Claque pour les conservateurs, montée du UK Independance Party : les élections locales préfigurent-elles un glissement de terrain de la politique britannique ?
Jeudi 2 mai 2013, dix-huit millions de Britanniques étaient appelés à voter pour leurs conseillers municipaux dans 35 autorités locales britanniques, deux ans avant les élections législatives du 7 mai 2015. Les bureaux de vote étaient ouverts de 7 heures du matin jusqu’à 22 heures et 2300 sièges étaient à pourvoir dans 34 autorités locales en Angleterre et à Anglesey au Pays de Galles. Depuis 2009, les conservateurs détenaient 1452 des 2392 sièges. Les libéraux-démocrates en détenaient 481 et les travaillistes 245. Ces élections à mi-mandat constituent donc un test pour le gouvernement de coalition, qui a pris des décisions courageuses, mais impopulaires depuis le 11 mai 2010.
Une élection partielle a également eu lieu à South Schields, dans la circonscription de l’ancien ministre des Affaires étrangères travailliste David Miliband, qui a abandonné la vie politique britannique pour partir aux États-Unis travailler dans le secteur humanitaire. Le taux de participation pour l’élection partielle de South Schields a été assez faible avec seulement 39,3%. La candidate travailliste Emma Lewell-Buck l’a emporté avec 12 493 voix (50,5%) contre le candidat du parti nationaliste UK Independence Party Richard Elvin, arrivé en seconde position avec 5 988 voix, devant les conservateurs qui sont troisièmes avec 2 857 voix et les libéraux-démocrates qui n’arrivent qu’en septième position, enregistrant un résultat désastreux.
Ces élections locales montrent la percée du parti nationaliste xénophobe UK Independence Party de Nigel Farage, qui gagne 140 sièges (plus de 26% des voix) : 16 sièges dans le Lincolnshire, 10 dans le Hampshire, 9 dans l’Essex, 3 dans le Gloucestershire, 3 dans le Somerset et un dans le Dorset. Le UK Independence Party constitue un grand défi pour les grands partis politiques britanniques, parti conservateur, travailliste et libéral-démocrate confondus. Tandis que l’élite politique de Westminster est de plus en plus déconnectée de la vie quotidienne des Britanniques, le UK Independence Party a fait de l’immigration son thème principal de ces deux semaines de campagne à travers l’Angleterre et gagne du terrain dans le Devon et le Norfolk. Le UK Independence Party souhaite un retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne et l’organisation d’un référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne avant la fin de 2013.
Ce résultat est une sanction pour le gouvernement de coalition. Les conservateurs ont perdu 336 sièges : si ils conservent la maîtrise de leurs fiefs traditionnels de l’Essex, du Dorset, du Devon, du Hampshire, du Hertfordshire et du Somerset, du West Sussex et du Surrey, ils ont perdu le contrôle des conseils du Lincolnshire, du Gloucestershire, du Cambridgeshire et du Warwickshire. Ils gardent certes le contrôle du Suffolk, mais ils subissent des pertes importantes face à la montée des travaillistes qui gagnent 11 sièges et du UKIP qui gagne 8 sièges. Les libéraux-démocrates perdent 124 sièges. Le parti travailliste a gagné 290 sièges par rapport à 2009, mais ils n’enregistrent qu’une modeste progression dans le Sud et dans les Midlands, et ne gagnent que deux conseils (le Derbyshire et le Lancashire). La campagne du chef du parti travailliste n’a pas été convaincante et Ed Miliband continue à nier les problèmes économiques laissés par son parti au pouvoir entre 1997 et 2010.
L’Angleterre est divisée en deux avec d’un côté le Sud prospère et le Nord touché de plein fouet par la crise économique. L’électorat du Sud vote traditionnellement conservateur, tandis que l’électorat du Nord apporte son soutien aux travaillistes. Le déclin des libéraux-démocrates accentue l’écart entre l’avance des conservateurs au Sud et l’avance des travaillistes au Nord. Cependant, le UK Independence Party constitue une menace pour les conservateurs comme pour les travaillistes et traduit une désaffection des partis traditionnels dans l’opinion. La vie politique britannique se joue désormais à quatre et les trois grands partis devront tenir compte de la victoire historique de Nigel Farage qui a envoyé une onde de choc aux hommes politiques.
Le Premier ministre David Cameron va-t-il amorcer un virage à droite pour faire face à la montée du UK Independence Party qui enregistre une progression remarquable et mord sur l’électorat traditionnel des conservateurs ? Les conservateurs gardent certes la majorité avec 1124 sièges, les travaillistes arrivent en deuxième position avec 557 sièges, les libéraux-démocrates gagnent 370 sièges et le UK Independence Party fait son entrée comme quatrième parti avec 358 sièges. La poussée du UK Independence Party va-t-elle se maintenir et vont-ils réussir à gagner un siège de député aux élections législatives de 2015 ? Il est encore trop tôt pour le dire et le scrutin majoritaire uninominal à un tour pour les élections à la Chambre des Communes assure le maintien du bipartisme britannique et favorise les conservateurs et les travaillistes, au détriment des petits partis. En revanche, les élections européennes de 2014, qui sont au scrutin proportionnel, devraient être une grande victoire du UK Independence Party qui pourrait arriver en seconde position. Si les électeurs britanniques votaient comme ils ont voté hier, les travaillistes remporteraient les élections législatives de 2015 avec 331 sièges, les conservateurs se retrouveraient dans l’opposition avec 243 sièges et les libéraux-démocrates n’obtiendraient que 50 sièges à la Chambre des Communes, néanmoins le UKIP n’obtiendrait aucun siège de député.
- Source : Sophie Loussouarn via Atlantico