La French Connection ou comment la République française pille l'Afrique économiquement. Le cas du Franc CFA
La réalité inconfortable pour les 154 millions de citoyens d'Afrique francophone, c'est que cinq décennies après l'indépendance, la France organise encore (la mise sous tutelle financière et, ndt) des coups économiques. Désireux de formaliser ses liens avec ses anciennes colonies, la France a laissé quelque chose de tangible quand elle a quitté l'Afrique au cours de la vague des indépendances dans les années 1950 et 1960 : le franc CFA. L'Algérie, la Guinée, le Maroc et la Tunisie sont sortis de la zone CFA peu de temps après l'indépendance. En 1994, la France a dévalué le franc CFA de 50%, une décision très impopulaire qui a conduit à une forte augmentation du coût de la vie et des troubles généralisés à Dakar, la capitale du Sénégal. Les conséquences d'une telle démarche ont été une inflation galopante, une crise de liquidité et une augmentation spectaculaire du coût des importations.
Le franc CFA a été créé en 1945, ostensiblement comme un geste noble pour protéger les colonies africaines de la France à partir d'une dévaluation du franc français. Les pays participants ont été tenus de déposer la plupart de leurs réserves de change auprès du Trésor français, qui à son tour a dicté la politique monétaire et a mandaté quand et comment les gouvernements pourraient accéder à l'argent. La monnaie a été rattaché au franc français, la France devenant la seule en mesure de déterminer le taux de change. L'arrangement reste le même 70 ans plus tard. Techniquement, deux francs CFA distincts sont en circulation, chacun avec sa propre banque centrale, en Afrique centrale et en Afrique de l'Ouest.
Les membres de la zone CFA doivent "mettre en commun un minimum de 65% de leurs réserves internationales, correspondant à 20% de la base monétaire de chaque banque centrale, dans un compte d'opérations auprès du Trésor français". En déposant de tels montants monétaires de leurs réserves de devises étrangères sur un compte français-géré, les pays participants perdent effectivement le contrôle sur leur politique monétaire. Les pays soumis au franc CFA ne peuvent pas utiliser ces fonds comme garantie pour obtenir un crédit, car les réserves sont détenues au nom de la France. Avec la présence de représentants français au sein des conseils des deux banques centrales du CFA, ils sont presque entièrement dépendants de l'approbation française pour fixer leurs propres taux d'intérêt, ou pour contrôler la quantité d'argent au sein de leur économie - un outil de politique de base des gouvernements.
"Les dispositions du franc CFA maintiennent les pays d'Afrique occidentale dans la même situation économique qu'à l'époque coloniale. Ils fournissent des matières premières à la France et importent tous leurs produits manufacturés. La convertibilité du franc CFA et sa transférabilité libre, combiné avec des taux d'intérêts et de change élevés, maintiennent les pays de la zone franc dans un état de déficits structurels qui rendent toute politique de développement hors de propos", a déclaré Sanou Mbaye, un consultant en développement sénégalais et ancien haut fonctionnaire à la Banque africaine de développement.
Certains prétendent que la zone CFA offre une faible inflation et un taux de change stable, ce qui en théorie devrait encourager le commerce et l'investissement étranger, a déclaré Canac.
"Malheureusement, ces avantages semblent être plus illusoires que réels. Les francs CFA sont surévalués et entravent donc les exportations tout en rendant les importations moins chères (au profit de l'élite africaine) .... Bien que cela ne prouve pas nécessairement que l'adhésion au CFA est responsable de maintenir ces pays dans une situation précaire, cela suggère au mieux que cela n'aide pas", a expliqué Pierre Canac, un expert. "Cette dépendance des pays CFA assure que la France reste influente dans cette partie de l'Afrique. Les pays africains sont plus susceptibles de soutenir la France, ce qui permettra de maintenir une présence militaire, et confère un certain prestige à la France. Pour la France les gains politiques valent les petits coûts économiques. "
Les partisans du franc CFA prétendent qu'il protège ses pays membres contre les gouvernements irresponsables qui jonglent avec les taux d'intérêt ou impriment de l'argent. Avec le soutien et la gestion française, le franc CFA a peu de chance de suivre le dollar zimbabwéen dont la valeur s'est érodée après l'agitation politique et l'hyperinflation intense qu'a connu ce pays.
Mais la France récolte des avantages économiques considérables, a déclaré l'analyste politique Gary Busch : l'arrangement CFA est "la plus grande chaîne de Ponzi que vous ayez jamais vu". Il affirme que les opérations n'ont jamais été correctement comptés. En outre, ces réserves ont été investies dans la bourse de Paris permettant au Trésor français d'empocher les bénéfices. Busch allègue que pendant la crise financière 2008-2009, des fonds ont été engagés contre les énormes prêts consentis dans les pays de la zone euro subissant de plein fouet la crise économique, comme la Grèce et l'Italie. Les réserves de change de certains des pays les plus pauvres du monde ont été risqués pour protéger les Etats européens de la faillite.
- Source : Bdlive