La Russie domine l’Ouest
Le commentateur de Bloomberg, Léonid Bershidsky, confirme ce que nous avions toujours prédit. L’Ukraine se trouve enfermée dans un étau, alors que la Russie tient toutes les cartes entre ses mains, son économie retrouvant de la vigueur avec le retour des investisseurs occidentaux.
Les lecteurs réguliers de la revue Russia Insider reconnaîtront que depuis que nous avons commencé à publier nous avons constamment mis en avant deux affirmations.
La première est que, dans le conflit qui oppose l’Ukraine à la Russie, cette dernière a toutes les cartes en main.
L’économie ukrainienne est si interconnectée avec celle de la Russie qu’elle ne peut fonctionner sans elle et que les liens exceptionnellement étroits qui les relient signifient que toutes les tentatives pour les désolidariser seraient immanquablement vouées à l’échec.
En plus de cet aspect, dans le conflit en cours, la Russie a militairement le dessus, puisque l’Ukraine ne peut, en aucune façon, s’emparer de la région du Donbass face à l’opposition des Russes.
Notre deuxième affirmation est que l’Ouest s’est trompé et a gravement sous-estimé la cohésion sociale russe ainsi que son économie.
Nous refusons de prendre pour argent comptant le discours sur la crise si couramment répandu à la fin de l’année dernière. Bien au contraire, nous affirmions que le rouble était sous-évalué, que les rumeurs de banqueroute de la Russie ou de son économie n’étaient que non-sens et que la dévaluation du rouble finirait par jouer en faveur de la Russie.
De plus en plus d’observateurs, graduellement, finissent par rejoindre ces points de vues. Le dernier article de Léonid Bershidsky, Poutine n’a besoin ni de la guerre ni de la paix, en Ukraine, paru dans le Bloomberg du 29 avril 2015, est un plaidoyer dans ce sens.
Bershidsky fait partie des auteurs les plus pointus et les plus intelligents pour ce qui concerne l’économie russe. Ses positions sont pro-occidentales et pro-libérales en plus d’être un critique reconnu de Poutine. Il ne fait pas partie de ceux qui accorderaient le bénéfice du doute à Poutine ou au gouvernement russe, donc lorsqu’il partage le même point de vue que le nôtre, nous pouvons sérieusement le prendre en considération.
Voici ce qu’il dit à propos de l’Ukraine :
Le gouvernement de Kiev est dans l’impasse. Il ne peut reprendre les territoires perdus militairement, car il ne peut plus risquer une autre défaite. Le président Petro Porochenko n’aura probablement d’autre choix, pour le moment, que de geler tacitement le conflit, l’Ukraine attendant beaucoup des retombées bénéfiques que l’effet psychologique d’une paix relative aurait sur les investissements.
Nous avons constamment affirmé que la raison principale au fait qu’il n’y a pas de progression vers une paix négociée en Ukraine est le refus par Kiev de mettre en application les décisions politiques prises lors du Mémorandum de Minsk.
Voici ce que Bershidsky dit à ce sujet :
Parallèlement, l’Ukraine n’a pas la volonté de donner plus d’autonomie aux régions contrôlées par les rebelles, comme prescrit dans les accords de Minsk, avant que des élections locales ne soient tenues selon les lois Ukrainiennes. C’est une voie sans issue : car il n’y aura pas d’élections locales avant que les chefs rebelles – ainsi que leurs maîtres de Moscou – ne soient satisfaits de leurs nouveaux pouvoirs.
Et voici ce qu’il dit a propos du gagnant de cette situation :
Cela prend tout son sens pour le président russe Vladimir Poutine d’arriver à cette sorte d’équilibre, permettant ainsi aux investissements de son pays de rebondir et de s’amplifier, pendant que l’Ukraine reste bloquée. D’où ce scénario de conflit gelé, dans lequel il n’y a ni guerre, ni accord, situation pouvant être maintenue indéfiniment – comme l’a montré la Transnistrie, cet État en devenir, non reconnu, entre l’Ukraine et la Moldavie, depuis le début des années 1990.
Pour Poutine l’avantage est clair : Garder le conflit non résolu peut empêcher l’intégration de l’Ukraine dans l’Europe et l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord.
En ce qui concerne l’économie russe, Bershidsky a fait connaître récemment son point de vue, sur le fait que le pire est derrière, mais voici ce qu’il en dit dans son dernier article :
Jusqu’à présent, parmi les monnaies importantes, le rouble a été la plus performante cette année, ayant gagné 14% sur le dollar Américain. Ceci grâce au prix du pétrole, si important pour la santé fiscale russe, qui s’est maintenu à un niveau supérieur aux prévisions les plus pessimistes – au dessus de 60 dollar le baril de brut. Et les données économiques de la Russie, bien que difficilement encourageantes, n’indiquent pas un effondrement imminent.
En ce qui concerne les sanctions :
Les sanctions économiques occidentales contre la Russie n’ont pas occasionné tant de dommages, car lorsqu’elles ont empêché les grandes sociétés d’État russes d’emprunter sur les marchés occidentaux, le gouvernement est intervenu pour les aider. Bien que, pour un moment, l’année dernière, les sanctions aient réussi à effrayer et a éloigner les investisseurs. C’était principalement dû à un effet psychologique, qui maintenant a tendance à s’estomper grâce à la trêve.
Maintenant que l’effet épouvantail des sanctions commence à se résorber, comme Bershidsky le note, les investisseurs occidentaux commencent à revenir :
Comme l’indice des fonds globaux EPRF l’indique, les flux d’argent apportés par les échanges commerciaux mutuels sécurisés visant la Russie ont quasiment effacé les sorties d’argent de l’année dernière.
Même les prêts aux entreprises russes ont repris :
Pourquoi ne pas donner sa chance à la Russie, surtout lorsqu’elle promet des retours sur investissements supérieurs aux autres grands marchés ?
Les prêteurs internationaux, avec en tête la Société Générale, ING et Natixis, ont fourni 530 millions de dollars à Uralkali, leader russe mondial dans la production de potasse, à un taux de 3,3 points de pourcentage au dessus de l’indice Libor de référence. Les entreprises européennes ayant des taux de crédits similaires payent moins de la moitié de cette prime pour le moment.
Nous ne sommes pas d’accord avec Bershidsky sur tout. Il prétend que Moscou est derrière le conflit avec l’Ukraine. Nous, nous disons que c’est une guerre civile, dans laquelle l’Ukraine, aidée et de concert avec les Occidentaux, a entraîné la Russie. Nous pensons qu’il a tort lorsqu’il prétend que l’Ukraine choisira l’impasse plutôt que la guerre. Nous pensons que les combats vont bientôt reprendre. Il attribue le retour à la santé de l’économie russe cette année au prix élevé du pétrole et à la trêve avec l’Ukraine. Nous disons que c’est dû aux fondements solides de l’économie russe.
Cependant, le point sur ces questions est que, peu importe lequel d’entre nous a raison, le résultat final est le même. Aussi bien sur l’Ukraine que sur l’aspect économique, c’est la Russie qui aujourd’hui est en position bien plus forte que les Occidentaux ne l’avait espéré, et qui a l’avantage.
Donc, tout ce que nous pouvons dire à ce sujet est : nous vous l’avions bien dit.