Les États-Unis intensifient la politique anti-Chine du « pivot vers l’Asie »
Le dernier document de stratégie maritime des Etats-Unis intitulé « Une stratégie coopérative pour la puissance maritime au 21ème siècle: en avant, engagé, prêt » rendu public vendredi, montre clairement que Washington va de l’avant dans sa politique du « pivot vers l’Asie » et ses préparatifs militaires contre la Chine. Dans ce contexte, les États Unis continuent d’attiser les tensions en Mer de Chine orientale et méridionale, faisant monter le danger d’une guerre.
Ce document, préparé par l’US Navy, le Corps des Marines et la Garde côtière des États Unis et connu par l’acronyme « CS21R, » est la première mise à jour majeure de la stratégie maritime depuis 2007. Il décrit « un environnement sécuritaire mondial caractérisé par la volatilité, l’instabilité, la complexité et les interdépendances » et se concentre sur « l’importance croissante de la région Inde-Asie-Pacifique. » Il souligne que « l’importance économique, les intérêts stratégiques et la géographie de cette vaste région maritime dictent un recours croissant à des forces navales pour protéger les intérêts américains. »
CS21R insiste sur le fait qu’il est « impératif » pour les États-Unis de maintenir leur prédominance navale mondiale en défense d’intérêts américains clés et d’empêcher « [leurs] adversaires de s’appuyer sur les océans du monde contre [eux]. » Le document fait aussi remarquer que « la capacité de soutenir des opérations dans les eaux internationales loin de notre rives constitue un net avantage pour les Etats-Unis. »
La stratégie américaine de maintien d’une supériorité navale écrasante dans la région Indo-Pacifique est tout sauf innocente. Le plan du Pentagone pour une guerre contre la Chine, nommé « Bataille de l’air et de la mer » repose sur la capacité de monter une attaque aérienne et par missiles massive sur le continent chinois à partir de la mer, visant entre autres les forces militaires et l’infrastructure de la Chine, le tout complété par un blocus économique. Sous prétexte d’assurer « la liberté de navigation, » la marine américaine s’assure la capacité de bloquer les voies maritimes-clés de l’océan Indien dont se sert la Chine pour ses importations d’énergie et de matières premières depuis l’Afrique et le Moyen-Orient.
CS21R réaffirme le plan de l’armée américaine d’un « rééquilibrage » de 60 pour cent de ses forces navales et aériennes vers la région Inde-Pacifique d’ici 2020, c’est-à-dire à peine cinq ans. Il déclare: « La marine maintiendra un groupe porte-avions, des escadrons aériens aéroportés et un groupe d’intervention amphibien au Japon; un sous-marin d’attaque s’ajoutera à ceux déjà stationnés à Guam et … le nombre des navires de combat littoral à l’avant-poste de Singapour [sera porté] à quatre… La marine fournira également à la région ses plateformes de guerre les plus avancées, y compris des navires multi-mission capables d’une défense anti-missiles balistiques, des sous-marins et des avions de surveillance, de renseignement et de reconnaissance. »
De même, le Corps des Marines maintiendra une troupe expéditionnaire navale dans la région, ainsi qu’une force de Marines de rotation en Australie, soutenue par les avions de combat, les navires et les véhicules amphibies les plus récents afin de « donner à ces forces la portée accrue et les capacités améliorées requises dans cette vaste région. »
Le seul aspect « coopératif » de cette stratégie est l’effort fait par des Etats-Unis pour renforcer leurs alliances et partenariats stratégiques contre la Chine dans toute la région indo-pacifique. Ceci est mis en exergue dans le document comme le principal « défi lorsque [les Etats-Unis] font usage de force ou d’intimidation contre d’autres nations souveraines pour faire valoir des revendications territoriales. »
En fait, c’est Washington qui a délibérément enflammé les disputes maritimes dans l’ouest du Pacifique et encouragé le Japon, les Philippines et le Vietnam à mettre agressivement en avant leurs revendications territoriales contre la Chine.
La décision provocatrice du gouvernement japonais en 2012 de « nationaliser » les îlots rocheux inhabités (Senkaku au Japon et Diaoyu en Chine) en Mer de Chine orientale, a mis en mouvement une confrontation dangereuse et en cours d’escalade. Le New York Times a rapporté la semaine dernière depuis la base aérienne japonaise de Naha « [qu']au moins une fois par jour, des avions de combat japonais F-15 décollent en rugissant afin d’intercepter des avions étrangers, principalement chinois » près des îles contestées. Parfois, écrit le quotidien, ils font face à des chasseurs chinois « dans des prouesses de pilotage et de maîtrise de soi à faire blêmir. »
Alors que les Etats-Unis disent être nominalement neutres dans ce différend territorial, le président Obama s’est publiquement engagé l’année dernière à soutenir le Japon dans une guerre avec la Chine à propos de ces îles. La collaboration militaire américano-japonaise avance rapidement y compris dans la formation des unités de Marines japonaises pour « la défense de l’île » et le développement de systèmes de missiles anti-balistiques, nécessaires pour combattre dans une guerre nucléaire. L’armée japonaise prévoit le stationnement d’un autre escadron de F-15 à Naha et construit une base de radar sur l’île de Yonaguni – sa première nouvelle base militaire depuis des décennies.
Les tensions en Mer de Chine méridionale sont encore plus intenses. En décembre dernier, Washington a abandonné son semblant de neutralité dans les conflits maritimes de la région en publiant un rapport du Département d’Etat qui déclarait que les revendications chinoises violaient le droit maritime international. Dans les coulisses, les Etats-Unis soutiennent une contestation judiciaire des Philippines, soutenue par le Vietnam, des revendications territoriales de Pékin en Mer de Chine méridionale.
Au cours du mois dernier, les médias et l’establishment militaire et politique américains ont fait monter la pression sur la Chine et attaqué ses projets de construction sur des îles et récifs administrés par elle en Mer de Chine méridionale. Dans des commentaires au Sénat fin février, le directeur du renseignement national James Clapper a déclaré que la Chine s’efforçait « de façon agressive » de s’assurer le contrôle de voies maritimes stratégiques. Le sénateur républicain John McCain a été encore plus inflammatoire et a suggéré que la Chine était en train de construire des aérodromes et des bases de missiles qui pourraient interdire l’accès de la région à la marine américaine.
Sous couvert de « liberté de navigation, » les États-Unis sont déterminés à maintenir leur « droit » de positionner une puissance de feu navale importante dans les eaux sensibles bordant la Chine continentale et à proximité de ses bases militaires. Non seulement Washington soutient les Philippines et le Vietnam dans leurs différends territoriaux, il encourage encore le Japon et l’Inde à maintenir une présence militaire plus importante en Mer de Chine méridionale.
Le document CS21R souligne le caractère irresponsable de la politique étrangère et militaire américaine. En réponse à l’effondrement du capitalisme mondial, l’impérialisme américain est déterminé à maintenir et à renforcer son hégémonie mondiale à tout prix, poursuivant une stratégie qui alimente inexorablement, que ce soit en Asie, au Moyen-Orient ou en Europe de l’Est, une confrontation avec des pouvoirs disposant de l’arme nucléaire – la Chine et la Russie.
Le danger d’une guerre nucléaire a dernièrement été mis en évidence par le magazine The Economist. Dans un article publié ce mois-ci et intitulé « The New Age, » celui-ci concluait qu’« un quart de siècle après la fin de la guerre froide, le monde fait face à une menace croissante de conflit nucléaire. »
Bien que traitant principalement des dangers posés par la guerre en Ukraine, l’article mettait aussi en garde contre une course aux armements nucléaires et des conflits en Asie. Notant « [qu']une crise, par exemple à Taiwan, pourrait dégénérer de façon alarmante, » le magazine dit que « le Japon, voyant l’armée conventionnelle se renforcer en Chine, pourrait considérer qu’il ne peut plus compter sur l’Amérique pour sa protection. S’il en était ainsi, le Japon et la Corée du Sud pourraient développer des bombes nucléaires créant, avec la Corée du Nord, un autre affrontement régional terrifiant. »
- Source : Peter Symonds