La bombe sociale du projet de loi « France Travail » : contrôler et punir
Le rapport de préfiguration sur la création de « France Travail » et ce qu’il annonce, 15 à 20h d’activité forcée pour les allocataires du RSA, est effrayant. Voici ce qu’on peut en retenir.
Le projet de loi prévoit l’inscription de tous les allocataires du RSA à Pôle Emploi, devenu France Travail, et surtout l’obligation d’effectuer 15 à 20 heures d’insertion par semaine, sous forme de formation, d’atelier CV ou de stage en entreprise.
#DirectAN #QAG ?????
— Olivier Dussopt (@olivierdussopt) May 16, 2023
« Les résultats du RSA en matière d’insertion ne sont pas à la hauteur de ce que nous pouvons espérer. Nous devons faire mieux en renforçant l’accompagnement. »
C’est le sens de #FranceTravail. pic.twitter.com/78i2tJBXIr
Le rapport ne précise pas en quoi consisteront précisément les tâches au sein de ce « parcours intensif » destiné aux personnes « qui en ont besoin ». Ni les critères d’inscription dans ce parcours, ni sa nature ne sont réellement dévoilés.
Une chose est sûre : cela semble complètement discrétionnaire, et aucune règle uniforme ne semble posée, comme le confirmait en avril à France Info le haut-commissaire à l’emploi, Thibaut Guilluy, auteur du rapport de préfiguration.
On ne sait pas encore où ces activités devront se dérouler. Le rapport évoque « les besoins du territoire » ainsi que l’implication des « agences de placement et d’intérim ». Peut-on imaginer que ce travail – non indemnisé – pourra s’effectuer pour le compte d’une agence d’intérim ?
C’est lorsque l’on arrive au registre des sanctions que l’on comprend la nature ultra répressive et profondément anti-pauvre de cette loi. Le rapport de préfiguration propose la création d’un nouveau type de sanction nommée « suspension remobilisation » plus souple, activable par France Travail ou par les conseils départements sans procédure disciplinaire préalable, ce coup de fouet financier pourrait avoir lieu, préconise le rapport :
« avant la signature du contrat d’engagement, si la personne ne se présente pas à ses deux rendez-vous de diagnostic initial sans motif légitime et tout au long du parcours, en cas de détection de la non-tenue des engagements dans le cadre d’un contrôle ».
Auditionné à l’Assemblée nationale, le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a repris le projet de « sanctions remobilisations ».
???????????? Retour en images sur mon déplacement dans l’Aisne, où nous avons présenté notre ambition pour France Travail et l’accompagnement rénové des allocataires du RSA. pic.twitter.com/2ginapd5iG
— Olivier Dussopt (@olivierdussopt) May 13, 2023
Le rapport propose, pour rendre ces sanctions possibles, un contrat d’engagement unique pour tous les allocataires mentionnés précédemment, qu’ils soient chômeurs et donc bénéficiaires de l’Assurance-chômage, ou en Contrat Engagement Jeune, financé par l’État : les pauvres sont désormais tous les mêmes et ils doivent être traités aussi durement. Derrière cette notion de « sanction remobilisation », il y a l’idée que les allocataires sont des gens qui ne fonctionnent qu’à la contrainte et qu’ainsi on les aide, on les « accompagne ».
C’est ne rien comprendre à la très grande pluralité et diversité de situations des allocataires du RSA : maladie d’un proche, envie de changer de vie, incapacité de travail... Une multiplicité de situations dont nous avons recueilli des témoignages.
En regroupant tous les allocataires de prestations sociales dans le même sac, le gouvernement valide l’idée dégueulasse selon laquelle les pauvres sont tous les mêmes. « France Travail » met au même endroit des gens dont les prestations proviennent de problèmes différents.
« France Travail » change la logique de notre protection sociale : nos droits sociaux ne sont plus une assurance collective que nous avons assurée ensemble, par notre travail, pour nous et nos concitoyens, mais des minima fournis par l’État et fortement conditionnés.
Cette aumône qu’on nous distribue et sur laquelle nous perdons collectivement toute maîtrise n’est plus de la solidarité, c’est de la charité venue d’en haut. Cette vision charitable de l’aide sociale imprègne ce projet de loi : pour recevoir de l’aide, nous devons la mériter.
C’est pourquoi le projet de loi « France Travail » comporte un « accompagnement » totalement infantilisant et déresponsabilisant où des organismes vont s’occuper de vous, jusqu’à vous faire travailler gratuitement.
La langue macroniste en la matière est effrayante : le haut commissaire à l’emploi pense que l’activité obligatoire va « rapprocher la personne de l’autonomie par le travail » : qu’est-ce que cela veut dire, au juste ? Que sans travail, on n’est pas autonome ?
Et attention, si vous n’êtes pas sages, « sanction remobilisation » jusqu’à ce que vous courbiez l’échine. Ce projet détruit la solidarité au sein de la société. Il entérine l’idée selon laquelle les pauvres ne veulent pas s’en sortir et qu’il faut forcer à agir.
Ce projet de loi vise à fournir au patronat français une main-d’œuvre docile, « insérée », « adaptée au marché de l’emploi ». Comme la réforme du lycée pro, elle fait des besoins en main-d’œuvre des entreprises l’alpha et l’oméga de l’action publique d’insertion et de formation.
21/ Décryptage et analyse à retrouver en intégralité ci-dessous.
— Nicolas Framont (@NicolasFramont) May 16, 2023
Merci à @megaflemmedsl pour nous avoir guidé dans cette analyse et permis de corriger notre angle initial. Il s'agit bien d'abord d'une loi anti-pauvres.https://t.co/BNM1hytUlF
Le boom du sous-emploi non salarié
France-Travail, Monsieur Dussopt, mais pour quel travail ? La France détient le record d'Europe, presque, pour les créations d'auto-entrepreneurs. Sans droits au chômage, à la retraite, à la santé. Des bouts de boulot : voilà la grande transformation de l'emploi sous Macron. pic.twitter.com/gUFam3iUIj
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