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Vendredi, 29 Nov. 2024

La guerre des Civilisations et le Terrorisme relèvent de la même mystification

Auteur : Mohamed Belhoucine | Editeur : Walt | Lundi, 20 Nov. 2023 - 18h15

«L’occident, dans sa forme contemporaine, représente un phénomène antichrétien, sans aucun lien avec les valeurs du christianisme ou l’adhésion à la croix chrétienne. Il est essentiel de reconnaitre que lorsque le monde islamique s’oppose à l’occident, il ne s’engage pas dans un conflit avec la civilisation du Christ, mais plutôt avec une civilisation antichrétienne, que l’on peut qualifier de civilisation de l’Antéchrist». (Alexandre Douguine)

Le terrorisme est un concept inventé par Huntington, entretenu et alimenté par les puissances impérialistes, un alibi pour créer l’État d’exception au but de se dispenser du droit pour ériger des sociétés totalitaires et liberticides étant donné que tous les ingrédients propices à une recrudescence des violences politiques sont réunis en occident pour venir alimenter un climat de haine et de persécution au sein des populations autochtones et allochtones. Ni le tribunal international ni le concert des Nations unies ne s’entendent sur une définition arrêtée de ce qu’est le «terrorisme». La seule définition qui nous échoie est que le terrorisme est un crime organisé par des États occidentaux défaillants qui ne cessent d’exiger des sacrifices de la part de leurs concitoyens sans même être en mesure en échange d’assurer leurs missions régaliennes.

La guerre des civilisations est une mystification pour occulter l’hégémonie impérialiste, trame cachée du capitalisme mondial et de son nouveau système de valeurs transhumanistes, perverses et dépravées.

Act 1

En 1975, Michel Crozier publie avec le japonais Jojji Watanuki et le fameux Samuel Huntington, un ouvrage pour le compte de la commission trilatérale sur la «crise de la démocratie» [Michel Crozier, Samuel Huttington, Joji Watanuki, The crisis of democracy, New York, University Press,1975]. Michel Crozier était directeur de la chaire sciences des organisations à l’EPHSS (1978-1979) sera rejeté de partout comme un semeur de vent sur l’analyse du phénomène bureaucratique, pour qu’ensuite les analystes reviennent aux fondamentaux de Weber, Schumpeter, Drucker et Mintzef.

La commission trilatérale a été lancée par David Rockefeller en 1973, dotée d’un prodigieux budget pour l’époque, sa mission est de porter une guerre idéologique ininterrompue contre les forces progressistes dans le monde, en ayant recours aux coups d’État violents et aux assassinats de progressistes (le coup d’État contre le président socialiste Allende au Chili le 11 septembre 1973 a été choisi comme premier laboratoire pour expérimenter les politiques monétaristes néolibérales de l’école de Chicago de M. Friedman) pour protéger les intérêts des multinationales et d’éclairer par ses analyses les décisions des dirigeants occidentaux capitalistes. La trilatérale a taillé le chemin aux Chicago boys formés par l’école monétariste sioniste de Milton Friedman et aux straussiens juifs néoconservateurs (Léo Strauss à la même époque, dans la même université de Chicago professait de simagrées théories en jetant les bases d’une pseudo légitimité du suprémacisme juif et de son corolaire le transhumanisme, théories reprises récemment par le jeune nervis sioniste l’israélien Yuval Noah Hararé). À l’image des rois philosophes de la cité platonicienne contemplant le monde des idées pour insuffler leur sagesse transcendante dans la gestion des affaires terrestres, l’élite rassemblée au sein de cette institution fort peu démocratique ­- et que la démocratie inquiète dès lors que des groupes des travailleurs et de couleurs autrefois silencieux s’en mêlent – va s’employer à définir les critères d’une «bonne gouvernance» internationale que nos économistes ont mimé croyant qu’il n’y avait pas d’alternative au néolibéralisme faute de production théorique (imputable à l’absence d’une doctrine algérienne). Cet idéal platonicien d’ordre et de supervision, était assuré par une classe privilégiée de technocrates qui place son expertise et son expérience au-dessus des revendications profanes des simples citoyens.

La démocratie, expliquent-ils (Huntington, Watanuki et Crozier), doit être tempérée par l’autorité, et il faut empêcher que certains segments de la population ne participent trop activement à la vie politique ou ne demandent trop à l’État. Donc l’habileté de Huntington a été prémonitoire (Crozier et Watanuki ont joué le rôle d’estafettes), a consisté à anticiper les besoins du souverain et à fournir un guide anti-démocratique liberticide pour les «révolutions néolibérales» reaganienne et thatchérienne avant qu’elles ne débutent (à l’orée début des années 80).

J’ai toujours conservé le livre chez moi et mon mémoire (à l’époque je suivais les séminaires ténébreux de Crozier à Dauphine, dont le contenu était basé sur des anecdotes et des données collectées sur le terrain sans soubassement théorique clair), d’après le diagnostic qu’il porte, la «démocratie» américaine est menacée depuis les années 1960 par une trop grande participation et par de trop nombreuses revendications émanant des instances ouvrières et des groupes sociaux nouvellement mobilisés comme les femmes ou les Afro-américains.

La démocratie américaine, affirme-il dans un paradoxe, «souffre de trop de démocratie, ce qui est à l’origine d’un dysfonctionnement de démocratie». Sachant qu’un tel raisonnement contradictoire n’ait eu de sens que pendant la guerre froide, lorsque la domination sociale du capitalisme (prédite par Adam Smith, avant Marx), quelque fût sa forme politique, était immédiatement considérée comme «démocratique» face à la menace du «totalitarisme» soviétique.

En réalité, avec le recul du temps, j’ai constaté que le texte de Huntington est un évangile et une croisade anti-démocratique qui prêche la défense de la souveraineté du capitalisme occidental contre les menaces qu’incarnent toute force sociale ou tout mouvement social ou tout choix souverain de pays non alignés. Mon analyse est la suivante à la lecture de l’ouvrage (contenue dans mon mémoire) : en réalité, ce dont Huntington a le plus peur, bien entendu – et c’est là le ressort central de son argument – de l’émergence de la démocratie absolue (extrême gauche, Hardt, Toni Negri, etc.), c’est-à-dire le gouvernement de tous par tous et pour tous.

La démocratie, explique-t-il, doit être tempéré par l’autorité, et il faut empêcher que certains segments de la population ne participent trop activement à la vie politique ou ne demandent trop à l’État. Au cours des années suivantes, l’Évangile selon Huntington a en réalité servi de guide à la destruction néolibérale de l’État-providence et à ses modes distributives. C’est à partir de là que Samuel Huntington a réussi à obtenir l’attention du souverain et de tout l’establishment des multinationales capitalistes, une consécration occidentale, il sera invité de partout et de toutes les universités, jusqu’au début des années 90 date à laquelle, les théories de Huntington ont tiré leurs révérences.

Acte 2

Dix-huit ans plus tard, en 1993, Huntington susurre à nouveau à l’oreille du souverain et publie son ouvrage sur le choc des civilisations («The Clash of Civilisation ?», Foreign, été 1993), que nous avons lu avec grand intérêt et assiduité.

Par rapport à l’acte 1, les besoins du pouvoir capitaliste – impérialiste ont changé, et ses conseils aussi. L’aspect positif de la guerre froide (1945-1989) c’est qu’elle représentait un principe stable qui permettait d’organiser les États-nations en alliés et en ennemis (Carl Schmitt), et de définir un ordre et un équilibre de la terreur globale.

Samuel Huntington et les Thinks Tanks américains et atlantistes ont compris qu’avec la fin de la guerre froide (1989) et le déclin de la souveraineté des États (Seule la Force prime le Droit), les principes permettant de configurer l’ordre global, de déployer et de légitimer la violence nécessaire à son maintien viennent à manquer (disparition du «bâton nucléaire soviétique», démantèlement de l’URSS en somme la cessation de l’équilibre de la terreur, de la dissuasion et de la destruction mutuelle assurée).

Après la chute de l’URSS, le conseil de Huntington consiste à dire que les axes de l’ordre global et des conflits planétaires ainsi que les blocs qui rassemblent les États-nations en camp alliés et ennemis doivent être définis non plus en termes «idéologiques» [Capitalisme contre le Communisme] critères de vraie politique au sens «le politique», mais plutôt en termes de «civilisations», c’est-à-dire la disparition du le «politique» pour revenir à la foi religieuse et à la morale (des catégories métapolitiques fascistes, comme je l’ai expliqué dans un précédent article) !

Il a fait resurgir en gros les idées essentialistes (essentialiser les «races» et les «religions» (non comme mode spirituel) mais comme moteurs de l’Histoire), de la vieille taupe réactionnaire d’Oswald Spengler d’un ouvrage que ce dernier a publié en 1915, «Le déclin de l’Occident». Je me rappelle à la lecture des revues spécialisées de l’époque (1990), les chercheurs pointus et rigoureux ne voyaient pas très bien ce que peuvent recouvrir ces identités historiques bizarres appelées «civilisations» et dont Thucydide et Arnold Toynbee nous ont averti du mauvais, désespéré et injuste usage que peuvent faire certaines civilisations en agonie ou en déclin. Huntington n’a quant à lui aucune honte ou difficulté à les définir sur une base raciale et religieuse, comme il en ressort de la lecture de son ouvrage.

Si je maintiens mon raisonnement, le caractère général d’un tel critère de classification, c’est qu’il veut subordonner la «science politique» à la tactique «Morale», et, dans ce cas, la notion de civilisation sera prisonnière d’un découpage de la carte géopolitique selon des principes moraux (catégories politiques protofascistes) et non politique ! (Ma conclusion fut corroborée par le meilleur analyste de l’époque, le juif polonais progressiste antisioniste, Ignacy Sachs (1927-2023)).

Et c’est toutes les rationalités, que j’ai apprises, de la science politique, de l’anthropologie et de la science historique qui vont voler en éclats.

Le tour acrobatique de Huntington, au fil de la lecture, se faisait plus claire, en invoquant le fantôme des civilisations, il trouve en elles le grand schéma de Carl Schmitt, sur la division fondamentale en politique ami-ennemi (il a très mal lu Schmitt qui visait à travers son concept discriminant à ôter au néolibéralisme tout caractère démocratique par son refus de toute alternative). Idée qui sera reprise dans les années 2010 par le sioniste israélien Yuval Noah Harari avec enthousiasme, un théoricien du Great Reset et de la dérive pathologique comme norme de l’inclinaison humaine vers une existence post-humaine en invoquant le transhumanisme comme unique échappatoire à la crise du capitalisme et du néolibéralisme (Voir Yuval Noah Harari et ses 2 principaux ouvrages, ‘’Homo Sapien’’ (2011), ‘’ Homo Deus’’ (2017)).

Ceux qui appartiennent à notre civilisation sont nos amis ; les autres civilisations sont celles de nos ennemis. On voit le paradigme pauvrement spectral classique américain, blanc ou noir. Ce que je relève de ma lecture de Spinoza, m’a beaucoup aidé à déconstruire ce raisonnement, il a correctement nommé «superstition» cette invocation d’ennemis et de peurs, et il savait qu’une telle superstition mène toujours à la pire des barbaries, la guerre perpétuelle et à son cortège de dévastations (Le génocide des palestiniens nous le vivons en Live).

En 1975 («The crisis of democracy», New York, University Press, New York, 1975), l’habileté de Huntington a consisté à anticiper les besoins du souverain et à fournir le guide anti-démocratique des révolutions reaganienne et thatchérienne avant qu’elles ne débutent.

De façon analogue 18 ans plus tard, la thèse de Huntington de l’été 1993 («The Clash of Civilisation ?», Foreign, juillet 1993), le choc des civilisations a précédé le 11 septembre 2001, à vrai dire n’était qu’une relique de la guerre contre le terrorisme. Un concept inventé par Huntington pour se dispenser du droit, créer un État d’exception, lit principal des sociétés totalitaires et liberticides. Le conflit des civilisations sera repris par les médias et les principaux pouvoirs politiques occidentaux, un concept porteur vis-à-vis de l’opinion occidental pour justifier l’invasion de l’Irak et de l’Afghanistan, la plupart du temps sans prendre le soin de se dissocier prudemment d’une telle thèse.

Mais réellement l’hypothèse du choc de civilisation (certains politiques fascistes occidentaux vont plus loin ils parlent de guerre de civilisation, sans avoir jamais lu le livre), n’est pas une description heuristique de l’état du monde actuel, mais plutôt comme une prescription, un véritable appel à la guerre contre l’islam et les pays musulmans, une mission que l’«Occident» chrétien se doit de réaliser (discours implicite durant la 1e guerre du golfe et plus récemment en plus explicite le 8 octobre 2023 (We Stand With You) en encourageant l’agression sioniste contre Gaza où nous avons vu les dirigeants occidentaux accordé leur soutien inconditionnel à l’entité sioniste et défiler un par un à tour de rôle en Palestine occupée).

Mais Huntington va plus loin, dans un passage de son livre : «Dans ma pensée, je ne vise pas à affirmer que le conflit entre civilisation soit désirable. Elle consiste à avancer des hypothèses descriptives de ce à quoi l’avenir pourra rassembler» [op.cité p.135], encore plus loin dans le reste de son ouvrage, Huntington en pure belliciste, fait une série de recommandations stratégiques lorsqu’il suggère de s’unir avec les civilisations amies, de diviser les civilisations ennemies, et ainsi de suite…

Huntington transforme et falsifie la science politique de fond en comble (comme les néoconservateurs strausso khazars aux États-Unis) et les dimensions géographiques et géostratégiques.

Huntington n’a pas compris comme les définit Toynbee, que les civilisations sont primordiales ou spirituelles, voire historiques. Tout simplement. Huntington belliqueux, transforme les civilisations en édits politiques et stratégiques qui doivent produire de véritables corps politiques faisant office d’amis ennemis dans l’état de guerre permanent.
Pour cause, les gouvernements des États-Unis successifs n’ont cessé de répéter avec insistance que leur stratégie en matière de sécurité globale n’avait rien à voir avec un choc de civilisations (même si c’est leur véritable intention) en contradiction avec les intérêts économique d’un monde mondialisé et unipolaire.

Alors une précision s’impose, c’est une nuance qui n’est pas évidente car j’ai mis du temps pour l’expliciter ; surtout il ne faut pas penser, que les dirigeants politiques américains sont devenus angéliques, se font des états d’âme et sont conscients des implications racistes des hypothèses des propositions de Huntington.

Pas du tout, ils s’en foutent comme de l’an 40.

Mais essentiellement parce que la notion de civilisation pour les stratèges américains est trop limitée géo stratégiquement et risque de les desservir totalement pour nourrir leur vision du Capitalisme globale et des guerres secrètes qui l’accompagnent sur l’ensemble des autres grands blocs restant (Syrie, Irak, Palestine occupée, le bloc chinois, le bloc latino-américain, le bloc russe, bloc indien, etc.) sous les nouvelles fausses bannières (falses flags) qui sont les leurs.

Pauvre Huntington discrédité par son souverain, non seulement il n’a pas vu juste, il n’a pas cette qualité rare que seuls les bons physiciens possèdent, celle des lois d’échelles, du sens de la dimension et des ordres de grandeurs.
Huntington pris dans le piège du vieux paradigme de l’ordre mondial ; il cherche à confiner de nouveaux agrégats d’États-nations en leur donnant la forme de civilisations afin de les substituer aux «blocs» de la guerre froide en essentialisant uniquement le bloc musulman, tragique erreur qui lui coûtera sa peau.

Il n’a pas compris que le monde musulman fait partie d’un vaste ensemble de blocs qui sont tous visés par l’impérialisme et en essentialisant le bloc musulman, ce n’était pas rendre service à l’occident impérialiste dans sa vaste boulimie. L’Empire impérialiste est tout sauf débile ! Les vues de l’empire impérialiste sont plus larges. L’humanité entière doit se plier à sa loi et surtout qu’elle ne sache rien sur ses véritables intentions. Dans ce nouveau monde, les civilisations imaginaires du pauvre bougre Huntington, et les frontières qui les séparent ne sont que des obstacles dans la boulimie impérialiste.

Il est difficile de ne pas éprouver une certaine tristesse à la vue du conseiller zélé Huntington qui a perdu les faveurs du souverain et du prince qui se voit éloigné de la cour, et de terminer dans l’oubli, définitivement en 1999 jusqu’à son décès le 24 décembre 2008.

PS : La guerre de 5ème génération (ou guerre secrète), c’est celle que l’impérialisme ne livre pas par lui-même mais qu’il fait livrer dans des pays lointains par des groupes non-étatiques, par procuration (Daech, Takfiriste, EI, etc.) couplée à une guerre médiatique intense au but de provoquer des soulèvements de foules contre leurs dirigeants (Hirak en Algérie), un fac simulé de la guerre froide avec de vraies et de fausses insurrections (les attentats en Europe par le mouvement antiguérilla gladio OTAN commis par exemple au Bataclan à Paris ou à la gare de Bologne en Italie). Dans ce type de guerre, qui s’apparente à un désordre général, le Pentagone et l’OTAN intègrent les médias (écrites et non écrites) dans leur salle d’état-major, en tant qu’unités combattantes. L’usage de vidéos de fiction, avec images de synthèses tournées en studio à Hollywood ou ailleurs à ciel ouvert. Voir la propagande et le montage des vidéos relatives à l’enveloppe de Gaza et à l’hôpital Al-Shifa par l’armée sioniste en Palestine occupée.

L'auteur, Mohamed Belhoucine, est Dr en Physique et DEA en économie du management

envoyé par Amar Djerrad


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