La Paix est loin d’être gagnée, mais Poutine sort grand vainqueur des accords de Minsk
« Cela n’a pas été la meilleure nuit de ma vie, déclarait Vladimir Poutine en annonçant la signature d’un accord, mais je pense que c’est une bonne matinée. »
« Car en dépit de toutes les difficultés rencontrées, nous avons malgré tout obtenu un accord sur les points principaux. Je pense que nous avons réussi plusieurs choses, la première c’est l’obtention d’un cessez-le-feu qui débutera le 15 février à minuit. La deuxième chose, très importante, c’est le retrait des armes lourdes des troupes ukrainiennes, ainsi que le retrait des troupes de la milice du Donbass qui se trouvent pour l’instant sur cette ligne de front. » Vladimir Poutine
Très diplomate, Vladimir Poutine ne s’est pas étendu, il n’a pas à se justifier. Il n’en est pas de même pour Hollande et Angela Merkel qui ont besoin de soigner leur image (surtout Hollande!) et qui doivent s’expliquer devant les jusqu’auboutistes de l’UE et surtout devant l’ogre étasunien.
Il lui aura fallu seize heures de négociations avec ses homologues ukrainien, français, et allemand, pendant que le groupe de contact (Kiev, Novorossiya) négociait de son côté. La conclusion d’un accord butait sur le contrôle de la frontière russo-ukrainienne par l’OSCE auquel Moscou était hostile, et l’organisation d’élections locales en Nouvelle Russie que Kiev refusait d’envisager.
En effet la Déclaration signée par Merkel, Poutine, Hollande et Porochenko dépendait d’abord de l’accord entre Kiev et la Novorossiya qui discutait au sein du Groupe de contact constitué des représentants de la République de Donetsk, Alexandre Zakhartchenko et de Lougansk, Igor Plotnitski, d’émissaires ukrainiens, russes et de représentants de l’OSCE (Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe) ; le goupe de contact a signé une feuille de route pour la mise en œuvre d’un cessé-le-feu qui prendra effet dimanche 15 février selon les termes évoqués par Vladimir Poutine dans sa brève déclaration ci-dessus: « le retrait des armes lourdes des troupes ukrainiennes, ainsi que le retrait des troupes de la milice du Donbass qui se trouvent pour l’instant sur cette ligne de front. » « les deux camps auront 19 jours pour libérer leurs otages », précisait Porochenko...
L’accord porte sur un cessez-le-feu qui sera en vigueur dès dimanche, et sur le retrait des belligérants et de leurs armes lourdes permettant la création d’une zone tampon élargie sous la protection de l’OSCE.
« Toutes les questions ont été traitées par ce texte qui a été signé par le groupe de contact et les séparatistes », a déclaré en substance, le chef de l’Etat français.
Mais aussi… Dans la foulée de l’annonce de l’accord, le document, dont les quatre chefs d’Etat présents à Minsk se portent garants et caution, a été formellement paraphé par le « groupe de contact » !
Il convient maintenant d’observer le texte de la Déclaration signé par les chefs d’Etat des quatre pays.
Vladimir Poutine est sorti la mine réjouie de cette nuit de discussion intenses, c’est lui qui a annoncé la signature de l’accord. Les télévisions françaises qui tentent de donner le change pour redorer le blason de Hollande et qui présentent la signature de l’accord comme une prouesse du binôme Hollande/Merkel, ont tout-de-même un peu de mal à être convaincants. Dans Le Monde, Yves-Michel Riols est beaucoup plus réaliste, mais d’aussi mauvaise foi:
« Le président russe, Vladimir Poutine, a lâché le minimum : l’engagement à œuvrer à la mise en place d’un cessez-le-feu dans l’est de l’Ukraine, à partir du dimanche 15 février. »
« Vladimir Poutine pouvait difficilement faire moins et renvoyer, à nouveau, François Hollande et Angela Merkel les mains vides, comme il l’avait fait la semaine dernière, à Moscou. L’affront aurait été total alors que les dirigeants français et allemand avaient pris le lourd risque de briser le cordon sanitaire diplomatique autour de M. Poutine en se rendant dans la capitale russe, le 6 février, après s’être déplacés, la veille, à Kiev. »
Et pourtant, rien de plus logique que la victoire sur le terrain soit concrétisée dans des accords préliminaires de paix. Les présidents des républiques de Donetsk et de Lougansk (vainqueurs sur le terrain), dont nos médias ne font aucun cas ont pourtant été les parties prenantes indispensables de cet accord face à Porochenko, grâce à Vladimir Poutine, qui est le seul apparemment à se soucier des populations concernées.
Analyse des points principaux de la Déclaration elle-même:
« les dirigeant endossent le paquet de mesures pour la mise en oeuvre des accords de Minsk adopté et signés le 12 avril 2014 par tous les signataires qui ont également signé le protocole de Minsk du 5 septembre 2014 et le mémorandum du 19 septembre 2014 qu’ils ont également signés. »
Voilà Hollande, Merkel et Porochenko engagés par leurs signatures au côté de celles de Poutine et… des représentants de Novorossiya qui avaient déjà signé les accords précédents maintenant avalisés par l’UE… C’est un premier bon point, mais c’est loin d’être le moindre.
« La France et l’Allemagne fourniront une expertise technique pour restaurer la partie du système bancaire dans la zone affectée par le conflit, éventuellement à travers la mise en place d’un mécanisme international permettant de faciliter les transferts sociaux. »
Et voilà, le tyran Porochenko qui comptait vaincre les Novorusses en leur coupant leurs retraites et autres droits sociaux, c’est raté! Il va bien falloir que les comptes bancaires soient de nouveau ouverts et approvisionnés. Hollande et Merkel en répondront!
Et voilà un volet qui tenait particulièrement à coeur du Président de la Russie. Il n’avait pas réussi à se faire attendre avant la guerre, maintenant l’UE est engagée:
« Les dirigeants partagent la conviction qu’une coopération améliorée entre l’UE, l’Ukraine et la Russie favorisera la résolution de la crise. A cette fin ils soutiennent la poursuite des discussions trilatérales entre l’UE, l’Ukraine et la Russie sur les questions énergétiques afin de définir les mesures qui prendront la suite du paquet gazier pour l’hiver... »
Cette clause est bonne pour la Russie, mais pas du tout pour nous pauvres contribuables français et Allemands, qui avons déjà réglé la facture de chauffage de l’Ukraine cet hiver. Alors, soit ce sera le FMI qui prendra le relais, soit ce sera encore nous!… Christine Lagarde, la présidente du FMI, a promis aujourd’hui 2,5 milliard de dollars à l’Ukraine pour lui éviter une fallite imminente…
Ils « soutiennent également les discussions trilatérales entre l’UE, l’Ukraine et la Russie concernant la mise en œuvre de l’accord de Libre Échange Complet et Approfondi entre l’Ukraine et l’UE ».
Voilà une clause qui n’est que justice et qui tenait particulièrement à cœur du Président de la Russie, qui l’a rappelé à plusieurs reprises au cours de ses conférences; Il n’avait pas réussi à se faire entendre avant la guerre lorsqu’il avait tenté d’expliquer aux dirigeants de l’UE qu’il fallait une concertation pour des accords de libre échange entre l’Ukraine et l’UE du fait qu’il existait déjà des accords de libre-échange avec la Russie. Il l’a souvent expliqué lors de ses discours et conférences de presse depuis:
Comment cela a-t-il commencé? Je vais devoir vous rappeler ce qui est arrivé à l’époque. Il est difficile de croire que tout a commencé avec une décision technique du président Ianoukovitch de reporter la signature de l’accord d’association entre l’Ukraine et l’Union européenne.
Ne vous méprenez pas, il n’a pas refusé de signer le document, mais seulement il l’a reporté pour faire quelques ajustements.
Comme vous le savez, ce geste était pleinement en accord avec l’autorité constitutionnelle acquise au chef tout à fait légitime et internationalement reconnu de l’Etat. (Vladimir Poutine discours à la Nation)
A ce moment-là le Président russe avait été méprisé et renvoyé sur la touche en le priant de ne pas s’occuper d’affaires auxquelles il n’était pas convié… Maintenant c’est fini de dire que les accords de libre échange entre l’ukraine et l’UE ne regardent pas la Russie! Il faudra désormais compter avec Poutine! L’Europe ce n’est pas l’Amérique, mais l’Europe c’est en grande partie la Russie!
« Les dirigeants restent attachés à la perspective d’un espace humanitaire et économique commun de l’Atlantique au Pacifique fondé sur le plein respect du droit international et des principes de l’OSCE ».
Et pan sur le bec d’Obama! Ce dernier point de la Déclaration est particulièrement savoureux. Un espace économique avec la Russie de l’Atlantique au Pacifique, ce serait tout-de-même un peu plus logique que les OGM et les poulets aux hormones que tentent en ce moment-même de nous imposer les USA! On comprend néanmoins que Hollande et Merkel ne soient pas réjouis à l’idée d’affronter Obama la déclaration sous le bras!
La Crimée
Et n’oublions pas la clause principale, non-écrite, mais à laquelle tout le monde pense: les deux chefs d’Etat n’ont même pas osé aborder la question de la Crimée… Pourtant c’est au nom de la Crimée que les sanctions contre la Russie avaient été enclenchées! Il est vrai qu’aujourd’hui pour réintégrer la Crimée à l’Ukraine il faudrait organiser un référendum dont tout le monde sait bien qu’il serait trés largement en faveur de la Russie ainsi que le prouve ce récent sondage organisé à l’initiative de l’Ukraine.
Quant aux clauses secrètes, gageons que Merkel et Hollande ont juré de s’opposer par tous les moyens à l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN. Et nulle part non plus il n’est question de la fédéralisation de l’Ukraine, mais le gel de la ligne de front est déjà une partition de fait. On le voit tous les problèmes n’ont pas été résolus.
On peut être persuadé que Washington est déjà au travail pour faire échouer l’accord. Hollande et Merkel seront-ils de taille pour résister à l’oncle Sam mieux qu’ils ne l’ont fait jusqu’à présent ? Et pour contenir ce hâbleur/menteur de Porochenko ?
- Source : Emilie Defresne