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Dimanche, 22 Déc. 2024

Bébés à vendre à New York

Auteur : Jennifer Lahl | Editeur : Walt | Samedi, 06 Juin 2020 - 09h50

La législature de l’État de New York a légalisé la GPA (maternité de substitution gestationnelle commerciale) – la location contractuelle d’utérus et l’achat et la vente de nouveau-nés.

Cela a été fait sur l’insistance du gouvernement Andrew Cuomo, qui n’a pas attendu que la crise du coronavirus se résorbe. Il a refusé de débattre du projet de loi en tant que texte législatif autonome. Au lieu de cela, il a enfoui sa proposition de maternité de substitution dans le budget de l’État, qui a été adopté aux petites heures du matin le 3 avril.

La loi de l’État interdit la vente d’organes, mais les femmes peuvent désormais louer leurs utérus pour faire des bénéfices, à condition de survivre à la maternité de substitution. La GPA (maternité de substitution gestationnelle) consiste à féconder une mère porteuse en implantant des embryons créés à partir des ovules de la mère ou d’une donneuse d’ovules pressentie, et du sperme du père ou du donneur de sperme prévu. Les femmes et les nouveau-nés ne survivent pas toujours aux grossesses par GPA, et ceux qui y survivent sont souvent affectés physiquement et psychologiquement.

Par exemple, Brittney Rose Torres et Melissa Cook, qui ont survécu à une maternité de substitution, ont chacune porté des triplés. Pendant leur grossesse, on leur a dit d’avorter deux des trois enfants, et elles ont fait face à des menaces et à la ruine financière pour avoir refusé de le faire. Des clauses d’avortement et de « réduction sélective des foetus » sont systématiquement inscrites dans tous les contrats de maternité de substitution afin de contrôler le produit final, l’enfant. De nombreux foetus meurent au cours du processus de maternité de substitution. Et il est bien documenté dans la littérature médicale qu’une femme enceinte avec des ovules de « donneuses » court un risque très élevé de complications liées à la grossesse, comme la pré-éclampsie, voire la mort. Michelle Reaves et Crystal Wilhite sont mortes en accouchant en tant que mères porteuses, laissant leurs propres enfants sans mère.

Pourtant, New York est maintenant ouverte à l’achat et à la vente de bébés. Les courtiers en maternité de substitution, les avocats et les médecins spécialistes de la fertilité en tireront un profit considérable, tandis que les « mères porteuses » et les « donneuses » d’ovules assumeront tous les risques.

La maternité de substitution altruiste a toujours été légale à New York. Mais la commercialisation de la procédure par Cuomo revient à renverser une décision qui portait la signature de son père, le gouverneur Mario Cuomo, qui avait interdit les contrats de maternité de substitution en 1992. Dans le sillage de la bataille juridique sur l’affaire « Baby M » dans le New Jersey dans les années 1980, Mario Cuomo avait réuni un groupe de travail, qui avait conclu à l’unanimité que la maternité de substitution contractuelle ne pouvait être distinguée de la vente d’enfants et qu’elle leur faisait courir un risque important. Il a également convenu que la maternité de substitution porte atteinte à la dignité des femmes, des enfants et de la reproduction humaine. Le groupe de travail avait rejeté l’idée que le droit d’un parent à une relation avec l’enfant porté dans son propre ventre doive être acheté et vendu ou faire l’objet d’une renonciation irrévocable avant la naissance de l’enfant [1].

Mais les opinions ont changé, surtout depuis que le mariage homosexuel a été légalisé à New York en 2011. Certains des lobbyistes les plus féroces de la maternité de substitution commerciale à New York sont des militants homosexuels. Andrew Cuomo a bénéficié de l’aide d’Andy Cohen, de l’émission « What Happens Live » de Bravo TV. Cohen est un homosexuel qui a un enfant né par le biais d’une mère porteuse. L’auteur du projet de loi est le sénateur Brad Hoylman (D-Greenwich Village), un autre homosexuel qui a des enfants nés par le biais de mères porteuses. La formidable influence politique de la communauté gay – qui présente la maternité de substitution commerciale comme une extension des droits des homosexuels – a changé la façon dont la maternité de substitution est perçue.

En 2017, le groupe de travail a publié un nouveau rapport, qui déclarait :

L’adoption de la loi de 2011 sur l’égalité du mariage dans l’État de New York et la décision de la Cour suprême dans l’affaire Obergefell v. Hodges en 2015 exigent le réexamen des politiques de l’État concernant la maternité de substitution. L’équité doit être un principe moteur si l’on veut que toutes les familles puissent profiter de la possibilité d’accueillir des enfants dans leur famille. La maternité de substitution gestationnelle offre aux familles lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) une opportunité importante d’avoir des enfants. Les familles LGBT devraient avoir des options similaires à celles des autres familles confrontées à l’infertilité, et bénéficier d’un accès égal à l’adoption et à l’ART (ensemble des techniques de reproduction artificielle).

Pendant ce temps, les membres du groupe de travail qui s’opposaient à la légalisation de la maternité de substitution commerciale ont été réprimandés pour « une rhétorique qui divise les familles non traditionnelles, la communauté LGBT et les droits reproductifs des femmes en présentant les croyances et les opinions comme des faits ». Le 11 février de cette année, Cuomo a lancé sa campagne « L’amour fait une famille ». Il a déclaré : « Il est honteux que nous ne soyons que l’un des trois États qui ne permettent pas aux personnes LGBTQ et aux personnes en difficulté de fertilité de recourir à des mères porteuses gestantes pour fonder une famille ».

Les défenseurs de la maternité de substitution affirment que la loi protège les femmes grâce à une « Déclaration des droits des mères porteuses ». Pourtant, Cuomo a refusé d’ajouter des protections au projet de loi sur les mères porteuses, telles que les dispositions demandées par la sénatrice Liz Krueger (D-Manhattan). Bien que le projet de loi alternatif de Krueger reste imparfait, il reconnaît au moins la myriade de conflits d’intérêts impliqués dans la maternité de substitution commerciale, ainsi que l’exploitation et les risques pour la santé des femmes et des enfants. Par exemple, le projet de loi Krueger exigeait des vérifications d’antécédents et des visites à domicile.

La loi Cuomo stipule que le « futur ou les futurs parents » (mariés ou non) ne sont soumis à aucune vérification financière ou de casier judiciaire. En outre, seul l’un des parents doit être citoyen américain ou « résident permanent légal », ce qui constitue une invitation pour les riches d’autres pays à venir à New York pour acheter leur progéniture – une pratique déjà répandue en Californie. Cette nouvelle loi encourage effectivement le trafic et le tourisme reproductifs.

Les partisans de la maternité de substitution ont affirmé que ce projet de loi était une extension de la loi de l’État sur l’égalité du mariage. Mais la légalisation du mariage gay n’est pas une raison pour ouvrir cette dangereuse boîte de Pandore. Il n’y a pas de droit de nuire à autrui pour avoir un enfant. Mais pour les couples homosexuels – qui paieront grassement pour avoir des enfants – la demande de progéniture biologique est devenue politiquement plus importante que les risques de santé et d’exploitation que la maternité de substitution fait courir aux femmes et aux enfants.

L'auteur, Jennifer Lahl, est la fondatrice et présidente du CBC ( Center for Bioethics) créé en 2007, et  fondatrice de la campagne internationale  StopSurrogacyNow 

Traduction : Maria Poumier - Entre La Plume et l'Enclume

Note:

[1] dans l’affaire Baby M, la mère « porteuse », Mary Beth Whitehead s’était battue pour garder l’enfant qu’elle avait porté en son sein, après avoir été inséminée directement par le père commanditaire de l’enfant. Le jugement fit changer le prénom et le nom de famille de l’enfant, qui devint celui du père, William Stern; mais Mary B. Whitehead garda un droit de visite. A la suite de cette affaire qui bouleversa le public, la GPA « en famille », par insémination directe faisant l’objet d’un accord à l’amiable entre proches fut interdite, au profit des techniques hautement médicalisées et exigeant l’anonymat des « donneurs », « donneuses » et « prestataires en gestation »].(ndt)


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