La justice interdit l'arrêt des soins de Vincent Lambert
Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a suspendu aujourd'hui la décision de l'hôpital de Reims d'arrêter l'alimentation du jeune tétraplégique Vincent Lambert. Le cas déchire la famille.
Vincent Lambert restera en vie. C'est l'ordonnance qu'a rendue le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne jeudi matin, après qu'il eut été saisi mercredi en urgence par des membres de la famille du jeune tétraplégique pour stopper le processus de fin de vie lancé pour la deuxième fois par le CHU de Reims, où le jeune handicapé est hospitalisé depuis cinq ans.
Les neuf juges du tribunal ont ainsi suivi les conclusions du rapporteur public qui leur avait demandé d'ordonner à l'hôpital la suspension immédiate de l'exécution du processus de fin de vie et le maintien, jugeant qu'«une atteinte grave et manifestement illégale au droit fondamental à la vie» (article L521-2 du Code de justice administrative) était commise. Pour la justice, Vincent Lambert n'est «ni malade ni en fin de vie» - même s'il a jugé que la loi Leonetti pouvait s'appliquer à son cas -, «la poursuite du traitement n'était ni inutile ni disproportionnée et n'avait pas pour objectif le seul maintien artificiel de la vie. (...) Les signes de sa volonté de mourir n'ont pu être déterminés avec un degré suffisant de certitude (et ont été)surinterprétés» par l'équipe médicale.
« C'est rajouter de la violence à la violence »
Rachel Lambert, l'épouse de Vincent Lambert«C'est une très grande victoire pour la vie de Vincent Lambert, dont même les médecins reconnaissaient que personne ne pouvait interpréter ses prétendus signes de volonté de mourir, s'est réjoui Me Jérôme Triomphe, avocat des parents de Vincent Lambert et de deux de ses huit frères et sœurs. C'est une victoire du droit, une décision rendue par neuf juges sur avis conforme du rapporteur public, c'est une lecture de la loi Leonetti à la lumière de la dignité. C'est une victoire pour tous les handicapés.» Et d'ajouter: «J'espère maintenant que le CHU de Reims et ceux qui le soutiennent sauront accepter cette décision pour que l'unité soit faite autour de Vincent.»
S'il devait faire appel de cette ordonnance, le CHU aurait un délai de quinze jours pour saisir le Conseil d'État. La décision du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne étant exécutoire, l'hôpital ne peut rien entreprendre avant de passer éventuellement devant la haute juridiction. L'établissement qui a organisé une conférence de presse jeudi dans ses locaux pour réagir à l'injonction du tribunal a fait savoir qu'il n'avait pas encore arrêté sa décision sur un recours éventuel. «On va prendre le temps d'analyser les motivations du tribunal avant de proposer éventuellement un recours auprès du Conseil d'État», a commenté Me Catherine Weber-Seban, avocate du CHU de Reims, et du Dr Éric Kariger. Si cela ne tenait qu'à ce dernier, ce serait déjà fait. «Je pense que nous devons contester cette décision en Conseil d'État, a-t-il dit. Mais je ne suis pas seul à décider dans la mesure où ce jugement met en cause mon établissement.»
Conflit familial
Au conseil d'État, on observe que ce genre de dossier «est très rare» devant la haute juridiction. «Nous n'avons pas eu à traiter d'affaire similaire jusqu'alors, dit-on, seulement un contentieux disciplinaire contre des médecins qui avait pratiqué un geste pouvant être assimilé à un acte d'euthanasie alors que la loi ne le permettait pas.»
Le Dr Éric Kariger, qui avait lancé un premier processus de fin de vie en avril dernier, alors déjà stoppé en urgence par la justice en mai, ne cache pas sa déception. «Je pense beaucoup à la femme de Vincent et à l'ensemble de la famille, a-t-il déclaré. Le conflit familial va rester lui aussi suspendu.» «C'est rajouter de la violence à la violence», a en effet réagi Rachel Lambert, l'épouse de Vincent.
Du côté des parents, qui avaient saisi la justice pour s'opposer à l'euthanasie, «c'est un soulagement». «Tout ce que l'on souhaite maintenant, c'est que la famille retrouve un apaisement, et avec son épouse aussi», espère malgré tout la mère.
- Source : Le Figaro