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Lundi, 23 Déc. 2024

La valise ou le cercueil.

Auteur : Ahouansou SÉYIVÉ | Editeur : Walt | Vendredi, 31 Oct. 2014 - 11h42

L'affaire fut, dès le départ, cousue de fil blanc. Il y eu d'abord l'opération Serval lancée en janvier 2013, sensée sauver les Maliens des islamistes, puis vint le temps de l'opération Barkhane déclenchée cet été en vue de sécuriser le Sahel, mais dont l'objectif véritable visait évidemment à repositionner la France dans cette région d'Afrique et de pérenniser sa présence militaire.

Aussi, comme au bon vieux temps du partage de la Conférence de Berlin et des conquêtes coloniales, le souci du bien-être des populations locales avait été mis au centre d’une rhétorique justifiant l’incongrue présence de militaires français sur le sol africain, en ce début de XXIème siècle.

Malgré quelques réticences d’un exécutif malien faiblard, sans forces de défense dignes de ce nom, et ne devant sa bonne fortune qu’à l’interventionnisme du gouvernement français, l’ouverture d’une base française à Tessalit avait été entérinée par un accord de « Partenariat de défense » signé à la mi-juillet 2014.

Lisant entre les lignes, nous annoncions un retour en force et durable d’une France, à genoux économiquement, sur le sol africain.

Les dialectiques de la lutte contre le terrorisme, de celle de l’aide au développement et de la lutte contre le trafic de drogue nous apparaissaient alors comme le minuscule cache-sexe d’ambitions néocoloniales. 

Les dernières décisions et actions françaises dans la région, prises comme il se doit en catimini, valident notre lecture-diagnostic d’hier et fondent nos propectives-antidotes de demain.

Comme souvent en matière françafricaine, c’est sous couvert d’anonymat qu’un responsable du ministère français de la Défense a annoncé le renforcement du dispositif militaire tricolore. On notera la persistance des autorités françaises à traiter leurs partenaires (ou subordonnés) africains avec la plus grande des condescendances.

Méprisant toute prérogative étatique ou exercice de souveraineté, le choix du moment et du vecteur de l’annonce n’est même pas laissé au pays concerné, celui-ci n’ayant qu’à se taire et obtempérer.

Ainsi, la source anonyme s’étant confiée à l’AFP, a informé nigériens et français qu’une nouvelle base militaire serait sise au Niger, plus précisément en la ville de Madama, distante d’une centaine de kilomètres de la frontière libyenne.

Resserrant le maillage militaire français au Sahel, l’emplacement de cette base, qualifié de « stratégique » a pour but avoué de contrôler l’accès à la Libye aux djihadistes et trafiquants. L’ex-Jamahiriya étant devenue, depuis le renversement de Mouammar Kadhafi, une oasis et un marché d’armes à ciel ouvert pour terroristes.

A toutes fins utiles, il nous faut soulever le heureux hasard que constitue l’annonce de l’ouverture d’une base militaire au nord du Niger, dix jours à peine après l’officialisation de la mise en œuvre d’un accord signé le 26 mai 2014, entre le gouvernement local et la société française Areva.

Hasard heureux, mais des plus troublants, puisque les mines d’uranium, pour lesquelles la multinationale tricolore a obtenu des conventions d’exploitations, se trouvent elles aussi au nord du Niger.

Areva ayant accepté, dans la plus pure tradition coloniale, de financer la construction de la route permettant d’évacuer le produit de son pillage, l’armée française, en plus de poursuivre les djihadistes et trafiquants de drogue, aura la mission de protéger le convoyage d’un précieux minerai obtenu à vil prix garantissant l’indépendance énergétique du pays des droits de l’homme, et au passage, de juteux dividendes aux actionnaires d’Areva...

Apparaissant au grand jour, les véritables raisons de la présence française au Sahel et les incohérences dans l’exposé de ses missions successives dans la région, nécessitent cependant un rapide rappel chronologique, permettant une contextualisation nécessaire à l’établissement des fondements crapuleux de l’interventionnisme hexagonal sur la terre d’Afrique en général, au Sahel en particulier.

Soucieuse de sauver le peuple libyen de la folie sanguinaire d’un tyran, auquel elle avait réservé un accueil grandiose dans les jardins de l’Élysée en décembre 2007, la France soutenue par l’OTAN, avait procédé, avec la barbarie distinguée des démocraties occidentales, au renversement le 20 Octobre 2011 de Mouammar Kadhafi.

Le résultat de cette croisade blanche pour l’avènement de la démocratie chez les arabes s’était soldée par un fiasco équivalant à celui du précédent irakien : un pays divisé, plongé dans le chaos, en proie à une violence politique aveugle, et bientôt déserté par ses libérateurs.

Français et américains, après avoir mis le pays à feu et à sang, mais s’étant d’abord assurés que leurs intérêts économiques seraient correctement gérés par la bourgeoisie compradore qu’ils avaient contribué à installer aux commandes de cet état en guerre civile permanente, s’étaient enfuis.

Las, comme en Irak, les feux qu’ils avaient initiés en Libye n’allaient pas tarder à faire tâche d’huile dans la sous-région et menacer les intérêts économiques français : les mines d’or et d’uranium (Faléa) au Mali et les mines d’uranium (Arlit et Imouraren) du Niger.

L’aspect économique de cet interventionnisme prédateur a toujours été sciemment éludé par les responsables politiques français, et pire encore, largement ignoré par des médias encore plus incompétents qu’à l’accoutumée.

Il fallait donc une bonne raison pour envoyer la troupe dans cette zone méconnue des français et qui ne leur semblerait pas, de prime abord, ressortir des intérêts vitaux de l’hexagone.

Arrivèrent alors, et à point nommé, des djihadistes menaçant la république malienne : l’opération Serval pouvait être lancée.

Faisant d’une pierre deux coups, François Hollande sauvait les maliens de l’instauration d’un califat, tout en épongeant la dette de la France envers l’Afrique (le ridicule ne tue pas !).

Il repositionnait corrélativement l’armée française au cœur d’une zone stratégique, en prévision de tensions qui découleront à coup sûr dans un futur proche, de la nouvelle ruée vers l’Afrique.

Mais aussi et surtout dans l’optique immédiate de protéger les intérêts locaux de l’ex-puissance coloniale.

Si le triomphe de Serval fut rapide et total, le suspens fut maintenu par les autorités françaises. Celles-ci, poussant leur avantage, en profitèrent pour maintenir le gouvernement malien sous pression. En soutenant discrètement les irrédentistes touaregs et en gonflant la menace djihadiste, elles obtinrent de ce dernier, dont la faiblesse et le dénuement en matière de défense confinent au pathétique, la signature d’un « Partenariat de défense » portant création d’un base militaire française à Tessalit.

Dans ce monde plus sûr était lancée par surprise l’opération Barkhane : l’enfumage se révélera final et définitif.

Se positionnant sur une ligne partant du Sénégal/Mauritanie et passant par le Mali, le Niger, le Tchad, le Soudan pour finir en Érythrée, la France s’était octroyée le rôle de puissance régionale, elle qui se situe pourtant en Europe.

Contre toute attente, ce repositionnement s’avère être insuffisant. On apprend aujourd’hui que les djihadistes chassés du Mali, s’étant réfugiés dans une Libye devenue, depuis l’intervention de le l’OTAN, un havre pour terroriste et un marché d’armes à ciel ouvert, il est nécessaire d’ouvrir une base au Niger, dans la localité de Madama.

En clair, la France déclenche un chaos en Libye d’où émergent des fous d’Allah qu’elle chasse du Mali. Ceux-ci se réfugient dans une Libye en proie au désordre, leur offrant un sanctuaire ce qui « contraint » la France à surveiller les environs, de crainte qu’ils ne reviennent.

Gageons qu’ils reviendront au Mali ou au Niger et qu’il faudra encore les en déloger.

Notons que pour 200 djihadistes (selon l’AFP), la France a dépêché sur place de 3 à 4000 soldats et personnels militaires. Que la zone d’action des djihadistes soit immense, personne n’en disconvient, mais l’asymétrie des forces en présence (il faut ajouter les 8200 hommes de la Minusma stationnés au Mali) rendent encore moins plausibles les motifs avancés par Paris, afin de justifier une présence suintant le néocolonialisme, matérialisée par les deux nouvelles bases militaires ouvertes au Mali et au Niger.

C’est donc à un jeu à sommes nulles auquel participe l’Afrique à son corps défendant.

Le chaos installé par l’OTAN en Libye étant appelé à durer, les va-et-vient incessants des barbus dans la bande sahélienne ne sont pas prêts de s’arrêter et la France, de par l’ampleur de ses méfaits dans la région, a rendu incontournable pour plusieurs années une présence urticante et prédatrice.

Présence qu’elle souhaite étendre vers l’Afrique de l’Ouest et centrale, puisqu’elle a proposé ses services au Nigeria et au Cameroun, confrontés à Boko Haram.

Boko Haram, terme générique désignant tout à la fois la persistance de particularismes religieux, de déséquilibres économiques et sociaux au nord du Nigeria, la cristallisation de règlements de comptes politiques internes préfigurant une lutte acharnée lors de l’élection présidentielle à venir, et d’une lutte non moins acharnée pour l’obtention de la place du vieillissant président-fainéant Paul Biya.

Arrive le moment où, en tant qu’africain conscient, sain de corps et d’esprit, l’on doive s’arrêter pour apporter réponse à une question de bon sens, voire d’application du sain principe de réciprocité.

Alors que Nicolas Sarkozy, le maître-d’œuvre du pandémonium libyen, dans une tentative désespérée d’échapper à la justice de son pays, opère un retour en politique et use d’une rhétorique raciste visant, entre autres cibles, les africains (l’immigration menacerait la l’identité et la façon de vivre des français), ne devons-nous pas repenser les voies et moyens entraînant la fin de la présence non désirée et non désirable de l’armée française, où qu’elle se trouve sur le sol africain ?

Alors que la France quasi-unanime, se répand en pleurs et hommages mielleux à la mémoire d’un ennemi objectif des peuples africains, feu Monsieur de Margerie, pouvons-nous persister à tolérer la présence invasive et prédatrice d’un État qui canonise l’ordure économique, et par là, légitime le pillage de nos matières premières ?
Total, ce joyau du CAC 40, synonyme de corruption, de pollution, de spoliation sur le sol africain, est, au même titre qu’Areva, Bouygues ou les entreprises Bolloré, le fer d’une lance aux mains de l’état français, plantée dans les reins de l’Afrique.

Peut-on en conséquence ajouter foi aux déclarations grandiloquentes de François Hollande ou de son ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, lorsqu’ils prétendent envoyer soldats, ouvrir bases militaires à chaque croisement de rue africaine pour lutter contre le terrorisme, et suprême injure, nous aider ?

Aux questions du bon sens et de la réciprocité, s’ajoutent celles qui portent sur l’essence même de notre refus : que voulons-nous atteindre collectivement et quel est le degré de notre volonté ?

Que faut-il pour que, collectivement, nous décidions de changer de fusil d’épaule, pour cette fois le charger et nous en servir ?

Que faut-il pour que collectivement, nous choisissions de nous opposer à la persistance de la mainmise sur nos états de ce parasite que constitue la France en Afrique ?

Cette dernière a assez menti et triché, a assez pillé et et tué, a suffisamment menacé et attaqué nos identités et façons de vivre pour qu’il n’y ait plus d’ambiguïté sur la marche à suivre et surtout la direction à lui faire prendre : la reconduite immédiate à nos frontières de cet immigré voleur et assassin.

Il n’y a pas de générosité à chercher et encore moins à trouver dans les actions de la patrie des droits de l’homme en Afrique. On se souviendra avec profit de la réaction de son exécutif, lors du refus manifesté par la Guinée de Sékou Touré d’intégrer, en 1958, une Communauté Française voulue par De Gaulle, continuation du droit de cuissage économique de la métropole.

L’histoire du continent est jalonnée des forfaitures et trahisons françaises, toutes enrobées dans des concepts séduisants mais trompeurs, tels que l’apport de la civilisation, le développement économique, la promotion de la démocratie et aujourd’hui la lutte contre le fondamentalisme musulman.

Dans l’optique de ce changement de logiciel dans les relations pays Africains/France, un préalable est nécessaire et indispensable : la mise à l’écart du jeu politique d’une élite complice de la France et tout comme elle prédatrice.

Il ne peut y avoir d’émancipation véritable, si reste accrochée aux plus hauts cercles du pouvoir la classe politique corrompue qui, se perpétuant depuis plus de cinquante ans, est responsable du retard de l’Afrique, et de son statut de marionnette sur la scène internationale.

Ce pouvoir confisqué par des laquais, il nous faut, peuples d’Afrique avoir le courage et la volonté collective de s’employer à le récupérer.

Il n’y aura pas d’homme providentiel, laissons derrière nous la chimère du leader charismatique, détenant à lui seul la solution à nos problèmes.

Le salut, comme le marasme actuel, sera collectif, et c’est d’un peuple devenu providentiel pour lui-même qu’émergeront le changement et le remplacement des élites défaillantes nous ayant représenté, à notre corps défendant, depuis si longtemps.

Se dessine à cet égard, un test déterminant pouvant potentiellement marquer une étape importante, préfigurant la fin d’un cycle. Blaise Compaoré, l’assassin de Thomas Sankara, souhaitant pérenniser sa présence pernicieuse à la tête de l’État burkinabé et usant de tours de passe-passe éculés, a décidé de modifier l’article 37 de la constitution de son pays, portant sur la limitation du nombre de mandat présidentiel.
L’opposition a d’ores et déjà notifié qu’elle ne laissera pas l’autocrate agir à sa guise, et le peuple semble prêt à la désobéissance civile. Il est à espérer que les États-Unis, ayant déjà manifesté leur opposition à Compaoré, ne s’octroient le contrôle du Burkina Faso, par un des coups tordus dont ils sont coutumiers, en favorisant la prise du pouvoir par une marionnette, qui comme celle occupant actuellement la présidence ivoirienne, et tenue en laisse par Paris, rendra des comptes à Washington.
Ce test, s’il est passé avec succès peut être, (non pas le déclic, car l’avenir du continent ne se joue ni sur un homme, ni sur un moment), une base sur laquelle repenser le rôle politique de peuples africains, ayant appris à dire non et le faisant savoir.

Cette étape passée, alors il nous sera possible de faire entendre à la France et aux autres nations impérialistes, le rugissement que nous retenons tant bien que mal par-devers nous depuis des générations : allez-vous en !

Ceux suffisamment sages, parmi les autoproclamés maîtres du monde, mesurant alors la force de notre détermination, d’eux-mêmes s’en iront.

Aux autres, bornés et têtus, il sera toujours temps d’imposer un dilemme naguère synonyme d’une Algérie brûlante luttant pour accéder à son l’indépendance : la valise ou le cercueil...

 


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