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NSA : la connexion israélienne

Auteur : Gilles Munier | Editeur : Stanislas | Jeudi, 03 Oct. 2013 - 14h24

Le rôle d’Israël dans l’interception et le traitement des conversations téléphoniques et des courriels par la NSA a été passé sous silence jusqu’à ce qu’Edward Snowden révèle le pot aux roses.

Pourquoi le taire ? Narus et Verint, sociétés israélienne spécialisées dans la « surveillance de masse », sont à l’origine du programme PRISM. Elles font partie des start up créées, après leur démobilisation, par les « cyberguerriers » de l’ISNU (Israeli Sigint National Unit), une agence de renseignement militaire israélienne plus connue sous le nom d’Unité combattante 8200 (shmone matayim), et qui servent à l’occasion de sociétés-écrans. L’une d’entre-elles – Payoneer – a, par exemple, délivré les cartes de crédits aux agents du Kidon – le service action du Mossad – qui ont assassiné, le 19 janvier 2010, à Dubaï, le Palestinien Mahmoud al-Mabhouh, un des fondateurs des Brigades Azzedine al-Qassam.

Les Israéliens se servent

Narus, dont le patron, Ori Cohen, ne cachait pas – dans une interview au magazine Fortune en 2001 – ses accointances avec les services secrets israéliens, interceptait les conversations et les courriels en toute simplicité. Encouragée par l’administration Bush, AT&T – principale compagnie de téléphonie étatsunienne – avait mis à disposition de la NSA, à San Francisco, le fameux bureau secret 612A. Cette intrusion illégale, dénoncée en 2003 aux médias par un de ses cadres, n’en a pas moins été renouvelée ses représentations dans les grandes villes étasuniennes.

Verizon, le n°2 de la téléphonie, était traité par Verint, dont le quotidien israélien Haaretz a signalé les liens avec le Mossad. Appartenant à Comverse Network Systems, elle a changé de direction en catastrophe en 2006 quand Jacob « Kobi » Alexander, fondateur du groupe, s’est réfugié en Namibie – pays qui n’a pas de traité d’extradition avec les États-Unis – pour échapper à la justice américaine qui l’accuse de fraudes multiples.

À noter qu’en septembre 2001, Comverse NS avait attiré l’attention du FBI, car il possédait la société israélienne de messagerie électronique Odigo, dont deux employés à Herzliya (banlieue de Tel-Aviv), avaient reçu un courriel les prévenant qu’une attaque terroriste allait bientôt se produire, deux heures avant les attentats contre le World Trade Center. En 2011, « Kobi » Alexander, toujours en Namibie, a proposé au SEC – « Securities and Exchange Commission », organisme fédéral de réglementation et de contrôle des marchés financiers – de verser 46 millions de dollars pour effacer une partie des charges pesant contre lui…

Les métadonnées stockées dans PRISM sont à la disposition du GCHQ (Government Communications Headquarters), service britannique d’espionnage électronique. Jusqu’aux dernières révélations d’Edward Snowden, ancien consultant à la NSA, on se disait que les Israéliens se servaient, autorisés ou non, dans les banques de données. Pas besoin, cette fois, de portes dérobées (backdoors) introduites dans des logiciels, sauf pour prévenir la rétention d’informations ou le cas, improbable, d’un président étasunien décidant de mettre un terme à la coopération USA/Israël en matière de renseignement. Ajoutons que l’implication du Mossad dans le programme américain de surveillance de masse et dans son utilisation est bien plus importante qu’on ne le dit, car c’est Amdocs, leader mondial israélien des logiciels de facturation automatique, qui gère celle d’AT&T et de Verizon …

Au-delà d’Orwell

Le journaliste James Bamford, ancien analyste de la marine américaine, auteur de nombreux livres et articles documentés aux meilleures sources sur la NSA, affirme que « le software pour l’analyse sophistiquée et le siphonage des données que la NSA a développé… a été transmis secrètement à Israël par un employé d’échelon moyen apparemment avec des liens étroits à ce pays ». On en déduit qu’Israël a très certainement un programme d’écoute équivalent à PRISM et que l’Unité 8200 espionne les communications, non seulement dans les pays arabes, mais également en Europe et en Afrique. Les personnes impliquées dans les opérations lui posant le plus de de problèmes, comme Boycott, Désinvestissement, Sanctions (BDS), sont particulièrement visées. Et ce n’est pas tout : qui sait que, depuis peu, un virus nommé Flame – sans doute conçu en Israël, selon la presse informatique – peut « sucer » les carnets d’adresses des téléphones portables et enregistrer les conversations des personnes à proximité ?

Les scandales du Watergate aux États-Unis et des micros du Canard enchaîné en France étaient de la « petite bière » à côté de celui révélé par Edward Snowden. Pour Jameel Jaffer, directeur-adjoint de l’ONG American Civil Liberties Union, le programme PRISM « va au-delà d’Orwell »… et, dirons-nous, en pire : en Israël, la société NICE affirme pouvoir analyser les conversations de 1,5 milliard d’individus, et des chercheurs annoncent pour bientôt des microsystèmes permettant d’intercepter des conversations verbales à très longue distance…

L’Unité israélienne 8200 : un État dans la NSA

Le « lanceur d’alerte » Edward Snowden a remis au Guardian un document classifié prouvant à ceux qui en doutaient encore, que la NSA transmet des interceptions de communications « brutes » à l’Unité israélienne 8200 – qui les siphonnait en douce, de toute façon ! –, violant ainsi non seulement la vie privée de millions de gens dans le monde, mais également les lois protégeant celle des citoyens américains ou des étrangers vivant aux États-Unis. L’accord (Memorandum of understanding) entre les deux services de renseignement daterait de mars 2009 [1].

Selon nous, tout porte à croire que les courriels adressés par le général David Petraeus à Paula Broadwell, sa maitresse, sont parvenus par ce canal au Mossad qui les a fait fuiter dans les médias, provoquant un scandale l’obligeant à démissionner de la direction de la CIA. L’ADL – Anti Diffamation League, lobby pro-israélien connu pour son hyper-agressivité – voulait sa tête depuis qu’il avait déclaré au Sénat que le favoritisme affiché par les États-Unis à l’égard d’Israël renforçait l’anti-américanisme dans le monde et Al-Qaïda au Proche-Orient.

Sur un autre document secret en possession du Guardian, et datant de 2008, l’Unité 8200 est classée par la NSA comme le 3e service de renseignement le plus agressif aux États-Unis. Un fonctionnaire de l’agence y reconnait que les Israéliens sont d’ « extraordinaires partenaires » dans le domaine du renseignement électronique (sigint), mais que les informations leur parvenant dépassent ce que les Américains souhaitent qu’ils aient. La Fisc (Foreign Intelligence Surveillance Court), tribunal secret créé en 1978 par le Comité présidé par le sénateur Franck Church pour surveiller les activités des services de renseignement, n’y peut rien : les liens tissés par la NSA avec Israël sont si étroits qu’il semble impossible de les défaire… si tant est que l’administration américaine le veuille.


- Source : Gilles Munier

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