Ne quittez pas, le gouvernement est à votre écoute
En quelques jours, le projet de société que nous concoctent tendrement les socialistes au pouvoir s’est nettement précisé, et, il faut bien le reconnaître, c’est un projet ambitieux, plein de promesses alléchantes pour les futurs collaborateurs participants au régime à venir. Pour les autres, ceux qui résisteraient ne seraient pas d’accord, il conviendra de leur rappeler qu’après tout, c’est la démocratie, et qu’en attendant qu’ils puissent retrouver le pouvoir (on ne sait jamais, hein), c’est comme ça et puis c’est tout.
Jusqu’ici, on ne voyait que quelques orientations générales, comme la baisse progressive du niveau d’instruction dans les collèges (camouflée par l’introduction toujours plus foisonnante de termes ridicules), une décontraction de plus en plus marquée face à la sanction pénale (sauf celle des opposants, bien sûr), une laïcité délicieusement orientée, etc… (Je vous laisse compléter la liste avec les lubies du moment.)
Mais cette semaine, on comprend que ces réformes, ces changements, ces éléments de langage ne sont que les petites pièces, pour l’instant disjointes, d’un grand puzzle sociétal hardi où le peuple français va enfin pouvoir goûter, de façon très progressive, aux multiples facettes bigarrées du vivrensemble intrusif socialiste tout à fait réjouissant.
Et ce projet vise à passer, tranquillou tout doux, de l’ochlocratie qu’est devenue la Cinquième République à une dictature soft très maline.
Je m’explique.
Il semble déjà évident que la démocratie républicaine française a vécu.
Le régime actuel, bâtardise entre un régime parlementaire et un présidentiel, permet toutes les lâchetés à commencer par celle qui consiste à faire gouverner par un fusible et conserver le pouvoir même lorsque les élections intermédiaires montrent un profond malaise démocratique. À ce point technique déjà désagréable, il faut ajouter l’évidence scandaleuse que les lois ne sont plus votées ni par une majorité du peuple, ni même par une majorité de ses représentants.
La loi Santé, empilement d’articles collectivistes, déresponsabilisants et scandaleux, fut votée avec 35 députés présents, qui ne comptaient même pas l’auteur de la loi dans ses rangs. La loi sur le Renseignement, encore plus inique et lourde de conséquences, n’a pas réussi à mobiliser plus de 30 péquins. Les autres avaient poney, piscine ou roupillaient, l’horaire du vote, commodément débile (en pleine nuit), ajoutant le côté nocturne à une loi déjà fort sombre. C’est entendu : la démocratie française est maintenant une blague, et vous savez pourquoi.
Cette blague se double du foutage de gueule permanent que constitue un certain nombre de députés dans les rangs des parlementaires.
J’ai déjà évoqué le cas, pathétique et parfaitement illustratif, du député De Rugy qui réclamait, comme seuls les cuistres et les hypocrites savent le faire sans honte, de rendre le vote obligatoire, alors qu’il est régulièrement absent aux votes, même cruciaux. Ça n’a pas loupé : les idées les plus veules sont toujours les mieux acceptées dans les rangs de ceux qui vivent du mensonge : Claude Bartolone n’a donc pas tardé à la reprendre à son compte.
Eh oui : les droits qui se transforment en devoirs, c’est pour les autres, la piétaille citoyenne, pas pour eux, oints du suffrage universel. Oublié, le fait que l’essence même du député, c’est précisément le vote ! Oublié le fait que ce pourquoi il est indemnisé, c’est effectivement pour se fader ce périlleux exercice démocratique ! Oublié que l’unique raison d’être de son mandat, c’est d’être présent et d’effectuer le vote qui représente celui de ses électeurs. Bartolone, De Rugy et ceux qui soutiennent ce vote obligatoire n’en ont rien à carrer, puisque l’obligation serait pour vous, pas pour eux. Bien sûr, on sait que se cache ici un désir d’asseoir solidement le financement des partis politiques qui dépendent intimement du nombre de votes reçus. Le vote obligatoire, c’est l’assurance d’un fond de roulement. Mais au-delà, c’est surtout l’assurance que le peuple devra absolument choisir dans la palette pré-sélectionnée et rien d’autre. Les mécontents choisiront blanc, et l’affaire sera pliée.
Et le plus beau, dans cette histoire, c’est que les Français seraient pour.
C’est là que la magie du basculement de la démocratie à l’ochlocratie opère véritablement. Ici, la décision sera prise sur la base de sondages, qui, heureux hasard, sont assez coquettement favorables à la mesure. Pour la loi sur le Renseignement, même topo et hasard aussi judicieusement heureux : pouf, les Français sont, dans leur bonne majorité, favorable aux mesures ! Rassurez-vous, si la loi Santé contient de vrais morceaux de totalitarisme, peu importe parce que, tenez-vous bien, là encore ça tombe bien, les Français sont favorables au tiers-payant !
Pratique : on demande de façon détendue si l’on est pour le renforcement des moyens donnés aux renseignements pour lutter contre les terroristes, et la réponse est assez fréquemment oui. Ça tombe bien, la Loi sur le Renseignement contient ce volet (et plein d’autres, mais peu importe ici). On demande si l’on est pour l’instauration d’un tiers-payant. Pratique, ce sont les autres qui payent ! Et ça tombe bien là encore, la Loi Santé contient un beau volet pour (et plein d’autres, mais peu importe ici). Quant au vote obligatoire, qui serait contre l’expression même de la citoyenneté, à l’heure où la Rrrrrépublique a tant besoin que nous soyons tous soudés ?
De sondage en sondage, de votes comptant toujours moins de députés à l’Assemblée, on est passé d’une parodie déjà grotesque de démocratie à une ochlocratie qui ne se cache même plus. L’étape d’après est toute tracée.
Les moyens de « renseignement » étant en place, il ne sera même plus nécessaire de faire ces sondages.
Magie de l’internet, des boîtes noires de l’État aux bons endroits, et du Big-Data sur vos métadonnées, le pouvoir en place saura assez finement ce qu’il est capable de faire passer, en pleine nuit, par 20 ou 25 députés godillots, parce qu’ils saura assez précisément ce que vous pensez. Il ne s’en cache même pas : votre vie privée n’est plus un droit et vous n’avez plus la liberté de vous protéger des incursions de l’État.
« Il n’y a aucun article de cette loi qui remet en cause les libertés. En revanche, il y a des dispositions qui peuvent être considérées comme remettant en cause la vie privée et le droit à la vie privée. »
Rendez-vous à l’évidence : s’ils mettent des boîtes noires partout, ce n’est pas pour trouver les terroristes (dont ils se foutent complètement), mais c’est bel et bien pour savoir ce que vous pensez, ce que vous serez prêts à accepter et comment vous le faire accepter. C’est un outil formidable pour modeler les foules, pour vous manipuler.
Or, si on peut largement parier sur un FAIL magnifique de ces techniques contre le terrorisme, si on peut aussi parier sur la médiocrité des administrations de l’État en matière d’informatique (vu le nombre de ratés dans le domaine, une réussite serait, littéralement, une première), en revanche, s’il y a bien un domaine où nos politiciens excellent, c’est celui de la manipulation des foules, des opinions et des passions. Et comme leur gagne-pain en dépend ultimement, vous pouvez aussi parier qu’ils mettront la dernière énergie à faire fonctionner leurs systèmes suivant ce beau (et caché) cahier des charges.
Gouverner, ce n’est plus prévoir, c’est lire dans vos pensées.
- Source : Hashtable