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Alors que s'aggrave le bilan des naufrages en Méditerranée, l'UE et les USA préparent de nouvelles actions militaires en Libye

Auteur : Martin Kreickenbaum | Editeur : Walt | Vendredi, 24 Avr. 2015 - 09h13

Les puissances européennes et Washington répondent aux noyades de masse dont sont victimes les réfugiés en Méditerranée par l’intensification de la politique criminelle déjà à l’origine de la catastrophe.

La ligne générale adoptée par les représentants des gouvernements et promue par les médias est de faire porter le blâme de la catastrophe humanitaire aux trafiquants qui cherchent à profiter de la misère des masses en Libye, en Syrie et dans les autres pays de la région. En même temps ils ignorent délibérément le fait que les conditions catastrophiques existant dans ces pays sont le résultat direct des guerres et des opérations de changement de régime menées par les Etats-Unis et les puissances européennes.

Avec une parfaite hypocrisie, les chefs de gouvernement européens et les fonctionnaires de l’UE versent des larmes de crocodile sur les victimes de leurs propres crimes de guerre.

Les médias ne disent pratiquement rien sur les guerres dites « humanitaires », pour « la démocratie » et les « droits de l’homme » menées par Washington et ses complices européens en Irak, en Libye, en Syrie et au Yémen, qui ont détruit des sociétés entières, tué des centaines de milliers de personnes et laissé dans leur sillage le chaos et l’effusion de sang. Les statistiques de l’ONU montrent que le flux de migrants vers l’Europe en provenance d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient via la Méditerranée a commencé à s’accroitre après 2011, l’année de la guerre des Etats-Unis et de l’OTAN contre la Libye. Celle-ci y a renversé Mouammar Kadhafi et s’est terminée par son assassinat aux mains de forces islamistes liées à Al-Qaïda et à la solde de Washington et de ses alliés européens, menés par la France et la Grande-Bretagne.

Les éléments criminels impliqués dans le trafic des réfugiés libyens, syriens, irakiens et d’autres pays fuyant les horreurs produites par les guerres impérialistes et les opérations de pillage, sont du menu fretin par rapport aux responsables de gouvernements, anciens et actuels, tels que Barak Obama, Hillary Clinton, David Cameron et Nicolas Sarkozy, qui sont politiquement et moralement responsables de la mort de millions de personnes, y compris de celle des réfugiés victimes de noyades.

Lors d’une réunion spéciale des ministres des Affaires étrangères et de l’Intérieur de l’Union européenne, à Luxembourg lundi, des plans pour une nouvelle intervention impérialiste en Libye ont été discutés. Les gouvernements des Etats de l’UE cherchent à obtenir un mandat des Nations Unies pour l’utilisation de navires de guerre le long de la côte libyenne pour y détruire les bateaux de réfugiés et appréhender les trafiquants. Dans les coulisses, des options militaires de plus grande ampleur sont à l’étude, y compris la saisie de plates-formes pétrolières et de raffineries en Libye.

La réunion ministérielle a été convoquée après la noyade en Méditerranée, dans l’espace d’une semaine, d’au moins 1.200 réfugiés d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient cherchant asile en Europe. Le nombre de migrants cherchant à atteindre l’Europe et tués cette année a augmenté à près de 2000, près de 50 fois le nombre au cours de la même période l’an dernier.

« J’espère que c’est aujourd’hui le point de la prise de conscience européenne de ne pas répéter des promesses sans actions », a déclaré la dirigeante de la politique étrangère de l’UE Federica Mogherini.

Le plan en dix points adopté par les ministres européens et devant être approuvé jeudi par les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE implique une extension des opérations policières et militaires pour bloquer l’arrivée des réfugiés sur les côtes européennes. Le financement de la mission « Triton » gérée par l’Agence européenne des frontières Frontex va être doublé, comme le nombre de bateaux à sa disposition. Cela lui permettra d’élargir sa zone d’opérations depuis les côtes italiennes jusqu’à celles de la Libye et de la Tunisie.

Malgré les fortes doses de rhétorique humanitaire, l’objectif principal de l’opération n’est pas le sauvetage des réfugiés, mais la défense de la « forteresse Europe ».

« La recherche et le sauvetage seuls ne sont pas une panacée », a déclaré le ministre allemand de l’Intérieur Thomas de Maizière. « Si vous ne faites qu’organiser la recherche et le sauvetage, les criminels qui embarquent les réfugiés ne feront qu’envoyer plus de bateaux ».

L’essentiel des propositions avancées lundi par le commissaire de l’UE pour la Migration, la Justice et les Affaires intérieures, Dimitris Avramopoulos, est un « effort systématique pour traquer et détruire les bateaux utilisés par les trafiquants ». Le modèle d’un tel effort est l’Opération « Atalanta » dans laquelle les forces navales traquent les bateaux gonflables des contrebandiers au large des côtes de Somalie et détruisent leurs campements sur terre.

Bien qu’aucun détail des opérations militaires prévues n’ait été fourni, Mogherini a indiqué que l’UE recherchait un mandat du Conseil de sécurité de l’ONU pour détruire les bateaux de réfugiés le long des plages libyennes et dans les ports du pays.

Le Premier ministre britannique David Cameron, la chancelière allemande Angela Merkel et le Premier ministre italien Matteo Renzi se sont félicités de la décision d’accorder à la lutte contre le trafic de réfugiés une priorité dans l’agenda européen. Alors que le gouvernement britannique a refusé de fournir des ressources pour l’aide au sauvetage des réfugiés, Cameron a signalé la volonté de Londres de soutenir l’action militaire. « Nous devons sévir contre les terribles trafiquants et contrebandiers qui sont au cœur de ce problème », a t-il dit.

Le journal britannique The Guardian a cité des chefs militaires qui ont fourni un aperçu des opérations en cours d’examen. Le commandant Graham Edmonds a évoqué la possibilité d’un blocus naval conjoint par les forces navales européennes et américaines.

Il a déclaré à ce journal: « C’est un devoir d’aider les gens en détresse. C’est le droit maritime international. Vous ne pouvez pas laisser les gens se noyer. Vous pouvez instaurer un blocus et empêcher ces bateaux de venir ».

Il a ajouté que la Sixième flotte américaine pourrait également être impliquée. « Les Américains ont été très silencieux, » a-t-il dit. « S’ils se trouvent dans des eaux internationales, la Sixième flotte pourrait s’en occuper ».

L’ancien chef des libéraux-démocrates de Grande-Bretagne, Paddy Ashdown, a appelé à une « nouvelle stratégie » pour lutter contre les passeurs, y compris l’utilisation de « Forces spéciales d’interdiction pour détruire les bateaux avant qu’ils ne quittent le port ».

Bien que le premier ministre italien Matteo Renzi ait dit qu’une intervention militaire directe en Libye n’était pas à l’ordre du jour actuellement, il a déclaré cette semaine, « une attaque des gangs de la mort, une attaque des passeurs de réfugiés sont parmi les considérations ».

L’élite dirigeante italienne fait pression depuis un certains temps pour une action militaire dans son ancienne colonie libyenne. Selon l’agence Reuters, des plans détaillés pour une intervention militaire beaucoup plus large ont déjà été mis au point par le bureau du chef de la politique étrangère de l’UE, Mogherini. Une porte-parole de Mogherini a déclaré que les Etats de l’UE allaient soumettre des propositions en vue d’utiliser des ressources militaires de l’UE pour créer un gouvernement libyen unitaire.

Il y a aussi des discussions sur le déploiement de soldats européens pour sécuriser les installations pétrolières de la Libye. Une opération de l’UE se concentrerait sur Tripoli, mais pourrait, selon Reuters, « intervenir aussi dans ‘l’arc pétrolier’ pour permettre aux entreprises internationales de recommencer les opérations ».

La production de pétrole en Libye a chuté de 50 pour cent depuis la guerre de l’OTAN en 2011. En décembre dernier, les plus grands terminaux pétroliers du pays, Es Sider et Ras Lanouf, ont dû être fermés à la suite de combats entre milices rivales.

L’élite dirigeante allemande, qui s’est abstenue de participer à la guerre de l’OTAN contre la Libye en 2011, milite pour une participation allemande à toute action militaire pour s’assurer une part du butin. Dans une récente interview, le ministre des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier a affirmé la nécessité de « renforcer la stabilité en Libye » et de « mettre un terme enfin aux organisations de trafiquants ».


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