La privatisation de la lutte contre l'Ebola. Comment l'OMS est dirigée par des fonds privés tels que la Fondation Gates
“Le monde des fonds privés a sa part de responsabilité dans la mise en quarantaine de milliers de personnes jusqu’à la mort.”
La Sierra Leone a agité le drapeau blanc en face du virus de la maladie d’Ebola (EVD). Sa maigre infrastructure a cédé sous l’assaut d’une maladie qui aurait pu être réduite. L’annonce que les patients infectés devront être traités à la maison car il n’y a plus la capacité de les traiter dans les hôpitaux est une capitulation qui n’aurait pas dû se produire. Non seulement l’Europe et les Etats-Unis ferment les yeux face aux Africains malades et mourants, mais ils l’ont fait avec l’aide d’une instance improbable.
L’Organisation mondiale de la santé est l’instance de “direction et de coordination de la santé au sein du système des Nations Unies.” Son nom même implique qu’elle prend ses décisions à partir des demandes des gouvernements représentants les populations et répond aux besoins des gens partout dans le monde, mais la vérité est tout autre. Le plus grand contributeur au budget de l’OMS n’est pas un gouvernement. Il s’agit de la Fondation Bill et Melinda Gates qui fournit plus de fonds que les États-Unis ou le Royaume-Uni. Les actions et les priorités de l’OMS ne sont plus le résultat d’un consensus concernant la population mondiale, mais d’un consensus pris d’en haut à partir de la prise de décision de riches philanthropes.
La Fondation Bill et Melinda Gates peut sembler avoir une posture de sauveur puisqu’elle contribue au budget de l’OMS à la hauteur de 300 millions de dollars, mais ces fonds sont assortis de conditions. La directrice générale de l’OMS, la Dresse Margaret Chan, l’a reconnu lorsqu’elle a déclaré, “Mon budgétaire [est] très affecté, de sorte qu’il est mené par ce que j’appelle les intérêts des donateurs.” Au lieu d’être sur la ligne de front en cas d’épidémie de maladie transmissible, l’OMS passe son temps à gérer les lignes directrices déterminées par Gates et son équipe.
“L’accès aux services de santé devrait être un droit de l’homme, pas un don d’un organisme de bienfaisance.”
L’horreur Ebola continue comme elle le fait depuis les dix derniers mois en Guinée, au Libéria et en Sierra Leone. La cruauté de l’absence de réaction du monde pour l’Afrique et les Africains de la diaspora était évident par l’inaction des nations et des organisations qui sont censées intervenir en cas de situations d’urgence. Alors que les gouvernements africains et les organisations de secours ont sonné l’alarme, l’OMS n’a guère fait grand chose car ses donateurs s’y opposent. Le monde des fonds privés a joué un rôle dans le confinement de milliers de personnes à mort.
Les détracteurs de la Fondation Gates sont apparus bien avant l’actuelle épidémie d’Ebola. En 2008, le chef de la lutte contre le paludisme à l’OMS, le Dr Arata Kochi, se plaignait des conflits d’intérêts créés par la fondation. Dans une note interne divulguée au New York Times, il s’est plaint que les meilleurs chercheurs sur le paludisme dans le monde ont été “enfermés dans un« cartel » avec leur propre financement de recherche lié à celles des autres dans le groupe.” En d’autres termes, les normes d’indépendance de la recherche (contrôlée par des pairs indépendants) ont été mises de côté afin de plaire au bailleur de fonds.
La philanthropie privée est intrinsèquement antidémocratique. Il s’agit d’un processus conduit par les riches indiquant aux récipendiaires de leurs dons ce qu’ils doivent faire. Il s’agit d’un système problématique pour les organismes de bienfaisance de toutes sortes et qui est désastreux lorsque la santé de la population mondiale est concernée. L’accès au soin devrait être un droit de l’homme, pas un don d’un organisme de bienfaisance, et les gouvernements de la planète devraient déterminer la manière dont ces fonds sont utilisés pour protéger ce droit. Un critique l’a mis en exergue de manière très évidente : “… La Fondation Gates, Bill & Melinda Gates, ne croit pas dans le secteur public, elle ne croit pas en un système de propriété publique, démocratique et publiquement responsable.”
Il n’est pas étonnant que la flambée de fièvre Ebola ait pris au dépourvu l’OMS car ils ont passé des mois à faire des déclarations fumeuses mais n’ont jamais coordonné de réponse efficace à l’épidémie. C’est la fondation Gates qui est le patron de l’OMS et non pas les gouvernements, et si ces gouvernements n’étaient pas demandeurs de mesures concrètes, les personnes désespérées qui ont été touchées par le virus Ebola n’en auraient pas eu du tout.
La privatisation des ressources publiques est un fléau mondial. L’éducation, les pensions, l’eau et le transport ont été enlevés des services publiques et donnés à des gens riches et à des sociétés. La crise de l’Ébola est symptomatique de tant d’autres crises qui ne sont pas combattues parce que personne ne veut mordre les mains de ceux qui les nourrissent.
“C’est la Fondation Gates qui est le patron de l’OMS et non pas les gouvernements.”
La Fondation Bill et Melinda Gates a promis 50 millions de dollars pour lutter contre l’épidémie actuelle d’Ebola mais cela aussi est problématique, en tant que directeur général, Chan écrit : “Quand il y a un événement, nous avons de l’argent. Puis, après cela, l’argent cesse d’arriver, alors on doit mettre fin aux contrats de tout le personnel recruté pour résoudre la crise“. L’OMS ne devrait pas survivre au gré des crises, du SRAS, du MERS (coronavirus du syndrome respiratoire au Moyen-Orient), ou bien de la grippe H1N1 sur la base des caprices de philanthropes. Les principes directeurs de la santé publique doivent être effectués par des professionnels compétents de la médecine qui ne devraient pas être tributaires de milliardaires pour leurs emplois.
Les Gates ne sont pas les seuls à utiliser leurs finances pour capter ce qui devrait être du domaine des responsabilités publiques. Le fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg, a annoncé qu’il verserait 25 millions de dollars pour lutter contre le virus Ebola. Son don ira à la fondation des Centres de contrôle des maladies (Centers for Disease Control, CDC). La plupart des Etats-uniens ne sont probablement pas au courant qu’une telle fondation existe. Pourtant, elle est dirigée par un conseil qui pour la plupart de ses représentants ne manqueront pas d’interférer avec le bien public. L’OMS et son incapacité à coordonner la lutte contre le virus Ebola nous dit que la santé publique est juste publique. Si la réponse du CDC au virus Ebola aux États-Unis échoue cela pourrait être parce qu’il a tout simplement cédé aux sirènes des intérêts privés pour le contrôle des ressources et des responsabilités publiques.
- Source : Margaret Kimberley