Missiles Patriot en Pologne contre missiles Iskander-M à Kaliningrad
En 2010, il avait été convenu entre Washington et Varsovie que les forces américaines déploieraient, pendant un mois et quatre fois par an, une batterie antimissile Patriot en Pologne, plus précisément à Morag, c'est à dire à environ 60 km de l'enclave russe de Kaliningrad, où Moscou avait indiqué vouloir envoyer des missiles balistiques Iskander au lendemain de l'élection de Barack Obama à la Maison Blanche.
À l’époque, l’annonce de cet accord entre la Pologne et les États-Unis avait été critiqué par la Russie. « Semblables activités militaires ne contribuent pas à consolider notre sécurité mutuelle, à promouvoir des relations de confiance et de prévisibilité dans cette région », avait alors commenté la diplomatie russe.
Par la suite, les responsables russes menacèrent régulièrement d’installer des missiles balistiques Iskander, pouvant être dotés d’une charge nucléaire, tout en laissant le doute sur leurs intentions réelles, comme en décembre 2013. « Nous n’avons pour l’instant pas pris une telle décision, qu’ils se rassurent », avait assuré le président Poutine. Le « pour l’instant » laissait donc toutes les options ouvertes.
Depuis, il y a eu l’affaire de la Crimée et le soutien russes aux séparatistes de l’est de l’Ukraine. Ce qui inquiète les pays baltes et la Pologne au point que l’OTAN a pris des mesures de « réassurance », consistant à renforcer la surveillance de leur espace aérien et à organiser davantage d’exercices militaires.
C’est donc dans le cadre de l’opération « Atlantic Resolve » que sera déployée en Pologne une batterie antimissile américaine « Patriot » afin de prendre part à un exercice avec la 3e Brigade de défense aérienne de Varsovie.
« Le détachement sera composé d’une centaine de soldats et de 30 véhicules », a précisé le colonel Warren, un porte-parole du Pentagone. « La Pologne et les États-Unis ont commencé leur coopération en matière de défense anti-aérienne dans les années 1990, avant que la Pologne n’entre dans l’OTAN », a-t-il souligné.
L’envoi de cette batterie antimissile n’est sans doute pas sans arrière-pensée étant donné que Varsovie doit prochainement choisir un système de défense aérienne dans le cadre du programme Wisla. Là, Raytheon est en lice avec le consortium Eurosam (MBDA France, MBDA Italie et Thales), qui propose le SAMP/T.
Toutefois, le ministre polonais de la Défense, Tomasz Siemoniak, a indiqué qu’il ne s’agira pas seulement d’acquérir un système mais aussi de regarder aussi les possibilités de coopération avec « avec les gouvernements de certains pays ». Une recommandation sur le système à choisir devrait être faite à la fin du mois d’avril.
Cela étant, après l’annonce de l’envoi de cette batterie Patriot, un responsable du ministère russe de la Défense a confirmé l’envoi de chasseurs et de bombardiers supplémentaires à Kaliningrad ainsi que le déploiement de missiles Iskander M, qui, d’une portée de 500 km, seront « livrés sur les grands navires de débarquement de la flotte de la Baltique ». En outre, les troupes aéroportées russes ont été mises en alerte, le 17 mars, dans la région de Pskov, près de la frontière avec la Lettonie et l’Estonie.
« Aujourd’hui, la Russie fait ce genre de gestes à la veille du prochain sommet européen des 19 et 20 mars pour avoir une certaine influence sur les décisions du Conseil européen en matière des sanctions », a commenté le Premier ministre polonais, Mme Eva Kopacz. Lors de cette réunion, il sera décidé « soit de prolonger les sanctions actuelles, soit, si les accords Minsk 2 ne sont pas respectés, d’introduire de nouvelles sanctions économiques, encore plus dures ».
« Nous surveillons la situation, nous avons noté une suractivité en mer Baltique et dans l’espace aérien balte mais il n’y a pas de raison encore de sonner l’alarme », a cependant souligné Mme Kopacz.
- Source : Laurent Lagneau