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Jeudi, 02 Oct. 2025

Après le « Grand Israël », Netanyahou plaide pour une « Super-Sparte » et « finir le boulot à Gaza » par Thierry Meyssan

Auteur : Thierry Meyssan | Editeur : Walt | Mardi, 30 Sept. 2025 - 14h08

La dérive de Benyamin Netanyahou d’un conservatisme assumé vers le nazisme est de plus en plus évidente. Après avoir revendiqué la mission « historique et spirituelle » de réaliser le « Grand Israël », c’est-à-dire de conquérir les territoires de ses sept voisins, il vient d’appeler à transformer Israël en une « super-Sparte », c’est à dire à militariser l’État et à cesser tout commerce avec ses alliés. Si les mots ont un sens, il ne cesse de nous faire comprendre que ses références sont les fascistes Vladimir Jabotinsky et Leo Strauss. De dérive en dérive, il s’est livré à un exercice de mensonge éhonté devant l’Assemblée générale des Nations unies, attribuant de sombres pensées à ses adversaires et réclamant le droit de continuer à massacrer.

Le 23 août 2025, sur i24 news, proclamait sa « mission historique et spirituelle » de réaliser le Grand Israël du Nil à l’Euphrate.

La semaine dernière je mettais en garde nos lecteurs, particulièrement israéliens, contre la rapide dérive fasciste — et peut-être nazie, selon les mots de Ben Gourion à propos de Vladimir Jabotinsky — de Benyamin Netanyahou [1]. J’avais en effet noté la conversion publique du Premier ministre à la doctrine du « Grand Israël ». Rappelons que cette expression ne vise pas à justifier la seule annexion des territoires palestiniens dans leur totalité à l’État d’Israël, mais aussi l’Est de l’Égypte, une partie de la Jordanie et de l’Arabie saoudite, la totalité du Liban, la majorité de la Syrie et une partie de l’Iraq, jusqu’à reformer l’ancien empire assyrien « du Nil à l’Euphrate ».

Cette annonce, faite exclusivement en hébreu, c’est-à-dire au seul usage de ses concitoyens israéliens, a soulevé de vives critiques de l’ensemble des dirigeants arabes, jusqu’à remonter, le 23 septembre au Conseil de sécurité des Nations unies. Ahmed Attaf, ministre algérien des Affaires étrangères, y a déclaré que « l’occupation israélienne compromet toute perspective de création d’un État palestinien indépendant et souverain, non seulement sur le terrain mais aussi dans les esprits. Nourri du mythe du "Grand Israël", le gouvernement israélien cherche à redéfinir les frontières de la région et à étendre son hégémonie au mépris du droit international et des normes régissant la coexistence pacifique entre États » ; une déclaration qui a été reprise par le représentant permanent de la Russie.

En effet, comment ne pas s’interroger sur cette référence que le Premier ministre avait toujours évité de citer durant sa carrière politique et qu’il arbore aujourd’hui en plein « génocide » à Gaza ? Le terme de génocide n’est pas une lubie de juriste, mais le mot savamment pesé du « Comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme du peuple palestinien et des autres Arabes des territoires occupés » qui a rendu son rapport (référence A/79/363), le 20 septembre à l’Assemblée générale des Nations Unies [2].

C’est aussi l’avis de Yifat Tomer-Yerushalmi, l’avocat général des Forces de défense israéliennes. Celui-ci avait mis en garde l’état major des FDI en disant que l’on ne pouvait pas déplacer 1,2 million de Gazaouis sans s’assurer de ce qu’ils deviendraient. Mais, le 8 septembre, le général Eyal ’Amir, chef d’état-major, est passé outre ces objections. C’est la première fois depuis la création de l’État d’Israël qu’un chef d’état-major n’écoute pas les avertissements d’un avocat général.

Le 15 septembre 2025, Benyamin Netanyahou appelait à transformer la démocratie israélienne en une « super- Sparte »

Peu importe. Benyamin Netanyahou revendique désormais son héritage complexe du fascisme et du nazisme : le 15 septembre, lors d’une conférence organisée par le comptable général d’Israël, le Premier ministre a déclaré que, désormais, le monde entier était conte l’État d’Israël (ce qui est faux : il est contre sa politique à lui). Particulièrement les européens qui cèdent aux pressions de leurs immigrés arabes et musulmans. L’ennemi, ce ne sont plus le Hamas et l’Iran, ce sont la Belgique et l’Espagne. Aussi, a-t-il poursuivi, Israël doit se transformer en un pays autarcique… une « Super-Sparte ». Il doit délaisser ses activités économiques conventionnelles et développer ses industries de défense [3].

Benyamin Netanyahou a évoqué ce mythe avec prudence, puisqu’il a dit : « Nous sommes Athènes et Sparte. Mais nous allons devenir Athènes et super-Sparte. » Il faut se souvenir qu’aucun homme politique n’a fait référence à Sparte depuis la chute du III° Reich. C’était un leitmotiv des nazis et de leurs alliés, jusqu’aux impérialistes japonais. Tous se réclamaient de Sparte contre Athènes, de même qu’aujourd’hui, tous se réclament d’Athènes contre Sparte… sauf Benyamin Netanyahou et les straussiens. C’est pourquoi, je vous renvoie immédiatement à ce que j’écrivais, il y a deux ans [4] : l’homme derrière le coup d’État juridique de Netanyahou, l’Israélo-États-unien Elliott Abrams ne se réclame pas seulement de Vladimir Jabotinsky, le fondateur du sionisme révisionniste, mais aussi de Léo Strauss.

Or, Leo Strauss n’était pas uniquement un disciple de Jabotinsky, qu’il vint accueillir à New York avec Benzion Netanyahou (le père de Benyamin). C’était un professeur de philosophie à l’université de Chicago. Il forma en secret des élèves de prédilection. Il les appelait ses « hoplites » (c’est-à-dire ses soldats en référence à la Grèce antique). Il les testait en les envoyant perturber les cours de ses rivaux. Puis il leur enseignait que pour se protéger d’un possible holocauste, ils ne devaient pas s’en remettre à des démocraties, des régimes faibles, mais construire eux-mêmes leurs propres dictatures. Ce sont ses élèves, comme Richard Perle et Paul Wolfowitz, qui ont truqué le Renseignement états-unien et engagé aussi bien les attaques du 11-Septembre que la destruction de l’Afghanistan et de l’Iraq.

La référence à Sparte est un moyen de reconnaissance que tous les fascistes comprennent. Yaïr Lapid, le chef de l’opposition, a commenté en déclarant, le lendemain sur Radio 103FM : « Sparte a été détruite. Il est le fils d’un historien. Il m’a surpris. Sparte est une épée, pourquoi l’a-t-il citée ? Parce qu’il nous a transformés en un pays en guerre. Nous ne voulons pas être un État en guerre, nous voulons être un pays prospère, prospère et populaire dans le monde ». Il aurait surtout dû dire et répéter que Benzion Netanyahou était un fasciste et que Sparte est une référence indigne dans une démocratie, que les survivants de l’holocauste qui, fuyant à bord de l’Exodus, ont participé à la création de l’État d’Israël se retourneraient dans leur tombe en entendant le Premier ministre évoquer un mythe nazi et perpétrer un génocide.

Le 26 septembre, Benyamin Netanyahou déclarait aux Nations unies « qu’Israël doit finir le boulot » à Gaza, c’est-à-dire le génocide en cours. UN Photo/Loey Felipe

Comme si cela ne suffisait pas, Benyamin Netanyahou n’a cessé de mentir devant la 80ème session de l’Assemblée générale des Nations unies [5]. Dans une salle désertée par les trois quarts des délégations diplomatiques, il a prétendu que le Hamas avait massacré « 1 200 innocents », le 7 octobre, alors que, selon la presse israélienne, il avait ordonné aux FDI de tuer eux-mêmes des militaires et des civils pour qu’ils ne soient pas « faits prisonniers par l’ennemi » [6]. Il est donc responsable de la moitié des morts qu’il dénonce. Puis, il a prétendu que le Hamas appelait dans sa charte à « l’assassinat de tous les juifs sur la planète », ce qui n’y a jamais figuré. Il s’est vanté de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les civils gazaouis, alors que tous les experts non-Israéliens — et souvent Israéliens — constatent le contraire. Il a accusé tous ceux qui tentent de sauver les gazaouis d’être antisémites et de propager l’antisémitisme, sans se rendre compte que c’est sa politique, réalisée au nom d’un « État juif » autoproclamé, qui alimente cet antisémitisme. Il a accusé 90 % du peuple palestinien d’avoir soutenu les horreurs du 7 octobre, alors qu’ils ont soutenu une opération militaire de l’ensemble de la Résistance (excepté le Fatah) et se sont largement désolidarisés des crimes commis ce jour-là. Il a accusé les Palestiniens de ne pas vouloir d’État indépendant à côté d’Israël, mais à la place d’Israël, alors que Yasser Arafat a signé les accords d’Oslo aux côtés de Yitzhak Rabin acceptant la « solution à deux États ». Et ainsi de suite.

Quand admettrons-nous que Benyamin Netanyahou n’est plus un démocrate et qu’il est de notre devoir de le combattre avant qu’il n’ait tué tous les gazaouis et commencé à épurer les Israéliens ? Plus que tout autres, les Israéliens, dont les parents ont été trahis par leurs patries et livrés à la barbarie nazie, devraient s’insurger contre ce que l’État d’Israël est en train de devenir, non seulement contre les arabes, mais aussi contre eux.

Notes:

[1] « Netanyahou et le nazisme », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 23 septembre 2025.

[2] « Pratiques et activités d’implantation israéliennes affectant les droits du peuple palestinien et des autres Arabes des territoires occupés » (référence A/79/363), Comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme du peuple palestinien et des autres Arabes des territoires occupés, Nations unies, 20 septembre 2025.

[3] Le passage a été coupé dans le texte diffusé sur le site internet du Premier ministre, mais il est visible sur le vidéo de l’évènement. Son intervention commence à 4h27’’. « PM Netanyahu’s remarks at the “Fifty States – One Israel” Event at the Ministry of Foreign Affairs, with the largest delegation of American legislators to ever visit Israel », Prime Minister’s Office, September 15, 2025. « כנס אגף החשב הכללי לדורותיו », YouTube.

[4] « Le coup d’État des straussiens en Israël », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 7 mars 2023.

[5] « Discours de Benyamin Netanyahou devant la 80° session de l’Assemblée générale des Nations unies », par Benyamin Netanyahou, Réseau Voltaire, 26 septembre 2025.


- Source : Réseau Voltaire

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