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Rejet mondial de l’agression des États-Unis contre le Venezuela

Auteur : Salim Lamrani | Editeur : Walt | Mercredi, 25 Mars 2015 - 09h11

L’annonce faite par la Maison-Blanche de décréter un état d’urgence nationale, dans le but de briser l’ordre constitutionnel au Venezuela, a unanimement été rejeté par la communauté internationale.

Le 9 mars 2015, Barack Obama a signé un ordre exécutif et a décrété un « état d’urgence » aux Etats-Unis en raison de la « menace inhabituelle et extraordinaire » que représenterait le Venezuela pour la sécurité nationale. Cette décision, hostile à l’égard d’une autre nation souveraine, est d’une extrême gravité et s’est accompagnée de nouvelles sanctions contre plusieurs fonctionnaires du gouvernement de la République latino-américaine.

Pour justifier une telle décision, la Maison-Blanche évoque « l’intimidation des opposants politiques » au Venezuela, exige « le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales » et demande « la libération de tous les prisonniers politiques, y compris des dizaines d’étudiants, le leader de l’opposition Leopoldo López ainsi que les maires Daniel Ceballos et Antonio Ledezma »,… mais n’évoque aucune menace concrète contre les Etats-Unis.

En effet, Washington ne fait allusion à aucune menace précise portée contre sa sécurité, ni à d’éventuelles armes stratégiques d’un pays – qui n’en possède aucune – qui se trouve à plusieurs milliers de kilomètres de ses côtes et qui, de son histoire, n’a jamais été en guerre contre les Etats-Unis, ni n’a agressé une autre nation. Au contraire, le Président vénézuélien Nicolás Maduro, démocratiquement élu en 2013 lors d’un scrutin reconnu pour sa transparence par tous les organismes internationaux, de l’Organisation des Etats américains à l’Union européenne, a toujours fait part de sa volonté d’établir des relations pacifiques et d’égal à égal avec le Voisin du Nord. Pour justifier sa décision, Obama fait uniquement référence à des faits qui relèvent de la situation interne du Venezuela et qui sont de la compétence unique et exclusive du peuple bolivarien, faisant ainsi preuve d’un acte d’ingérence – donc contraire au Droit international – dans les affaires internes d’une nation souveraine.

Cette nouvelle mesure marque une recrudescence de l’hostilité des Etats-Unis vis-à-vis de la démocratie vénézuélienne. En effet, depuis l’arrivée d’Hugo Chávez au pouvoir en 1999 et l’avènement de la Révolution bolivarienne, Washington n’a eu de cesse de déstabiliser le Venezuela. Le 11 avril 2002, l’administration Bush avait orchestré un coup d’Etat contre le Président Chávez et brisé l’ordre constitutionnel. L’intervention massive du peuple avait permis de mettre un terme à la dictature militaire la plus courte de l’histoire de l’Amérique latine (48 heures). En décembre 2002, Washington avait soutenu le sabotage pétrolier qui avait coûté plus de 10 milliards de dollars à l’économie vénézuélienne. Depuis, les Etats-Unis n’ont eu de cesse de soutenir l’opposition antidémocratique et putschiste, qui n’a pas hésité à recourir à la violence, comme le montre la vague meurtrière qui a frappé le pays en février 2014, pour obtenir par la force ce qu’elle a été incapable de remporter par les urnes. En effet, depuis 1998, la droite vénézuélienne a perdu 19 des 20 processus électoraux – reconnus comme transparents par toutes les instances internationales – qui se sont tenus sous la Révolution bolivarienne.

Caracas a immédiatement dénoncé une tentative de coup d’Etat à son encontre. L’annonce de Washington survient quelques semaines après que le Venezuela a révélé l’existence d’une conspiration, planifiée par l’opposition, destinée à renverser l’ordre constitutionnel, qui a conduit en prison le maire de Caracas Antonio Ledezma et plusieurs membres des forces armées, entre autres. Nicolás Maduro a ainsi déclaré que Barack Obama avait « assumé personnellement la tâche de renverser [s]on gouvernement, d’intervenir au Venezuela, et d’en prendre le contrôle ». « Il s’agit de la plus grave menace contre la nation de toute son histoire », a-t-il ajouté, rappelant que « personne ne peut croire que le Venezuela soit une menace pour les Etats-Unis ». L’objectif de Washington est évident, selon Maduro : avec les premières réserves en hydrocarbures au monde, le Venezuela est en effet une priorité stratégique pour les Etats-Unis, qui souhaitent contrôler ces ressources.

La mesure prise par les Etats-Unis à l’encontre du Venezuela a suscité le rejet unanime de la communauté internationale, y compris de ses plus fidèles alliés. L’Union européenne a déclaré qu’il était hors de question de s’aligner sur la politique de Washington et qu’elle « n’envisage[ait] pas [d’imposer] des mesures restrictives » contre Caracas. « L’Union européenne n’a pas à prendre de décision » concernant le Venezuela, a souligné José Manuel García-Margallo, Ministre espagnol des Affaires étrangères.

Mais les condamnations les plus fermes sont venues du Nouveau Monde. Cuba a été la première nation à fustiger le décret présidentiel le jour même de sa divulgation. La Havane a utilisé un langage diplomatique fort et a réaffirmé « son soutien inconditionnel […] au gouvernement légitime du Président Nicolás Maduro », montrant ainsi que le rapprochement avec les Etats-Unis n’interférait en aucune manière dans sa politique étrangère. La déclaration émise le 9 mars 2015 est édifiante :

« Le Gouvernement révolutionnaire de la République de Cuba a pris connaissance du Décret Présidentiel arbitraire et agressif émis par le Président des Etats-Unis contre le Gouvernement de la République Bolivarienne du Venezuela, qui qualifie ce pays comme une menace pour sa sécurité nationale […]

De quelle manière le Venezuela menace-t-il les Etats-Unis ? A des milliers de kilomètres de distance, sans armes stratégiques et sans employer de ressources ou de fonctionnaires pour conspirer contre l’ordre constitutionnel étasunien, la déclaration est peu crédible et met à nu les objectifs de ses auteurs. […]

Personne n’a le droit d’intervenir dans les affaires internes d’un Etat souverain ni de le déclarer, sans fondement aucun, comme étant une menace à sa sécurité nationale.

Tout comme Cuba n’a jamais été seule, le Venezuela ne le sera pas non plus ».

Lors du Sommet extraordinaire des chefs d’Etat de l’Alliance bolivarienne pour les Peuples de Notre Amérique (ALBA), tenu le 17 mars 2015, le Président cubain Raúl Castro a réaffirmé son soutien au Venezuela et a lancé un message explicite à Washington :

« Les Etats-Unis devraient comprendre une fois pour toutes qu’il est impossible de séduire ou d’acheter Cuba, ni d’intimider le Venezuela. Notre unité est indestructible.

Nous ne cèderons pas non plus d’un pouce dans la défense de la souveraineté et de l’indépendance, et ne nous tolèrerons aucun type d’ingérence, ni de conditionnement dans nos affaires internes.

Nous ne renoncerons pas à la défense des causes justes de Notre Amérique et du monde, et nous n’abandonnerons jamais nos frères de lutte. Nous sommes venus serrer les rangs avec le Venezuela et l’ALBA et ratifier que les principes ne sont pas négociables […].

Nous ne permettrons que l’on porte atteinte à la souveraineté ou que l’on brise la paix en Amérique latine ».

Pour sa part, l’Argentine a publié une longue déclaration rejetant les mesures hostiles adoptées par Washington et apportant son soutien à la démocratie vénézuélienne :

« Le Gouvernement argentin a pris connaissance avec inquiétude du contenu du Décret exécutif émis par le Gouvernement des Etats-Unis […]. La gravité d’une telle dénonciation cause non seulement de la consternation en raison de la dureté inhabituelle de ses termes, presque menaçants, mais elle provoque également de la stupeur et de la surprise.

Il est absolument invraisemblable pour toute personne moyennement informée que le Venezuela, ou n’importe quel autre pays sud-américain ou latino-américain, puisse constituer une menace pour la sécurité nationale des Etats-Unis d’Amérique du Nord.

Le caractère absurde et injuste de l’accusation est source de consternation […]. L’Argentine, tout comme les autres pays de la région […], rejette toute ingérence dans les affaires internes des autres Etats. En ce sens, l’Argentine lance un appel au Gouvernement des Etats-Unis pour qu’il évite l’usage d’un langage impropre pour un pays de son importance et de sa responsabilité en tant que puissance mondiale, ou de sanctions qui ont déjà démontré, dans d’autres cas, qu’elles conduisent uniquement à l’échec et à l’inimitié entre les peuples et leurs gouvernements ».

De son côté, le Président bolivien Evo Morales a exigé des Etats-Unis qu’ils « demandent pardon à l’Amérique latine, et en particulier au Venezuela ». L’Amérique latine refuse « toute intervention militaire [ou] menace contre la démocratie et contre nos révolutions », a-t-il ajouté.

L’Equateur a qualifié la décision de Washington de « grotesque » et de « grave risque pour la paix et la démocratie dans la région ». « Il ne manque plus que l’on sanctionne les électeurs vénézuéliens », a annoncé sur un ton sarcastique son président Rafael Correa. Pour sa part, le Nicaragua a exprimé «  son profond rejet et indignation face à cette déclaration inacceptable de facture impériale ».

L’ancien président de l’Uruguay, Pepe Mujica, considéré comme étant la conscience morale du continent latino-américain, a condamné l’attitude agressive des Etats-Unis  : « Je n’ai pas besoin de preuves pour savoir que les Etats-Unis s’immiscent dans les affaires internes du Venezuela. Il faut être fou pour oser dire que le Venezuela peut être une menace. Ils [les Vénézuéliens] ont une Constitution merveilleuse, la plus audacieuse d’Amérique latine. Nous avons besoin d’une Venezuela indépendante ».

Les organismes latino-américains ont également stigmatisé le décret présidentiel d’Obama. L’Union des nations sud-américaines (UNASUR), qui regroupe les 12 pays d’Amérique du Sud, a unanimement rejeté l’ingérence étasunienne. Dans une déclaration commune, l’UNASUR a dénoncé un acte hostile :

« Les Etats membres de l’Union des nations sud-américaines font part de leur rejet du Décret exécutif du Gouvernement des Etats-Unis d’Amérique, approuvé le 9 mars 2015, car il constitue une menace d’ingérence contre la souveraineté et le principe de non-intervention dans les affaires internes des autres Etats.

Les Etats membres de l’UNASUR réaffirment leur engagement en faveur de la pleine application du Droit International, de la Solution pacifique des controverses et du principe de Non-intervention, et réitèrent leur appel aux gouvernements afin qu’ils s’abstiennent d’appliquer des mesures coercitives unilatérales qui contreviennent au Droit International.

L’UNASUR réitère son appel au gouvernement des Etats-Unis d’Amérique afin qu’il évalue et mette en pratique des alternatives de dialogue avec le gouvernement du Venezuela, sous les principes de respect de la souveraineté et de l’autodétermination des peuples. En conséquence, elle sollicite la dérogation dudit Décret Exécutif ».

Le Parlement du Marché commun du Sud (Mercosur), qui regroupe 10 pays sud-américains (5 membres permanents et 5 membres associés), a fait part de son « rejet le plus énergique et le plus catégorique » des sanctions annoncées par les Etats-Unis, dénonçant une « menace réelle d’agression contre la souveraineté, la paix et la stabilité démocratique de ce pays sud-américain et donc contre le Mercosur ». Ces mesures « constituent en elles-mêmes un danger d’intervention armée contre le Venezuela, et cela doit déclencher une alerte nationale et internationale ».

L’Association latino-américaine d’intégration (ALADI) a exprimé sa solidarité « avec le peuple vénézuélien » et « son gouvernement légitime et rejette cette déclaration qui est inexplicable et arbitraire. Le monde sait qu’aucun pays d’Amérique latine ne représente une menace pour la paix ». Le secrétariat général de l’entité a rejeté l’intromission de Washington : « L’Amérique latine et la Caraïbe ont été proclamées par le Second sommet de la CELAC (Communauté des Etats latino-américains et caribéens) comme zone de paix et c’est pourquoi cette attitude constitue une agression inacceptable pour la Région ».

Le Parlatino, Parlement latino-américain intégré par 23 pays, a également condamné l’action hostile de Barack Obama et a exigé le retrait du décret présidentiel étasunien contre le Venezuela. « Ce qui est en jeu, c’est la défense de notre souveraineté, le contrôle de nos ressources naturelles et la liberté de décider de notre propre destin », a souligné Angel Rodríguez, le représentant vénézuélien.

L’Alliance Bolivarienne pour les Peuples de Notre Amérique (ALBA) a exprimé « son rejet le plus énergique du Décret exécutif ». « Cette agression viole toute norme internationale qui régit la vie des Etats égaux et souverains, ignore la tradition antiimpérialiste qui nos peuples ont historiquement revendiqué, et constitue une menace pour la paix et la tranquillité de nos pays ».

La politique agressive de Washington a également été dénoncée aux Nations unies, au sein du Conseil des droits de l’homme de Genève. La Communauté des Etats latino-américains et caribéens – qui regroupe les 33 pays–, la Russie et la Chine, entre autres, ont dénoncé « l’imposition de mesures coercitives unilatérales comme mécanisme de pression politique et économique, fait qui viole les principes de la Charte des Nations unies ».

Face au rejet unanime de la communauté internationale, les Etats-Unis ont été contraints d’effectuer une déclaration affirmant que leur objectif n’était pas de renverser le gouvernement démocratique de Nicolás Maduro. Le Département d’Etat a ainsi assuré que les « Etats-Unis ne cherchent pas à obtenir la chute du gouvernement vénézuélien et ne tentent pas non plus de saboter l’économie vénézuélienne ». Mais l’Amérique latine n’a pas été convaincue par ces propos, tant Washington a multiplié les actes hostiles envers le Venezuela depuis l’avènement de la Révolution bolivarienne.

A moins d’un mois du Sommet des Amériques qui se tiendra les 10 et 11 avril 2015 au Panama, le Président des Etats-Unis vient de s’aliéner toute l’Amérique latine en imposant une politique hostile et agressive au Venezuela, violant le principe de non-ingérence dans les affaires internes d’une nation souveraine. Alors qu’il avait l’opportunité de se présenter face à la communauté latino-américaine paré du prestige que lui a conféré sa décision de rétablir un dialogue historique avec Cuba, Barack Obama sera accueilli par les pays du Sud avec suspicion et rejet, tout comme son prédécesseur à la Maison-Blanche… un certain George W. Bush.

Notes : Docteur ès Etudes Ibériques et Latino-américaines de l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim Lamrani est Maître de conférences à l’Université de La Réunion, et journaliste, spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis.


- Source : Salim Lamrani

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