Sous couvert de transition énergétique, la casse du service public français organisée par les socialistes (qui n’ont plus de socialiste que le nom) se poursuit. Après la privatisation des autoroutes, qui doit pourtant laisser un goût amère au gouvernement au regard des revenus substantiels qu’elles rapportent chaque année aux sociétés d’exploitation Vinci, Eiffage et Albertis, ce serait donc au tour des concessions hydrauliques et des grands barrages français de tomber sous le contrôle du secteur privé.
Répondant à une directive européenne imposant la mise en concurrence de ces concessions hydrauliques, le gouvernement a en effet organisé la privatisation de ses aménagements via la création de SEM (société d’économie mixte) par lesquelles l’Etat pourra se désengager jusqu’à 66% et ne garder plus que 34% des parts. Comme Prévu dans l’article 29 du projet de loi de transition énergétique débattu prochainement en seconde lecture à l’Assemblée nationale (et sans aucun doute déjà adopté), ces sociétés anonymes à capital public et privé seront donc composées d’un tiers (34%) détenu par l’Etat, ou tout autre collectivité publique, d’un tiers détenu (34%) par l’exploitant et d’un dernier tiers (32%) attribué à des investisseurs minoritaires. La part du capital et des droits de vote détenue par l’actionnaire opérateur ne pourra être inférieure à 34 %, précise le texte, assurant ainsi à l’opérateur privé un contrôle de l’exploitation au même titre que les pouvoirs publics.
Dans le même temps, une remise en concurrence des concessions hydroélectriques est prévue ouvrant largement à la concurrence internationale le patrimoine énergétique national que sont les barrages hydroélectriques et marquant logiquement la fin du service public hydraulique au profit des intérêts privés de tel ou tel investisseurs ou fonds de pension. Une situation des plus alarmantes lorsque l’on sait que les barrages, via une production d’électricité souple et réactive, assurent l’équilibre et la stabilité du réseau à chaque instant et jouent un rôle primordial dans la gestion des réserves et cours d’eau au niveau national.
Difficile de ne pas imaginer dans ce cadre les conséquences catastrophiques qui pourrait provoquer un émiettement des concessions hydrauliques pour les salariés, les consommateurs, l’environnement et la biodiversité de nos rivières. Comme l’explique Laurent Farenc, secrétaire CGT des agents de production, "notre inquiétude c’est que tout l’argent que l’on met aujourd’hui pour la sécurité, la sûreté des ouvrages, la maintenance de nos installations ou la protection de l’environnement ne serve plus qu’a rétribuer des actionnaires privés ou des fonds de pension. Ici en Ariège on est très inquiet pour l’avenir".
Jean-Damien Navarro, secrétaire département de la CGT-Hydraulique en Ariège va même plus loin en dénonçant les faveurs faites aux groupes industriels potentiellement acquéreurs des concessions. Ces derniers pourront en effet utiliser "des installations largement amorties pour produire une électricité bon marché, à leur propre usage. Mais rien ne les empêchera de la vendre au prix fort lorsque la demande est importante". Enfin, "il n’y a rien, dans ce projet de loi, en ce qui concerne la sécurité des installations", déplore-t-il.
Résultat, il sera donc possible de voir une centrale hydraulique ariégeoise exploitée par un consortium américain ou chinois, qui sous-traitera la maintenance à des ingénieurs espagnols ou portugais (afin de minimiser les coûts) et revendra une électricité à prix d’or. Un scénario un peu extrême mais qui reste à l’heure actuelle tout à fait probable.
Le gouvernement s’en défend néanmoins, prétendant que cette "privatisation de résistance" comme l’a qualifié non sans ironie sur Rue89 le fondateur de l’émission culte Arrêt sur images, Daniel Schneidermann, permettrait de satisfaire les nouvelles exigences européennes tout en garantissant un contrôle public minimum des ouvrages et sociétés hydrauliques. Drôle de façon de résister... Une fois notre patrimoine hydraulique vendu au plus offrant, la France n’aura plus aucun pouvoir sur sa production hydroélectrique et les premiers à en pâtir seront bien sûr toujours les mêmes, les salariés et les consommateurs.