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Les chrétiens d’Orient main dans la main contre une intervention en Syrie

Auteur : L'Orient le Jour | Editeur : Stanislas | Samedi, 31 Août 2013 - 14h43

De tout le Moyen-Orient, les Églises, alarmées par le sort des chrétiens de la région et exceptionnellement unies, s’associent au pape François pour refuser toute intervention militaire en Syrie, jugeant qu’une action renouvellerait en pire l’expérience calamiteuse de l’Irak il y a dix ans.

François, recevant hier le roi de Jordanie, a confirmé plus clairement que jamais cette ligne : « La voie de la négociation et du dialogue est l’unique option » pour le Saint-Siège et la Jordanie, selon un communiqué à l’issue des entretiens avec Abadallh II. Le pape avait déjà lancé dimanche un appel pressant pour faire « cesser le bruit des armes ». Cette rencontre avec le roi de Jordanie, pays fragile concerné directement par le conflit en Syrie, accueillant notamment un million de réfugiés, avait été organisée dans l’urgence en raison de la crise, selon des sources proches du Vatican. La netteté de la position du Saint-Siège rappelle le « non » de Jean-Paul II à l’intervention en Irak du président George W. Bush.

Les patriarches d’Orient, conscients que leurs appels séparés ne sont pas suffisamment pris en considération, espèrent que François, populaire, parlera à nouveau et sera écouté par les capitales occidentales.

Le Vatican, son quotidien l’Osservatore Romano et sa radio, sont montés au créneau pour relayer les immenses craintes des chrétiens d’Orient, qui craignent d’être balayés par la violence et l’islamisme radical. Dans la dernière édition de l’Osservatore Romano, le cardinal Leonardi Sandri, préfet pour les Églises orientales, a adressé une supplique au nom de toutes ces Églises pour que « l’intérêt supérieur de la paix et de la vie prévale sur tout autre intérêt et ressentiment partisan ».

Les chrétiens d’Orient ont soutenu en majorité les régimes autoritaires et laïcs, Saddam Hussein en Irak et la dynastie des Assad en Syrie, qui protégeaient leurs droits et leur sécurité. Depuis la chute de Saddam Hussein en 2003, l’islamisme radical sunnite s’est répandu, et des millions de chrétiens ont fui leurs villes et villages. Dans le conflit syrien, une majorité de chrétiens ont soutenu Bachar el-Assad par peur de l’alternative islamiste. Et ils pourraient en payer le prix fort en cas de prise du pouvoir par les radicaux sunnites. « La peur des chrétiens au sujet des frappes trouve sa raison dans l’histoire des dix dernières années. L’évolution de l’Irak a montré comment on peut déstructurer un pays qui avait certes un dictateur qui était toutefois laïc : la guerre de religion entre musulmans s’est accrue ; le terrorisme a connu une grande expansion, la situation des chrétiens a empiré », observe le vaticaniste Marco Politi.

« La même chose va se passer en Syrie car l’opposition la plus efficace est celle des jihadistes. On ne peut être naïf et irresponsable », comme certains philosophes occidentaux qui parlent du devoir d’agir, ajoute-t-il.

Les patriarches

De Jérusalem à Alep, de Beyrouth à Bagdad, la perspective de frappes occidentales est dénoncée avec force par les patriarches d’Églises implantées depuis la naissance du christianisme et qui n’ont pas envie d’être assimilées aux « croisés » par les islamistes comme en Irak en 2003. Le plus vif est le patriarche irakien Louis Raphaël Sako, patriarche des chaldéens : une intervention militaire américaine reviendrait « à faire exploser un volcan destiné à emporter l’Irak, le Liban, la Palestine. Et peut-être que quelqu’un veut précisément cela ». L’évêque d’Alep, Mgr Antoine Audo, évoque un risque d’une « guerre mondiale ». Le patriarche maronite Béchara Boutros Raï a accusé « des pays, surtout de l’Occident mais aussi de l’Orient », de « fomenter tous ces conflits ». « Nous sommes en train de voir la destruction totale de ce que les chrétiens ont pu construire durant 1 400 ans » de cohabitation avec les musulmans, a-t-il estimé.

Le patriarche syriaque-catholique Youssef III Younan a accusé les puissances extérieures « d’avoir armé les rebelles, incité à la violence, envenimé encore les relations entre sunnites et chiites ». « L’Occident pense qu’avec les sunnites au pouvoir, la démocratie remplacera la dictature, mais c’est une grande illusion », s’est-il insurgé.
La crainte que « le scénario de l’Irak se répète » est constamment évoquée, de même que la perte d’une « laïcité » qui rendait vivable la cohabitation au Moyen-Orient. Les patriarches font remarquer que les Occidentaux ne semblent guère soucieux d’attendre les conclusions de l’enquête de l’ONU sur l’attaque chimique de la semaine dernière. Ils rappellent qu’il y a dix ans, les Américains sont partis en guerre en Irak pour de supposées preuves inexistantes d’armes de destruction massive. Ils s’étonnent du peu d’attention accordé par les Occidentaux à la dimension communautaire et religieuse dans les déséquilibres actuels.

Même dans les rangs des chrétiens opposés à Bachar el-Assad, le rejet de frappes étrangères est net : le monastère du père Paolo Dall’Oglio, actuellement enlevé dans le nord de la Syrie, a ainsi exhorté au « refus de toute violence ».
Enfin, sur les blogs et Twitter, les opposants chrétiens à une intervention étrangère sont intervenus massivement ces derniers jours.


- Source : L'Orient le Jour

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