (Note de Danielle Bleitrach pour histoire et société)

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Votre conscience est capable de supporter beaucoup de choses

C’est ce que Lavrov a sèchement répondu au représentant permanent d’Israël pour ses reproches au Conseil de sécurité de l’ONU.

En discutant du règlement du conflit israélo-palestinien, le chef du ministère russe des Affaires étrangères a répondu à l’attaque du représentant permanent israélien Gilad Erdan selon laquelle la Russie utiliserait des armes iraniennes en Ukraine. Lavrov a qualifié ces accusations de langue de bois et a appelé à se concentrer sur la discussion de la situation dans la bande de Gaza.

«Certaines délégations ont trouvé qu’il était possible de répéter comme une novlangue apprise par cœur les accusations contre la Russie en relation avec l’opération militaire spéciale contre le régime nazi de Kiev alors même que les dirigeants israéliens savent très bien à qui ils ont affaire et à quel point ce qui se passe en Ukraine et dans le Donbass passe par la toute-puissance des forces bandéristes capables de faire échouer les négociations en assassinant un des négociateurs ukrainiens sur diktat des USA.

Chers collègues, je laisse ces déclarations à votre conscience, même si je comprends qu’elle en sera très éprouvée», a répondu Lavrov ironiquement.

Le ministre a également noté que la décision de l’ONU sur la création d’un État palestinien ne peut pas être enterrée, comme l’ont été les accords de Minsk de 2015 approuvés à l’unanimité par ce Conseil. Ces actions criminelles ne devraient pas être autorisées contre les Palestiniens.

Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov rejette les bons offices helvétiques

Le ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov a infligé un camouflet à Ignazio Cassis et au Conseil fédéral mercredi lors d’une conférence de presse à l’ONU. Il a remis en cause la neutralité de la Suisse, notamment en raison des sanctions prises par Berne contre la Russie.

Mardi, Sergueï Lavrov avait rencontré Ignazio Cassis à New York. Le conseiller fédéral lui avait alors proposé ses services de médiateur pour discuter de la tenue d’un Sommet pour la paix en Ukraine à Genève.

C’est le président ukrainien Volodymyr Zelensky qui est à l’origine de cette idée. Il l’avait soumise au chef de la diplomatie suisse lors de sa visite à Berne il y a dix jours. Pour Ignazio Cassis, cette rencontre doit toutefois obligatoirement se faire avec la Russie.

Mais Sergueï Lavrov a adressé une fin de non-recevoir à la Suisse, doutant de sa neutralité et la soupçonnant même de «russophobie». «J’ai rencontré le ministre des Affaires étrangères suisse. Il essayait de me convaincre qu’ils pouvaient faire comme avant, qu’ils peuvent être des médiateurs dans n’importe quel processus. Et j’ai essayé de leur expliquer que le médiateur devait être impartial et neutre», a indiqué le chef de la diplomatie russe.

«Pas une surprise»

Cette réaction de la Russie ne surprend pas outre mesure à Berne. «La Russie avait déjà qualifié la Suisse comme étant dans le camp occidental, proche des Ukrainiens», écrit Nicolas Bideau, le chef de la communication du Département fédéral des affaires étrangères, à la RTS. «Ce qui nous intéressait, c’était d’entendre la Russie, et Sergueï Lavrov notamment, sur sa perception d’une voie possible vers la paix. Et ça a eu lieu», poursuit le porte-parole.

Selon lui, ce n’est pas un échec non plus pour la Suisse. «On s’est engagé à faire une analyse et donc à écouter la Russie, écouter aussi les grands pays des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). (…) Ce qui nous importe, c’est de faire un bilan pour voir quelles sont les voies possibles vers la paix. C’est à cela que l’on s’est engagé auprès de l’Ukraine».

Des discussions sont prévues prochainement en ce sens avec l’Inde, la Chine ainsi que le Brésil. «On va aller le plus vite possible, mais il faut construire quelque chose qui tienne la route», note encore le porte-parole du DFAE.

La neutralité mise en doute

La semaine dernière, Moscou avait déjà rejeté le scénario d’un Sommet mondial de la paix en Ukraine. Aux yeux de Moscou, Berne a pris fait et cause pour l’Ukraine, car depuis le début du conflit en février 2022, la Suisse a repris à son compte les différents régimes de sanctions contre la Russie.

Berne est «du côté du droit», avait rétorqué de son côté la présidente de la Confédération Viola Amherd après ces reproches. «La Russie ne sera probablement pas présente, mais nous cherchons la discussion avec tous les autres», a aussi affirmé la Valaisanne à la Schweiz am Wochenende parue samedi.

«La Suisse parle avec tout le monde. On m’a signalé à plusieurs reprises ces derniers jours à quel point c’est important et à quel point tout le monde est content que quelqu’un puisse parler avec tout le monde. Les canaux de communication existent et ils sont ouverts», avait conclu Viola Amherd.

Une annonce prématurée, selon Micheline Calmy-Rey

Interrogée jeudi soir dans Forum, l’ancienne ministre des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey confirme qu’un éventuel Sommet pour la paix est «absolument impensable» sans la Russie. Et qu’il était peut-être un peu trop tôt pour faire de grandes annonces, ce que Moscou a parfaitement su exploiter pour nourrir sa ligne diplomatique.

Ignazio Cassis a été un peu téméraire de se jeter ainsi dans les bras de Sergueï Lavrov.

«Ignazio Cassis a été un peu téméraire de se jeter ainsi dans les bras de Sergueï Lavrov qui, en diplomate chevronné, ne s’est pas privé d’exploiter la situation au maximum», sourit-elle. «Sergueï Lavrov est un diplomate qui connaît très bien la position de la Suisse et il sait très bien que la Suisse est restée neutre, même en appliquant les sanctions économiques», poursuit-elle. «On applique des sanctions économiques depuis les années 1990 quand elles sont décidées par les Nations unies». La Russie a donc joué «un peu un coup de théâtre. Et le jeu n’est pas fini, il commence», estime la Genevoise.

 

Selon Micheline Calmy-Rey, la Suisse n’a pas tort de vouloir organiser une éventuelle conférence pour la paix avec la Russie. Plutôt qu’un problème d’interlocuteur, elle identifie ainsi plutôt une erreur de temporalité dans ces annonces, même s’il était «difficile de faire autrement» dans cette situation.

Car cette possible conférence, ou sommet, s’inscrit dans une série de rendez-vous diplomatiques publics, qui ont été largement commentés par les médias. Or, habituellement, ces processus se font dans la confidentialité. «On a dû adapter la méthode et faire les choses un peu à l’envers», observe celle qui a longtemps dirigé la diplomatie helvétique.

Procéder par étapes

La diplomatique helvétique garde donc ses chances de pouvoir jouer un rôle dans ce conflit, estime-t-elle, mais la route est longue et elle devra procéder par étapes. «Si la Suisse veut jouer un autre rôle que celui d’hôtelier, si elle veut vraiment participer au menu des discussions, elle doit essayer d’attirer le plus possible d’États dans la préparation de ce sommet, et notamment des États qui sont proches de la Russie ou qui ont son oreille».

Il reste donc un «immense travail à faire» avant que la Russie puisse éventuellement accepter la Suisse comme médiatrice, souligne-t-elle, précisant encore que Berne ne sera, dans tous les cas, pas seule sur le dossier. «Et en diplomatie, une position de médiation n’est jamais acquise», prévient encore Micheline Calmy-Rey.


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