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De la métamorphose du gouvernement et de l’armée US en Meurtres & Compagnie - Paul Craig Roberts

Auteur : Paul Craig Roberts-Traduction Etienne | Editeur : Walt | Mardi, 31 Mars 2015 - 21h23

Andrew Cockburn vient de sortir un ouvrage que chacun devrait lire. Son titre est Kill Chain : The Rise of the High-Tech Assassins [Meurtres en série : l’âge de l’assassinat de haute technologie]. Et son titre pourrait tout aussi bien être : De la métamorphose du gouvernement et de l’armée des USA en Meurtres & Compagnie.

L’armée des USA ne mène plus de guerres. Elle pratique l’assassinat, et généralement des mauvaises personnes. Les principales victimes des meurtres perpétrés par la politique étrangère des Etats-Unis sont des femmes, des enfants, des chefs de village, des participants à des mariages, à des enterrements, et parfois même des soldats américains confondus avec des talibans par les moyens de surveillance US, qui travaillent avec une acuité visuelle comparable à la définition légale de la cécité.

Cockburn nous explique comment l’élément humain a été écarté, pour faire place à des exécutions depuis des milliers de kilomètres, guidées par l’interprétation approximative d’images peu claires collectées par des drones et des senseurs. Cockburn nous montre que le système panoptique de surveillance par drones est un fiasco opérationnel, mais qu’il reste soutenu par les industries de l’armement en raison de sa forte profitabilité, et par les haut gradés militaires qui, à l’exception du Général Paul Van Riper, sont endoctrinés dans la croyance que le progrès dans les affaires militaires passe par le remplacement de l’élément humain par l’électronique. Cockburn démontre que cette croyance résiste à toutes les preuves du contraire. L’armée des USA en est maintenant arrivée au point où le Secrétaire à la Défense Chuck Hagel a désactivé la production des chasseurs de support au sol A-10 et des avions espions U-2 en faveur du système de drones Global Hawk (Faucon Global), bien que celui-ci ait montré son inefficacité opérationnelle. Avec le A-10 et le U-2, ce sont les dernières plateformes permettant à un œil humain d’observer ce qui se passe au sol qui ont disparu.

Les technologies de surveillance par senseurs ne peuvent détecter les empreintes de pas dans la neige. C’est pourquoi des drones ont pu conclure que le sommet d’une montagne n’était pas tenu par l’ennemi, et ont envoyé un détachement de SEALS [des sections d’assauts, NdT] non préparés, qui se sont fait laminer. Comme les gadgets technologiques continuaient à insister sur l’absence d’ennemis, un deuxième groupe de SEALS a été envoyé se faire abattre, puis un détachement de Rangers. Finalement, un pilote de A-10 a volé au-dessus de la scène et a rapporté la présence de forces ennemies.

En 2012, même l’US Air Force, qui fait pourtant une confiance aveugle aux systèmes de drones sans pilotes, avait expérimenté plus de dysfonctionnements qu’elle ne pouvait l’accepter. L’Air Force a fini par admettre que le U-2 vieux de 50 ans, pouvait voler plus haut, durant de mauvaises conditions climatiques, et prendre de meilleures photos que le système Global Hawk au coût exorbitant, et il a déclaré que ce système devait être abandonné.

La décision était soutenue dans un rapport du bureau des essais du Pentagone datant de 2011, attestant que le système par drones n’était pas efficace d’un point de vue opérationnel. Parmi ses nombreux défauts, on trouve l’incapacité à remplir les missions qui lui sont assignées, et ce 75% du temps. Le président du Comité des chefs d’état-major interarmées avait indiqué au Congrès qu’en plus des taux d’échecs inacceptables du système de drones, celui-ci «en est arrivé à présenter un coût dépassant notre capacité à le financer».

Et, comme le rapporte Cockburn, «cela n’a fait aucune différence. Le Congrès, mené par le président du Comité des forces armées de la chambre Buck McKeon, et le membre démocrate du Congrès Jim Moran (dont le district du Nord de la Virginie abrite les sièges de Northrop et Raytheon), a fait la sourde oreille, et a obligé l’Air Force à continuer à acheter le drone non désiré».

Cockburn évoque de nombreux exemples illustrant l’échec complet de la révolution des drones lancée par quelques rêveurs déconnectés de la réalité, comme Andrew Marshall, John Foster, William Perry et David Deptula, et qui a énormément coûté à l’armée et aux contribuables des Etats-Unis. On peut trouver de nombreux exemples de défaillances, à vous briser le cœur. Dans presque tous les cas, les victimes sont des innocents vaquant à leurs occupations.

Le livre commence avec l’histoire de trois véhicules remplis de personnes du même village et se dirigeant vers Kaboul. Certains étaient des étudiants retournant à l’Université, d’autres des vendeurs se rendant à la capitale pour refaire leurs stocks, d’autres encore des hommes sans emploi se dirigeant vers l’Iran pour y chercher du travail, et d’autres enfin étaient des femmes amenant des présents à des amis. Ce groupe de citoyens ordinaires, représentés sur les écrans de contrôle par de vagues images, a été délibérément pris pour un commandant des talibans menant ses troupes pour attaquer une patrouille des forces spéciales états-uniennes, comme le prouvent les conversations enregistrées entre assassins et opérateurs de drones. Les civils innocents ont été réduits en lambeaux.

Le second chapitre nous parle des So Tri, un peuple indigène des régions reculées du Laos sud-oriental. Ils ont été bombardés pendant neuf ans par ces imbéciles de militaires américains, qui avaient parsemé leur territoire de senseurs déclenchant les bombardements lorsqu’une présence humaine était détectée. Les équipements high-tech avaient pris les villageois pour des Viet Cong se déplaçant sur des routes à travers la jungle.

Les histoires déchirantes se suivent et s’accumulent. Si la surveillance suspecte la présence d’une cible importante dans un restaurant, celui-ci est entièrement détruit par un missile Hellfire (Feux de l’Enfer), sans se soucier du nombre d’innocents qui feront partie des dommages collatéraux. Rappelons-nous qu’Israël dénonce les terroristes qui se font exploser dans les restaurants israéliens. Les pratiques militaires états-uniennes sont bien pires.

En d’autres occasions, les USA iront assassiner un descendant d’une cible importante, en partant du principe que la cible ira assister à son enterrement; celui-ci sera anéanti depuis les airs, que la cible soit présente ou non.

Comme les meurtres ne sont pas séparés, les militaires US établissent que tous les hommes tués sont des cibles identifiées. En général, les Etats-Unis n’admettront pas la mort de personnes non visées, et certains officiels sont allés jusqu’à affirmer que de telles morts ne se produisaient pas. Des mensonges flagrants et éhontés, énoncés sans scrupules, afin de protéger la production onéreuse de matériel high-tech opérationnellement inefficace, qui engendre des milliards de dollars payés par les contribuables au complexe militaro-industriel, et de confortables salaires à sept chiffres versés par ce même complexe aux haut-gradés militaires après leur retraite.

En lisant ce livre, vous pleurerez sur votre pays, dirigé par ces monstres inhumains et sans aucune morale. Mais cet ouvrage n’est pas exempt d’humour. Il nous offre l’histoire du lieutenant général des Marines Paul Van Riper, le fléau de la révolution des drones dans les affaires militaires, qui n’a cessé d’exprimer son mépris pour les théories sans aucune base scientifique de la guerre des drones. Pour humilier le général Riper par une défaite, il a été sorti de sa retraite pour participer à une simulation de combat à grande échelle en tant que commandant de la force Rouge contre la force Bleue américaine gavée de joujoux high-tech.

La force Bleue, équipée d’une base de données massive (Operational Net Assessment), et croulant sous les acronymes, a été presque instantanément anéantie par le Général Riper. Il a coulé l’ensemble du groupe de combat protégeant le porte-avion, et toute l’armée Bleue avec lui. La guerre était finie. La force US du vingt-et-unième siècle, avec ses gadgets high-tech, était bloquée dans une vision prédéfinie et a été battue haut la main par un général des Marines non conformiste, avec des forces inférieures.

Le commandement des forces interarmées était vert de rage. Le général Riper a été informé que le résultat de la simulation était inacceptable et serait modifié. La flotte coulée a été remise à flot comme par magie, l’armée décimée ressuscitée, et la guerre a repris, mais cette fois avec des restrictions à n’en plus finir sur la force Rouge. Riper n’a pas été autorisé à abattre les transports de troupes des forces Bleues. Il a été exigé que tous les radars des forces Rouges soient mis en action afin que celles-ci puissent être facilement localisées et détruites. Les arbitres ont décidé, en dépit des faits, que toutes les frappes de missiles de Riper avaient été interceptées. La guerre high-tech a été déclarée victorieuse. Le rapport de Riper sur la défaite totale des forces Bleues, leur résurrection injustifiée, et le résultat truqué qui en découlait a aussitôt été classifié afin que personne ne puisse le lire.

La si profitable révolution des affaires militaires doit être protégée à tout prix, ainsi que la réputation des généraux incompétents qui forment le haut commandement actuel.

Le comportement infantile des militaires US, qui a permis de créer une victoire de toute pièce pour leur guerre high-tech, mais techniquement aveugle, nous montre à quel point ces militaires sont incapables de mener une vraie guerre. Le résultat net des actions armées états-uniennes en Afghanistan et en Irak a été de créer bien plus d’ennemis qu’ils n’en ont tués. A chaque fois qu’un missile détruit un rassemblement de village, un mariage, un enterrement, ou assassine des villageois se rendant à la capitale, ce qui arrive souvent, les USA se créent des centaines de nouveaux ennemis. C’est la raison pour laquelle, après quatorze ans de massacres en Afghanistan, les talibans contrôlent maintenant la plus grande partie du pays.

C’est pourquoi des guerriers islamistes ont créé un nouveau pays à partir de l’Irak et de la Syrie, malgré huit années de sacrifices américains en Irak, dont le coût a été estimé à un minimum de trois mille milliards de dollars par Joseph Stiglitz et Linda Bilmes. La manière américaine de conduire une guerre est évidemment un fiasco total pour tous, mais le système fonctionne en mode automatique.

La révolution dans les affaires militaires a décapité l’armée des USA, qui ne possède plus les connaissances, ni les capacités ou les personnels, pour mener une guerre. Si les généraux US, délirants de russophobie, arrivent à leurs fins et obtiennent une confrontation avec la Russie, les forces américaines seront détruites. L’humiliation de la défaite entrainera la guerre nucléaire, initiée par Washington.

Jetez donc un œil à ce qui, d’après Staislav Mishin, attend les imbéciles occidentaux: http://russia-insider.com/en/2015/03/22/4790


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