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Quand la Nouvelle Route de la Soie rencontre l'Union eurasienne

Auteur : Pepe Escobar | Editeur : Walt | Jeudi, 16 Avr. 2015 - 12h04

Tous les rêves des exceptionnalistes qui prient pour que la Russie et la Chine abandonnent leur solide partenariat stratégique gagnant-gagnant, entièrement conçu pour leurs intérêts nationaux communs, ont été dissipés par la visite cruciale à Moscou du ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi.

A Moscou, Wang a souligné à la fois la politique Look East de la Russie et celle de la Chine Go West – qui englobent essentiellement l'immense projet de Nouvelles Routes de la Soie – disant que ce projet « a créé des opportunités historiques pour l'amarrage des stratégies de développement des deux pays. »

Ils sont entièrement en phase. Look East, la stratégie de la Russie, ne concerne pas seulement la Chine, mais au moins autant l'intégration eurasienne que les routes de la soie de la Chine Nouvelle, car Moscou en a besoin pour développer la Sibérie orientale et l'Extrême-Orient russe.

Le partenariat stratégique, en perpétuelle évolution n'englobe pas seulement l'énergie, y compris la possibilité d'investissements chinois dans des projets cruciaux de pétrole et de gaz russes, mais aussi l'industrie de la défense ; il est de plus en plus question d'investissement, de banque, de finance et de haute technologie.

La portée du partenariat est extrêmement large, de la coopération Russie-Chine au sein de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) au rôle de la Russie et de la Chine dans la nouvelle banque de développement BRICS, et du soutien de la Russie à l'infrastructure chinoise dirigée par la Banque asiatique d'investissement (AIIB) et la Fondation de la Route de la Soie.

Pékin et Moscou, avec les autres nations du BRICS, se dirigent rapidement vers un commerce débarrassé du rôle du dollar US, en utilisant leurs propres monnaies. En parallèle, ils étudient la création d'un système SWIFT de remplacement – qui sera nécessairement rejoint par les pays de l'UE, comme ils se joignent à l'AIIB ; car si en théorie l'Allemagne pourrait se permettre de perdre son commerce avec la Russie en raison de la politique de sanctions de Berlin – au grand mécontentement des industriels allemands –, elle ne peut tout simplement pas se passer de l'énergie russe. Et pour l'Allemagne, perdre le commerce avec la Chine est totalement impensable.

Le Trans-Siberian boosté aux stéroïdes

Deux jours après sa visite à Moscou, Wang est allé jusqu'à rencontrer le ministre des Affaires étrangères de Mongolie Lundeg Purevsuren, soulignant que la Nouvelle Route de la Soie développera une nouvelle plate-forme, un corridor économique trilatéral reliant la Russie, la Chine et la Mongolie.

Ce à quoi Wang faisait allusion est le corridor de transport eurasien prévu – qui mettra en vedette, un chemin de fer flambant neuf haute vitesse Trans-Siberian de $278 milliards reliant Moscou à Pékin, en seulement 48 heures, avec toutes les escales intermédiaires.

Il était donc inexorable que Wang lui-même assemble les pièces du puzzle que Washington refuse de voir : « La construction du corridor économique Chine-Russie-Mongolie relierait la Ceinture économique de la Route de la Soie en Chine au plan ferroviaire transcontinental de la Russie et au programme de la Route de la Prairie en Mongolie. »

Ce que nous avons ici avant tout, c'est la Nouvelle Route de la Soie, qui établit une connexion directe entre la Chine et l'Union économique Russie-Eurasie-(EEU). La Chine et l'EEU sont tenues de mettre en place une zone de libre-échange. Rien de plus naturel en pratique, car il s'agit du sujet de l'intégration eurasienne. Les détails seront entièrement discutés lorsque le président chinois Xi Jinping ira en visite à Moscou le mois prochain, et au Forum économique de Saint-Pétersbourg en juin.

La connexion IP chinoise

La politique chinoise à couper le souffle du Go West débloque enfin aussi un défi clé du Pipelineistan dans la Nouvelle Route de la Soie ; le gazoduc Iran-Pakistan (IP), qui à l'origine incluait l'Inde, était sans relâche harcelé par les deux administrations Bush et Obama et bloqué par les sanctions américaines.

Le tronçon iranien de 900 km, jusqu'à la frontière pakistanaise, est déjà terminé. Ce qui reste – 780 km, coût $2 milliards – sera essentiellement financé par Pékin, le travail technique étant effectué par une filiale de la CNPC. Le Président Xi va annoncer l'accord à Islamabad ce mois-ci.

Donc, ce que nous avons ici, c'est une Chine qui intervient activement, dans le style gagnant-gagnant, afin de mettre en place un cordon ombilical d'acier entre l'Iran et le Pakistan, pour le transport de gaz, avant même que les sanctions sur l'Iran soient levées, progressivement ou non. Appelez cela l'esprit d'entreprise des Nouvelles Routes de la soie en action – chapitre Asie du Sud.

Bien sûr, il y a aussi des avantages innombrables pour Pékin. L'Iran est déjà une question de sécurité nationale pour la Chine – en tant que premier fournisseur de pétrole et de gaz. Le pipeline passera par Gwadar, le port stratégique de l'océan Indien, déjà sous gestion chinoise. Le gaz pourra alors être expédié en Chine par la mer ou – mieux encore – un nouveau pipeline de Gwadar au Xinjiang, parallèle à l'autoroute du Karakoram, pourrait être construit au cours des prochaines années, contournant ainsi le détroit de Malacca, qui est un objectif crucial de la stratégie de diversification énergétique complexe de la Chine.

Et puis il y a l'Afghanistan – qui, du point de vue de Pékin s'inscrit dans le projet de la Nouvelle Route de la Soie en tant que corridor de ressources entre le Sud et l'Asie centrale.

Pékin veut idéalement investir dans le développement des infrastructures de l'Afghanistan pour accéder à ses ressources et consolider encore une autre tête de pont du Xinjiang à l'Asie centrale et plus loin vers le Moyen-Orient. Les produits fabriqués en Chine doivent actuellement passer par le Pakistan pour être exportés vers l'Afghanistan .

CNPC et la China Metallurgical Group Corp. sont déjà en Afghanistan, par le biais d'investissements dans le bassin pétrolifère de l'Amou-Daria et dans l »énorme mine de cuivre d'Anyak. C'est pas simple, mais c'est un début. La Russie et la Chine membres de la SCO ont grand besoin d'un Afghanistan stable, mûr pour le business à la fois dans la Nouvelle Route de la Soie et dans l'EEU. La question clé est de savoir comment satisfaire les talibans. Certes, en n'appliquant pas les méthodes de Washington.

Pendant ce temps, la proposition du Pentagone, pour ce que son nouveau chef Ash Carter décrit dédaigneusement comme cette partie du monde, est de déployer – devinez quoi – de nouvelles armes qui vont du système de défense antimissile THAAD encore en production, jusqu'aux derniers bombardiers furtifs en passant par les les unités spécialisée dans la cyber-guerre. La coopération économique eurasienne ? On oublie. Pour le Pentagone et l'Otan – qui, soit dit en passant, ont récemment perdu une guerre de treize ans contre les talibans – la coopération économique est pour les poules mouillées.


- Source : Pepe Escobar

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