Pourquoi la Russie décime la contre-offensive ukrainienne
L’histoire de la guerre par procuration de la Russie contre l’OTAN – c’est-à-dire l’opération militaire spéciale en Ukraine – marquera le moment où les opérations militaires conventionnelles fondées sur la doctrine établie lors de la Seconde Guerre mondiale auront été dépassées. L’ISR – Renseignement, Surveillance et Reconnaissance – change véritablement la donne et la Russie, et non l’OTAN ou l’Ukraine, apparaît comme l’armée qui a reconnu cette réalité et ajusté ses tactiques en conséquence. L’Occident, en revanche, s’est endormi sur ses lauriers au cours des vingt dernières années parce qu’il a utilisé son ISR, en particulier ses drones, contre des ennemis qui ne pouvaient pas contrer la technologie occidentale ou abattre nos drones.
Il est désormais impossible pour les armées conventionnelles de déplacer des hommes et du matériel sans être détectées. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Soviétiques et les Britanniques ont été très créatifs et efficaces dans les opérations de tromperie, comme la création d’armées fictives, qui ont trompé les Allemands en leur faisant croire qu’une attaque venait d’une direction tout en ne détectant pas la véritable montée en puissance des forces. La localisation des forces ennemies en mouvement ou rassemblées en force reposait uniquement sur la surveillance aérienne à voilure fixe, l’interception limitée des communications cryptées et les sources humaines (c.-à-d. les espions).
Aujourd’hui, les capacités ISR de l’Occident et de la Russie sont comparables à l’œil omniscient de Sauron. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’obscurité et la couverture nuageuse permettaient aux commandants de déplacer leurs forces sans grand risque d’être détectés. Ce n’est plus le cas, en particulier avec la couverture par satellite des territoires contestés. Les optiques des satellites et celles embarquées à bord des aéronefs à voilure fixe – avec ou sans pilote – percent la nuit et les nuages.
Qu’est-ce que cela signifie pour les généraux chargés de préparer et d’exécuter les plans de bataille ? Vous devez partir du principe que vous êtes observés par l’autre camp et prendre des mesures pour atténuer l’influence des différents yeux qui observent vos troupes sur le champ de bataille.
Cela m’amène à la contre-offensive ukrainienne et aux raisons de son échec. L’Ukraine, suivant les conseils des planificateurs de l’OTAN, envoie ses forces à travers des champs ouverts et lourdement minés, sans aucune couverture aérienne. C’est l’équivalent d’une charge banzaï de la Seconde Guerre mondiale menée par des soldats japonais désespérés et à court de munitions. Ils courent vers les positions américaines retranchées en espérant que leur nombre submergera les défenseurs. Ils y parvenaient rarement et subissaient des pertes dévastatrices.
Aujourd’hui, l’Ukraine emploie une tactique similaire. Mais l’Ukraine n’envoie pas 200 000 hommes dans des milliers de chars et de véhicules blindés de transport de troupes dans l’espoir de submerger la capacité de la Russie à tirer suffisamment d’artillerie, de drones, de missiles et de bombes pour stopper l’assaut. Au lieu de cela, elle envoie des unités, peut-être de l’ordre de 2000 hommes, avec quelques chars et véhicules, qui se dispersent face à la tempête de feu russe.
Les vidéos suivantes illustrent la situation désespérée des forces ukrainiennes :
Si vous voulez un point de comparaison, je vous suggère de lire le dernier article de Big Serge «Götterdämmerung à l’Est». La taille et l’ampleur des offensives soviétiques en 1944 et 1945 éclipsent tout ce qui se passe aujourd’hui en Ukraine, mais elles illustrent la puissance des mouvements de troupes à grande échelle soutenus par une artillerie puissante, des milliers de chars et une supériorité aérienne. Ni l’Ukraine ni l’OTAN ne sont capables de faire quoi que ce soit à cette échelle.
La Russie est très prudente lorsqu’il s’agit de révéler publiquement la disposition de ses forces. Cependant, j’ai du mal à croire que les États-Unis et l’OTAN, grâce à leurs moyens de surveillance, n’ont pas une idée assez précise du nombre de troupes déployées par la Russie le long de la ligne de conflit, qui s’étend sur 900 miles. Tout plan d’attaque d’un point fort est un simple problème mathématique : il faut disposer de suffisamment d’hommes et de puissance de feu pour submerger les Russes. Or, nous connaissons la réponse à ce calcul : l’Ukraine manque d’hommes, de chars, de véhicules, d’artillerie, de défense aérienne mobile et d’aviation de combat. Elle n’a pas la puissance nécessaire pour percer toutes les défenses russes, et encore moins la première ligne de défense érigée par le général Sourovikine à l’automne dernier.
Voici donc la question à un milliard de dollars : pourquoi l’Occident n’a-t-il pas encouragé, voire exigé, que l’Ukraine utilise des missiles HIMARS et Storm Shadow pour attaquer ces lignes de défense alors qu’elles étaient en cours de construction ? Je pense que la réponse est simple : l’Ukraine ne disposait pas des outils offensifs nécessaires à une telle mission et, même si ces fournitures avaient été disponibles, il y a de fortes chances que la Russie ait pu contrecarrer ces efforts.
Nous assistons à une faute professionnelle militaire de l’Occident à grande échelle. Les planificateurs de l’OTAN ont-ils vraiment cru à la propagande absurde qui dépeignait l’armée russe comme une armée d’incompétents, décrépite et vieillissante ? Si c’est le cas, l’Occident est en train d’apprendre une très dure leçon et doit maintenant se rendre à l’évidence que le calcul délirant de l’OTAN selon lequel l’Ukraine pourrait briser l’armée russe est un échec total.
Traduction Réseau International