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Menaces sur l’état-nation

Auteur : Ammar Belhimer | Editeur : Walt | Lundi, 06 Avr. 2015 - 11h37

Un récent ouvrage de l’universitaire canadien, le professeur Michel Chossudovsky, connaît un énorme succès sur la Toile altermondialiste. Il remet au goût du jour une ancienne thèse soutenant que les différents conflits auxquels nous assistons aujourd’hui en Ukraine, en Syrie, en Irak, en Palestine ou ailleurs, relèvent d’un même agenda d’une simplicité ahurissante qui témoigne de la poursuite de l’hégémonie mondiale des États-Unis et de leurs alliés de l’Ouest sur les autres régions du monde.

La préface de l’ouvrage revient sur la notion de « globalisation de la guerre » comme projet hégémonique combinant les opérations militaires et de renseignement dans le Moyen-Orient, en Europe de l’Est, en Afrique sub-saharienne, en Asie centrale et en Extrême-Orient. L’agenda militaire américain est entièrement dévoué à la déstabilisation et la violation de la souveraineté des Etats.

« Dans tous les pays analysés, l’intention a été de détruire, déstabiliser et appauvrir des pays souverains », est-il rappelé. Ce que l’auteur appelle « l’alliance militaire occidentale (Etats-Unis-OTAN-Israël) » coordonne ses actions au plus haut niveau de la hiérarchie militaire – comme en témoignent l’agression contre Ghaza en juillet-août 2014 ou les actions en Ukraine.

Le « procès de guerre économique » inclut des sanctions contre les Etats souverains, mais aussi des actes « délibérés » de déstabilisation des marchés financier et monétaire, pour saper les fondements économiques de l’ennemi.

Les manœuvres militaires menées aux portes de la Russie sont jugées comme étant lourdes de conséquences et pouvant « potentiellement conduire à une escalade ».

De même que « les frappes aériennes américaines engagées en septembre 2014 contre l’Irak et la Syrie sous prétexte de la chasse à l’État islamique font partie d’un scénario d’escalade militaire qui s’étend de l’Afrique du Nord et la Méditerranée orientale jusqu’à l’Asie centrale et du Sud ».

Dans la foulée, l’activation par le Sénat américain de la loi dite “The Russian Aggression Prevention Act” (RAPA) annonce ouvertement un conflit militaire direct avec la Russie en Ukraine. Or, « toute guerre américano-russe est susceptible de dégénérer rapidement en une guerre nucléaire, étant donné que ni les États-Unis ni la Russie n’admettra la défaite ; les deux ont des milliers d’armes nucléaires prêtes pour une utilisation immédiate ».

La loi en question est l’aboutissement de plus de vingt ans de préparatifs de guerre qui visent à l’encerclement militaire de la Russie et de la Chine. Depuis l’effondrement de l’Union soviétique en 1991, douze pays d’Europe centrale, anciennement alliés de Moscou, ont rejoint l’alliance de l’OTAN, déplaçant ainsi la puissance militaire des États-Unis jusqu’aux frontières de la Russie.

Guerre et mondialisation sont étroitement liées et procèdent du long terme. Il existe un continuum dans la politique étrangère américaine de la doctrine Truman de la fin des années 1940 jusqu’aux néoconservateurs et les néolibéraux des administrations George W. Bush et Barack Obama.

« Le concept de la « longue guerre » est une partie intégrante de la doctrine de l’armée américaine. Ses fondements idéologiques visent à camoufler le projet hégémonique de conquête mondiale. Sa mise en œuvre repose sur une alliance mondiale de 28 Etats membres de l’OTAN. »

Cette alliance représente « une force militaire redoutable, déployée dans toutes les grandes régions du monde ».

Cette « longue guerre » repose sur le concept de « légitime défense » des États-Unis et du monde occidental qui s’estiment menacés, notamment par « la formation d’un monde islamique unifié ». A ce titre, la Rand Corporation recense « trois menaces potentielles » : celles liées aux idéologies « défendues par des adversaires-clés du conflit », à l’utilisation du terrorisme et à la gouvernance (c’est-à-dire la prédisposition ou non des centres dirigeants à servir les intérêts spécifiques des États-Unis).

Dans cet agenda, la « guerre mondiale au terrorisme » (GWOT) est « une fabrication fondée sur l’illusion qu’un seul homme, Oussama Ben Laden, a déjoué les plans de la puissante communauté du renseignement américain ».

Cette « guerre » est qualifiée de « forme moderne d’inquisition » qui réunit « tous les ingrédients essentiels des Inquisitions française et espagnole ».

Présentée comme un « choc des civilisations », une guerre entre des valeurs et des religions concurrentes, elle n’est rien d’autre qu’une « véritable guerre de conquête, guidée par des objectifs stratégiques et économiques ».

Au chapitre XII sont examinés la « dissidence fabriquée », les révolutions colorées et le mouvement anti-guerre en crise. Il y est question d’incapacité des organisations de la société civile « progressistes » et des collectifs anti-guerre à affronter efficacement « la marée de désinformation des médias et de la propagande de guerre ».

Les médias, les dirigeants politiques, les universitaires et le grand public omettent souvent de mettre en perspective historique la spirale infernale des informations quotidiennes ; ils ont tendance à se concentrer sur les derniers événements et crises.

Quelle autre alternative alors à la démondialisation et quelle chance a cette dernière d’aboutir ?

Relisant Jacques Sapir (La démondialisation, Le Seuil, 2011), qui voyait dans la circulation internationale des capitaux et des entreprises la cause d’une partie de nos maux économiques et sociaux, ou encore François Lenglet (La fin de la mondialisation, Fayard, 2013), Christian Chavagneux a raison de dire qu’il fallait « mettre des grains de sable dans les rouages de cette internationalisation ».

Face aux forces qui poussent vers davantage de mondialisation (la diffusion des technologies de l’information et de la communication, la volonté des pays pauvres de s’intégrer dans le marché mondial, celle des multinationales de s’implanter au plus près des marchés solvables, celle des investisseurs financiers de trouver les meilleurs rendements), il recense d’autres forces qui, elles, tirent dans le sens inverse.

Ainsi, assisterions-nous à un recul de la mondialisation dans le prolongement d’un recul du commerce mondial qui « s’explique non pas par une montée du protectionnisme mais par les choix stratégiques des firmes pour qui l’éclatement mondialisé de la chaîne de valeur ajoutée n’est plus une priorité ».

« Un indicateur résume cette évolution : dans l’atelier du monde qu’est devenue la Chine, la part des composants et des pièces détachées incluse dans les exportations a chuté de 60% au milieu des années 1990 à 35% aujourd’hui. Au-delà du commerce, ce sont donc les stratégies d’investissement international des entreprises qui sont en train de changer. »

Cette « démondialisation commerciale » irait de pair avec un début de « démondialisation financière » dans les pays riches, et plus particulièrement dans la zone euro.

«  L’avenir dira si nous sommes vraiment entrés dans une nouvelle ère du capitalisme contemporain. Mais la tendance à l’hypermondialisation des années 1990-2000 semble bien être terminée », conclut Christian Chavagneux.


- Source : Ammar Belhimer

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