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Russie – USA. La guerre des médias: paille et poutre

Auteur : Finian Cunningham | Editeur : Walt | Jeudi, 14 Déc. 2017 - 21h44

Vraiment, ils sont sans vergogne. Après que les États-Unis demandent à RT America de s’enregistrer en tant qu’agent étranger, l’UE et les États-Unis protestent quand la Russie ordonne à Radio Free Europe, de la CIA, de faire de même en Russie.

C’est tellement effrontément hypocrite, que ça pourrait être une blague. Les États-Unis et l’Union européenne se sont empressés de condamner les nouvelles lois russes sur les médias qui restreignent les entités étrangères. Dans le même temps, ils assument unilatéralement le droit de pourchasser les médias russes accusés d’être des agents étrangers.

Voilà la mentalité arrogante : faites ce que je dis mais pas ce que je fais.

Lorsque le président russe Vladimir Poutine a signé le décret sur la nouvelle législation le week-end dernier, le Kremlin a décrit les mesures comme une « réponse symétrique »aux agissements des États-Unis, au début du mois, obligeant le radiodiffuseur public russe Russia Today à s’enregistrer en tant qu’agent étranger.

Selon la nouvelle loi russe, tout média d’information étranger opérant en Russie peut être contraint à s’inscrire en tant qu’entité étrangère, divulguant des détails sur ses activités financières et journalistiques, de la même façon que la filiale de Russia Today en Amérique a été astreinte par le Département de la Justice à le faire.

Aucune organisation de presse occidentale n’a encore été affectée par les nouvelles lois russes, mais il y a des informations annonçant que Radio Free Europe et la Voix de l’Amérique sont des cibles potentielles. La loi russe ne semble pas faire la distinction entre les médias privés et publics. La chaîne de télévision par câble américaine CNN, ainsi que le média public allemand Deutsche Welle, ont également été signalés comme cibles possibles en vertu de la nouvelle loi sur l’enregistrement des médias.

Les réactions des États-Unis et de l’UE révèlent un cas stupéfiant de double standard :

John Lansing, chef du Bureau US des gouverneurs de la radiodiffusion, qui contrôle Radio Free Europe et Voice of America, a déclaré que « toute caractérisation de telles mesures comme une réciprocité pour les actions américaines fausse gravement la réalité ».

La porte-parole de l’UE, Maja Kocijancic, a dit que la « législation du Kremlin va à l’encontre des obligations et des engagements de la Russie en matière de droits de l’homme ».

Elle a ajouté que la loi est « une menace supplémentaire pour les médias libres et indépendants et pour  l’accès à l’information » et « encore une autre tentative de réduire l’espace pour des voix indépendantes en Russie ».

Comme l’a expliqué le Kremlin, les nouvelles lois ne s’appliquent qu’aux médias étrangers opérant en Russie. Elles ne s’appliquent pas aux organes de presse basés en Russie. Cette affirmation de l’UE semble, pour le moins, assez distraite en prétendant que cette décision « réduit l’espace pour des voix indépendantes en Russie ».

En substance, ce que ces réactions révèlent, c’est l’hypocrisie purement moralisatrice des États-Unis et de l’Europe.

Washington se sent le droit de dénigrer et de restreindre Russia Today en tant qu’agent étranger, mais si la Russie répond à proportion, une telle mesure est condamnée comme injustifiée et « distordue ».

L’Union européenne a annoncé, au début du mois, le financement pour plus de 1,1 million d’euros d’un organisme de surveillance des médias, basé à Bruxelles, chargé de qualifier les médias d’information russes de « faux ». D’une certaine manière, cette forme de censure et de restriction est censée être acceptable, mais lorsque la Russie répond, Moscou est accusée de « menacer des médias libres et indépendants » et de saper « les obligations en matière de droits de l’homme ».

Ces obligations ne s’appliquent-elles pas à Washington et à l’Europe ?

Évidemment non.

Lorsque le ministère américain de la Justice a forcé Russia Today à s’inscrire en tant qu’agent étranger le 13 novembre, ou à faire face à une action criminelle, Dana J Boente, sous-procureur général par intérim de la Sécurité nationale, a déclaré : « Les Américains ont le droit de savoir qui agit aux États-Unis pour influencer le gouvernement américain, ou le public, au nom de donneurs d’ordres étrangers. »

Donc, si les citoyens américains ont le droit de connaître une telle information, pourquoi les Russes n’ont-ils pas le même droit ?

L’avocat du gouvernement américain a ajouté : « Le ministère de la Justice s’est engagé à appliquer la loi FARA [Foreign Agents Registration Act] et s’attend à ce que toutes les parties impliquées dans des opérations pour le compte d’un donneur d’ordre étranger respectent la loi, indépendamment de sa nationalité. »

Ici, le gouvernement américain est illogique, voire mensonger. Si sa justification publique était appliquée de manière cohérente et authentique, pourquoi la BBC, France 24, Deutsche Welle, Al Jazeera et la CGTN chinoise ne sont-elles pas obligées de s’enregistrer dans le cadre du FARA ?

Russia Today est ciblée sélectivement parce que la décision est purement d’opportunité politique, sans tenir compte des graves implications pour la liberté de parole et les droits d’accès du public à l’information.

Alors que les États-Unis, l’Europe, et les groupes occidentaux défenseurs des droits de l’homme, comme Amnesty International ont attaqué la Russie sur ses lois – en réponse à des mesures prises par Washington – on ne voit apparemment s’exprimer aucune préoccupation sur les dommages causés par les Américains eux-mêmes.

Il y a aussi un silence honteux parmi les médias occidentaux aux sujet des restrictions initialement imposées à Russia Today aux États-Unis. Les supposées valeurs libérales de liberté d’expression et de médias libres ne sont évidemment pas menacées lorsqu’il s’agit de proscrire les médias russes. Cette contradiction illustre un sinistre état d’esprit russophobe répandu dans la classe politique occidentale. Il est correct de censurer les médias russes parce que les médias russes ne sont tout simplement pas valables, ainsi va le préjugé.

Ce que ces libéraux occidentaux ne réalisent pas, c’est que le principe même de la liberté d’expression est attaqué par l’attaque répréhensible contre Russia Today, et les médias russes en général, selon l’hypothèse tendancieuse qu’ils sont des « agents de la propagande du Kremlin ».

Derrière l’hypothèse selon laquelle les restrictions imposées par les Russes sur les médias étrangers sont illégitimes, et non réciproques, se cache l’opinion arrogante que les accusations des agences de renseignement américaines et de divers politiciens occidentaux sont précises, exactes, et indiscutables.

À savoir que les médias russes se seraient ingérés dans les élections présidentielles américaines l’année dernière, ou, comme l’a déclaré le Premier ministre britannique Theresa May au début du mois, les médias russes essaient de « semer la discorde » dans les États occidentaux. De telles opinions ne sont rien d’autre que des préjugés d’opinion déguisés en « faits ». Autrement dit, la propagande et les fausses nouvelles prétendent être des « renseignements ».

Aucune preuve n’a jamais été présentée pour étayer ces affirmations sensationnalistes de l’ingérence russe. Elles reposent entièrement sur les préjugés et les insinuations accusant la Russie et ses médias d’information de malveillance. C’est de la russophobie pure et simple, du genre de celle qui a alimenté l’ère McCarthy de la « haine rouge » et la paranoïa de la guerre froide, qui ont apporté au monde le spectre d’une destruction nucléaire mutuellement assurée.

Ce que le public dans les États occidentaux doit réaliser – et il le fait, de plus en plus – c’est que la véritable menace pour les droits démocratiques n’est pas la Russie ou ses médias. Le danger vient des gouvernements occidentaux, qui adhèrent aux principes démocratiques et à la primauté du droit, mais qui censurent en réalité les médias alternatifs et la liberté de l’internet en donnant aux entreprises comme Google la liberté d’imposer le « déclassement » de sources désignées.

Les médias russes, comme Russia Today ont en effet fourni une couverture alternative admirable des grands événements internationaux tels que la guerre en Syrie et au Yémen, qui exposent les responsabilités criminelles de Washington et de ses alliés européens.

Voilà en quoi consiste la véritable pomme de discorde. Les médias russes ont montré que« l’empire occidental est nu ». Il est nu, irrémédiablement.

Et donc, à cause de cette « transgression », les médias russes doivent être immédiatement bâillonnés.

Mais, ce faisant, les États occidentaux, leurs médias et leurs défenseurs des droits de l’homme exposent leur propre hypocrisie. et leurs faux prétextes.

Traduit par jj, relu par Catherine pour le Saker francophone

 


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