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Le B'naï B'rith à l'origine de la loi Fabius-Gayssot

Auteur : Emmanuel Ratier | Editeur : Walt | Jeudi, 12 Mars 2015 - 20h26

Le B’naï B’rith a largement contribué à l’adoption de la loi Fabius-Gayssot du 13 juillet 1990, qui institue le délit d’opinion révisionniste (c’est-à-dire l’interdiction de tout travail historique aboutissant à remettre en cause tout ou partie des jugements du tribunal de Nuremberg, et notamment l’existence des chambres à gaz homicides durant la Seconde Guerre mondiale dans les territoires de l’Est) : « [Le B’naï B’rith] s’est illustré ces dernières années par des actions sans relâche contre les révisionnistes et leur travail de désinformation sur la Shoah » — Tribune Juive.

Le révisionnisme historique est un sujet qu’a toujours suivi de très près le B’naï B’rith et l’ADL au niveau mondial. Abraham Foxman, directeur de l’ADL, avait pris par exemple la peine d’envoyer des États-Unis une lettre de protestation aussi bien au recteur de l’université de Nantes qu’au ministre de l’Éducation, Alain Devaquet, pour demander que soit retiré le titre de docteur en histoire à l’historien Henri Roques « qui nie dans son travail l’extermination des Juifs par les Nazis ».

La Loge Mazeltov du B’naï B’rith de Paris demandait également « avec une extrême fermeté » la condamnation de cette thèse, et l’Union française des associations B’nai B’rith (UFABB) a participé à la manifestation de protestation organisée devant le mémorial du Martyr juif inconnu, à Paris. Dès septembre 1987, le B’nai B’rith, qui se réjouissait de voir la classe politique française et européenne condamner ce qu’il appelait « les déclarations calomnieuses de Le Pen sur la Shoah », demandait l’établissement d’une loi spéciale condamnant toute recherche historique critique indépendante sur certains épisodes et événements de la Seconde Guerre mondiale, en particulier les chambres à gaz homicides :

Nous appelons notre gouvernement à présenter à l’Assemblée nationale une loi visant la condamnation de toute publication et de tout discours discriminatoire de caractère racial ou antisémite. Cette loi comporterait en particulier une condamnation sévère de toute négation de l’extermination du peuple Juif ou la banalisation de l’histoire de cette époque.

Le B’naï B’rith était exaucé quelques mois plus tard grâce au tandem Fabius-Gayssot et sa lex Faurissonia.

Le Pen, premier révisionniste de France

Devant le développement de la remise en cause de l’Holocauste aux États-Unis, avec des organismes comme l’Institute for Historical Research, le Committee for open debate on the Holocaust, etc., et dans plusieurs pays du monde (au Canada avec Ernst Zündel, en Italie, Espagne, Autriche, etc.), la section spécialisée dans les enquêtes du B’naï B’rith, la Ligue Anti-Diffamation a créé sa propre revue, Dimensions, sous-titrée « Un magazine d’études de l’Holocauste »).

Par le biais du Centre international Braun d’études de l’Holocauste qu’elle a fondé en 1977, eUe diffuse et distribue des centaines de milliers de brochures dans les écoles, organise des conférences, des séminaires, etc. Pour donner une idée de l’importance de son travail de propagande, on notera que l’ADL dispose également de son propre catalogue de livres et de films, L’Holocauste en images, le film. Réalisé par Judith Herschlag Muffs, vice-directrice de la section ADL des relations interreligieuses, et Dennis L. Klein, directeur du Centre d’études international de l’Holocauste, il ne comprend pas moins de 158 pages, 12 sous-divisions, 475 thèmes différents (dont un film sur Ivan le Terrible, alias John Demjanjuk), etc. Sa préface est signée par Elie Wiesel. Ce dernier, prix Nobel de la paix, écrit notamment :

Pendant des années, des parents firent de leur mieux pour protéger leurs enfants contre un thème jugé par trop dépressif. D’un seul coup, la situation a changé. Ce thème de l’Holocauste n’est plus tabou. Il est abordé librement et parfois même trop discuté et avec trop d’insouciance. Les jeunes ne veulent plus être épargnés et exigent de tout savoir sur ces événements.

Le B’naï B’rith a obtenu en outre que le ministère de la Défense réalise, de concert avec elle et dans une forme très largement inspirée par l’ADL, un guide destiné aux forces armées américaines, Jours de souvenirs (Days of Remembrance), pour organiser des cérémonies en souvenir de l’Holocauste et des programmes d’informations auprès des soldats. Ce manuel de 144 pages est désormais automatiquement inclus dans la formation militaire des recrues américaines. L’ADL du B’naï B’rith a en outre créé une « task force » spéciale, chargée de la recherche des anciens responsables nationaux-socialistes, qui travaille directement avec les services du ministère de la Justice, de manière à fournir témoins et documents nécessaires aux poursuites.

La Ligue Anti-Diffamation du B’naï B’rith a également publié diverses brochures et plusieurs rapports volumineux sur la question de l’Holocauste et de sa remise en cause, de manière à lutter efficacement contre la progression du révisionnisme. Les deux principaux ouvrages diffusés sont Réinventer le grand mensonge, et Les Apologistes d’Hitler.

La propagande antisémite et le « révisionnisme » historique

On remarquera que le second rapport, censé représenter la « vérité vraie » sur l’Holocauste, présente en couverture une « photo détournée ». Il s’agit de la fameuse photo d’un enfant juif avec une casquette, les bras levés, avec un groupe de soldats allemands armés derrière lui. Une photo universellement connue, passant pour avoir été prise durant l’insurrection du ghetto de Varsovie et symbolisant admirablement l’Holocauste des enfants juifs durant la Seconde Guerre mondiale. Il est toutefois beaucoup moins connu que cette photo n’a pas été prise dans le ghetto de Varsovie mais à l’extérieur, à proximité de la gare ; qu’elle a été prise avant l’insurrection du ghetto; et que l’enfant sur la photo, qui s’appelait Tsvi Nussbaum, n’a pas été gazé mais est bien vivant, puisqu’il habite New York où il est médecin.

En dehors de toute discussion sur la véracité ou la fausseté des thèses discutées (ce qui est strictement interdit en France à la suite de l’adoption de la loi Fabius-Gayssot), il est loisible de s’interroger sur le contenu de ces deux ouvrages. Et plus particulièrement sur les chapitres consacrés à la France, intitulés Les « Révisionnistes » français, dans les deux volumes. Pratiquement copiés l’un sur l’autre, ils comportent trois têtes de chapitre censées présenter les trois principaux représentants de l’école historique révisionniste française : Robert Faurisson, Henri Roques … et Jean-Marie Le Pen. De cette manière, Jean-Marie Le Pen, leader d’un parti politique français et député au Parlement européen, est mis aux yeux du lecteur exactement sur le même plan que deux des principaux historiens révisionnistes mondiaux, auteurs de plusieurs ouvrages ou articles sur le sujet, et qui ont consacré plusieurs années de leur vie à leurs recherches.

Cet effet dévastateur est évidemment obtenu par le biais d’une déclaration largement tronquée. En revanche, l’accusation est très claire :

Quelques-uns des exemples les plus inquiétants de la rhétorique « révisionniste » de l’Holocauste qui ont émergé sur la scène publique ces dernières années l’ont été par le leader du Front National français d’extrême droite, Jean-Marie Le Pen. Bien que Le Pen n’ait pas explicitement embrassé les vues exprimées par des « révisionnistes » tels que Faurisson ou Roques, il a amenuisé l’importance des atrocités commises contre les victimes des nazis et a tenté de semer des graines de doute sur l’énormité de l’Holocauste.

L’accusation s’appuie essentiellement sur la citation de Jean-Marie Le Pen à propos du « point de détail », déclaration qui lui a valu d’être condamné à l’équivalent d’1,2 million de francs d’amende. Bien que se suffisant à elle-même, cette déclaration est rapportée de manière tronquée et tendancieuse. Nous la redonnons dans son intégralité, avec entre parenthèses les passages sautés par l’ADL pour permettre au lecteur de constater le truquage :

— Considérez-vous qu’il y a eu un génocide juif dans les chambres à gaz ?

— Je ne connais pas les thèses de MM. Faurisson et Roques. Il y a eu beaucoup de morts, des centaines de milliers, peut-être des millions de morts juifs et aussi des gens qui n’étaient pas juifs. Je ne dis pas que les chambres à gaz n’ont pas existé. Je n’ai pas pu (moi-même) en voir. Je n’ai pas étudié spécialement la question, mais je crois que c’est un point de détail de la Deuxième Guerre mondiale.

— Six millions de morts, c’est un point de détail ?

— La question posée était comment ces gens ont été tués… C’est un point de détail de la guerre.

Vue la manière dont le texte réel est tronqué, Jean-Marie Le Pen ne peut évidemment apparaître que comme un révisionniste militant et un complice du génocide.


- Source : Emmanuel Ratier

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